La Commission européenne ouvre une consultation publique sur l'évolution du règlement d’exemption
Le calendrier
Alors que le règlement n° 330/2010 datant du 20 avril 2010, portant sur le fonctionnement des accords verticaux expirera le 31 mai 2022, la Commission européenne a initié les travaux destinés à déterminer si elle doit laisser ce texte expirer, le prolonger ou le modifier, ainsi que ses lignes directrices sur les restrictions verticales. Le 3 octobre 2018, l’institution a ainsi lancé la phase d’évaluation de ce règlement, incluant une consultation publique qui s’est tenue entre le 4 février et le 27 mai 2019. Elle a conclu cette phase d’évaluation par la publication le 7 octobre 2020 d’un document de travail interne aux termes duquel il était décidé de modifier le texte de 2010 et de passer à la phase suivante du processus de révision. Cette seconde phase, dite d’analyse d’impact, s’est ouverte par la publication d’une étude d’impact initiale, rendue publique 23 octobre 2020 et l’organisation d’une consultation publique sur cette étude qui a pris fin le 20 novembre dernier.
Ce sont ainsi 45 organisations et associations qui ont pu faire parvenir leurs retours. Du côté de la France, la Fédération français de la franchise, l’Association des avocats pratiquants le droit de la concurrence, l’Association française d’étude de la concurrence ou encore l'Association française des entreprises privées ont notamment participé.
Aujourd’hui, une nouvelle phrase est lancée puisque la Commission a ouvert, jusqu’au 26 mars 2021, une consultation publique permettant de faire valoir les points de vue des parties prenantes sur certains aspects de la législation, avant que la Commission ne finalise ses propositions. Public visé : les entreprises ayant des activités commerciales dans l'UE (fournisseurs, distributeurs, plateforme, intermédiaires e-commerce), les cabinets d'avocats spécialisés sur les questions de concurrence, les associations dans le domaine de l’industrie, les organisations de consommateurs ou encore universitaires spécialisés dans le droit de la concurrence de l’UE.
La question des ventes par internet
Ces parties prenantes sont invitées à s’exprimer sur plusieurs problématiques, dont une qui cristallise plus particulièrement les inquiétudes des réseaux de distributeur, dans l’automobile notamment : la vente en ligne. De cette ligne rouge découlent deux enjeux : celui de la double tarification et l’obligation d’imposer à la vente en ligne des critères de sélection équivalent à ceux de la vente hors ligne. Des sujets de plus en plus brûlants, à mesure que la vente en ligne prend de l’essor à travers l'émergence de plateformes e-commerce, y compris par les constructeurs automobiles. Dans son évaluation actuelle du règlement européen, la Commission a d’ailleurs eu l’occasion de constater que "l’accroissement des ventes en ligne et le développement des plateformes en ligne en particulier ont eu un effet important sur les modèles de distribution." Avec, in fine, une diminution logique de l’efficacité de ces représentations physiques, de plus en plus concurrencés par les ventes en ligne.
L’arbitrage de l’institution est donc particulièrement attendu sur ce point. Les acteurs économiques sont invités à s’exprimer sur trois options possibles. Première d’entre elles : maintenir les règles actuelles. Une possibilité qualifiée de non souhaitable par l'Association française d’étude de la concurrence, qui met une nouvelle fois en lumière le risque pour les concédés de voir l’efficacité de leurs points de vente physiques menacée si rien ne changeait au niveau de la fixation des prix. "Les réseaux de distribution sélective pourraient être menacés faute d’être viables à terme", prévient quant à elle l’association française des entreprises privées.
La problématique du double prix
Option deux : ne plus considérer comme une restriction caractérisée la double tarification, comme cela est le cas actuellement. Cette évolution permettrait ainsi à un constructeur de pratiquer des prix de gros différents à un même distributeur, selon que les produits sont revendus en ligne ou hors ligne par ce distributeur. Et serait ainsi synonyme de rééquilibrage entre les coûts supportés pour une distribution dans un magasin physique et les coûts, souvent moindre, supportés pour une distribution en ligne. Objectif sous-jacent, encourager les investissements nécessaires pour développer les points de vente hors ligne.
"Ceci permettrait de réduire le risque de parasitisme de distributeurs qui disposeraient d’un ou plusieurs magasins physiques, mais qui proposeraient peu de services hors ligne (notamment des services avant-vente) ou auraient peu de magasins physiques et privilégieraient la vente des produits à bas prix sur Internet, s’appropriant indûment les efforts de vente réalisés par d’autres distributeurs à travers leurs magasins physiques", souligne l’Association française d’étude de la concurrence. Une option également validée par l’Association française des entreprises privées. "Cette option contribue à une meilleure répartition économique des coûts entre les investissements pour le commerce physique et en ligne", justifie-t-elle.
Les critères de sélection en question
Enfin, troisième option : permettre aux fournisseurs d’appliquer des critères de sélection différenciés entre vente en ligne et vente physique. Et ce, alors que la première évaluation du règlement en vigueur a montré que l’application du principe d’équivalence, qui exige donc des critères similaires pour les deux canaux, pouvait ne pas être adapté. Avec cette évolution, il serait ainsi possible de fixer des critères différenciés permettant de mieux prendre en compte ces deux modes de distribution et leurs différences de fonctionnement. Une idée à explorer pour l’Association française des entreprises privées.
"En cela, la Commission reconnaît des caractéristiques différentes à ces deux types de vente qui se complètent toujours plus économiquement", met-elle en lumière. Pour l’Association française d’étude de la concurrence, cette piste est également à creuser. "Il serait utile que la Commission présente dans ses lignes directrices une liste non exhaustive des critères spécifiques au canal de distribution en ligne qui pourraient être imposés à un réseau de distribution sélective", conclut-elle. C'est à la lumière de ces différents avis, pour le moins unanimes sur ces questions de double prix et de critères de sélection à la vente en ligne, que constructeurs et distributeurs peuvent à leur tour faire valoir leurs opinions et ainsi peser dans l'écriture de ce nouveau règlement d'exemption européen, décisif pour les prochaines années.