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Distribution

“La distribution est un métier d’épicier”

Publié le 18 mars 2014

Par Benoît Landré
8 min de lecture
Christian Digoin, directeur général du groupe DMD (Digoin Mustière), décrypte l’actualité et l’évolution des marques Ford, Chevrolet et Hyundai, sous les projecteurs depuis plusieurs semaines, et dévoile son plan de bataille pour remonter la pente, au sortir d’une année compliquée.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quel bilan tirez-vous de l’exercice 2013 ?

CHRISTIAN DIGOIN. Globalement, l’année a été très moyenne pour le groupe. Nous devrions afficher une rentabilité autour de 0,6 et 0,7 %, ce qui, au regard du chiffre d’affaires global, représente un petit résultat. L’exercice 2013 s’est révélé être le second marché le plus faible en volume depuis les années 80. Et si nous combinons les activités VN et après-vente, on peut même parler de plus mauvaise année depuis au moins trente ans.

Nous avons perdu 8 % de volumes VN, ce qui est significatif par rapport à un exercice 2012 déjà peu porteur. Sur l’activité occasion, nous avons maintenu nos volumes, voire même augmenté légèrement nos ventes à marchands. Nous avons également enregistré une hausse de 1,5 % du chiffre d’affaires de pièces grâce à une forte politique de ventes à professionnels, via la franchise Motorcraft. Enfin, en après-vente, carrosserie et mécanique confondues, nous avons décroché de six points.

JA. Les tendances des premiers mois 2014 incitent-elles à l’optimisme ?

CD. J’ai le sentiment que nous sommes arrivés au bas du marché. Il est certain que nous sommes en stabilisation, en revanche je ne perçois pas de réelles reprises, sauf peut-être, une très légère, sur la partie véhicules utilitaires, notamment avec la marque Ford. Si nous terminons l’année avec un marché entre 2 et 3 % de progression, ce sera déjà bien.

Toutefois, nous observons une augmentation du prix moyen de vente de l’ordre de 2 à 2,5 %, liée à un effet de mix. Les particuliers achètent des voitures de milieu ou haut de gamme qui sont mieux équipées. C’est peut-être le contre-pied de la période des primes à la casse, où nous avons vendu beaucoup de véhicules d’entrée de gamme. Evidemment, le prix et le coût d’utilisation sont des facteurs déclenchants incontournables, mais le confort de la voiture, la qualité de finition, le design sont toujours prégnants dans le processus d’achat. C’est encourageant.

JA. Le réseau Hyundai gronde depuis quelques mois. Quelle est votre position ?

CD. Je suis dans ce métier depuis trente ans et j’ai connu des soubresauts avec toutes les marques. Nous représentons Hyundai à Nantes depuis 2010 et nous avons investi dans cette marque car nous estimons qu’elle a un potentiel de développement important en France. J’estime que les choses fonctionnent car elles ont du sens dans la durée. Aussi, je préfère conserver du recul par rapport à ces soubresauts. Selon moi, ils ne remettent pas en cause le projet à long terme. Mais je peux me tromper, la preuve avec Chevrolet.

JA. Justement, quel est votre avis sur ce retrait ?

CD. Cela a été une très grande surprise, je n’ai rien vu venir. D’autant que nous étions performants, rentables et en développement avec la marque. Nous avions aussi de bonnes relations avec le constructeur. Ce n’est qu’après coup, malheureusement, que j’ai compris que Chevrolet n’était performant qu’en France, et pas en Allemagne ou en Angleterre. Aujourd’hui, si un constructeur à dimension mondiale n’est pas performant sur le Vieux Continent, il s’en va.

Avant de diriger le groupe, j’ai travaillé pendant quinze ans chez Ford. Contrairement aux idées reçues, les distributeurs ont une vision à long terme de la distribution automobile. Nos investissements en structures comme en ressources humaines s’inscrivent bien évidemment dans la durée. Les constructeurs, eux, ont une vision à long terme sur le plan industriel et du développement produits, en revanche ils ont un regard d’actionnaire sur la distribution, qui n’est rien d’autre qu’une variable d’ajustement. Et nous venons d’en avoir un bel exemple. Mais Chevrolet est un cas assez unique, et je ne vois pas à l’heure actuelle quelle autre marque pourrait connaître une issue identique.

JA. Qu’est-ce que vous pensez des propositions formulées par Chevrolet à son réseau ?

CD. Je ne ferai aucun commentaire sur ce sujet, c’est un débat privé qui ne concerne que moi et General Motors.

JA. Envisagez-vous de remplacer le panneau Chevrolet au sein de vos affaires ?

CD. Je suis en phase de réflexion, encore faut-il qu’il y ait des possibilités et que cela fasse sens. Mes trois affaires Chevrolet étaient associées à Opel, il y aura donc toujours au moins un panneau.

JA. Avez-vous été approché par des marques ?

CD. Nous sommes un groupe très concentré sur un plan régional, aussi, quand il y a des opportunités, nous sommes souvent contactés. Ce n’est pas pourtant pour cela que l’on tombe d’accord à chaque fois.

JA. Vous êtes président du Forami (groupement des concessionnaires Ford). Quel a été la teneur du discours de Ford lors de la convention qui s’est déroulée fin janvier ?

CD. Il y a un discours volontariste de reconquête de volume et de parts de marché, avec des idées nouvelles du nouveau management de Ford France. Je pense qu’il faut se donner six mois avant d’en mesurer l’impact sur les volumes et les parts de marché. En revanche, le train est déjà en marche sur l’activité utilitaires, nous le sentons et pouvons en témoigner avec une gamme qui s’est étoffée de quatre produits en un an. Enfin, même si le marché européen reste très compliqué, le plan de développement produits VP de la marque continue, car Ford jouit d’un rayonnement mondial, d’un niveau de performance élevé en Amérique du Nord et dans d’autres régions du monde, et de résultats globalement satisfaisants.

JA. Vous faites partie de ces groupes dont la gestion repose sur deux dirigeants, vous-mêmes et Arnaud Mustière. Comment votre binôme opère-t-il au quotidien ?

CD. La solitude du dirigeant est une chose très vraie. Etre deux, c’est formidable, car on peut tout partager. Evidemment, cela repose sur des basiques, une complémentarité, qui s’exprime chez nous par des cursus différents. C’est également bénéfique pour la pérennité de l’entreprise, et assurer cette pérennité reste mon objectif essentiel. Même si nous partageons l’ensemble des décisions stratégiques, j’ai davantage en charge la partie juridique, financière ainsi que le back-office du groupe. Sur le plan opérationnel, Arnaud Mustière dirige directement les affaires des départements 35 et 49, quant à moi, je gère les sites Ford de Nantes et Saint-Nazaire. Nous avons également des directeurs de sites qui s’occupent des autres sociétés.

JA. Quelle est la philosophie qui préside actuellement au développement du groupe ?

CD. Nous voulons rester dans notre environnement du Grand Ouest, qui nous convient très bien. Sortir de cette zone impliquerait un type de management différent, et nous ne voulons pas nous aventurer dans des choses que nous ne maîtrisons pas. Par ailleurs, le multimarquisme comporte des avantages, mais aussi des inconvénients, en particulier la complexité. Actuellement, nous avons surtout besoin d’efficacité, de clairvoyance et de rapidité, mais également d’esprit d’équipe, de cohésion et d’enthousiasme de la part des collaborateurs. A la taille d’entreprise qui est la nôtre, il ne faut pas avoir trop de marques car nous perdons en efficience. Je conçois la distribution automobile comme un métier d’épicier.

Ford représente tout de même 70 % de notre activité, devant Citroën et Opel. Ensuite, nous distribuons deux marques haut de gamme, Land Rover et Jaguar, et avons fait également le choix, à un moment donné, de trouver des marques qui présentaient une complémentarité. Suzuki est un très bon exemple. Nos trois affaires Suzuki sont adjacentes aux concessions Ford et ces deux marques fonctionnent très bien ensemble.

JA. Quels sont vos principaux leviers de croissance pour 2014 ?

CD. L’activité VUL ainsi que les ventes de VO et de pièces à professionnels seront les trois axes de développement forts pour le groupe cette année. Dans un marché français et européen qui est tout sauf en expansion, la seule bonne stratégie est d’augmenter la part de marché, de trouver de nouveaux clients ou de mieux fidéliser les nôtres. Cela implique de nouvelles idées, de changer de comportement, d’être à l’offensive, à l’écoute des clients, de trouver des créneaux de marchés différents. C’est précisément dans cette dynamique que nous avons créé le CentreVO@Pro l’an passé, dédié aux ventes de VO à marchands.

En après-vente, nous connaissons un beau succès avec la franchise Motorcraft, via une cinquantaine de franchisés qui permet d’apporter à nos clients un maillage de proximité très fort sur notre territoire et d’élargir notre marché sur les pièces toutes marques. En outre, il y a trois ans, j’ai décidé de créer des sites Internet pour chacun des points de vente. A mon sens, l’avenir se situe dans la connexion entre le site physique et le virtuel. Dans les périodes ardues, ce genre de projets et d’innovations demeurent essentiel pour les collaborateurs de l’entreprise, et permettent de conserver une dynamique.

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