S'abonner
Distribution

Gérard Alfaro, Oxylio : "Le commerce en ligne n'est plus l'avenir, mais l'urgence"

Publié le 27 mai 2020

Par Gredy Raffin
10 min de lecture
Un changement de paradigme s'est amorcé chez Oxylio. La crise a notamment accéléré le développement du volet digital et le réseau en tirera les bénéfices. Gérard Alfaro, le directeur général du groupe, révèle la feuille de route.
Le maillage d'Oxylio est constitué de 9 points de vente sur une large moitié sud du pays. De nouveaux formats viendront compléter ce réseau pour accélérer la croissance.

 

JA. Quels ont été les chiffres de vente durant les 2 mois de paralysie ?

GA. Comptabiliser les immatriculations est un piège, car elles dépendent bien souvent des commandes du mois précédent. Pour être clair, la fermeture de nos agences aux 17 mars a marqué un coup d'arrêt des prises de commande de manière impressionnante : en rythme de croisière, nous prenons 25 commandes de particuliers par jour et durant les quatre premières semaines de confinement, nos vendeurs en télétravail n'ont réussi à prendre que 100 commandes.

 

JA. Quel discours avez-vous tenu aux clients dans ce contexte ?

GA. Au moment où le confinement a commencé, nous avions 200 clients en portefeuille. Nous ne savions même pas quand nous allions les livrer et il fallait pouvoir leur expliquer. Mais les décrets nous ont autorisé à ouvrir pour assurer quelques remises de clé. Alors, nous avons mis en place un protocole de sécurité et avons privilégié ceux qui exprimaient un besoin urgent de véhicule.

 

JA. Etes-vous revenu à la normale ?

GA. Au cours de la dernière semaine d'avril et la première du mois de mai, nous avons livré 100 voitures environ. Nous sommes ensuite montés en régime. Le fait est que la règle de sortie de confinement limite les déplacements à 100 km et que pour servir nos clients trop éloignés, nous sommes en train de développer une solution de livraison à domicile.

 

JA. Comment allez-vous procéder ?

GA. En tant que société agile, nous avons plusieurs solutions sur la table. Un protocole de livraison à domicile a été rédigé pour cadrer une prestation qui serait assurée par nos vendeurs. Nous avons aussi la possibilité d'utiliser nos 5 camions ou, troisième voie, de recourir à un sous-traitant. Les trois canaux vont cohabiter pour répondre au mieux à la demande.

 

JA. Quel peut-être l'effet des mesures sanitaires sur le coût de distribution ?

GA. Il est encore difficile de mesurer. Il y a eu un avant et un après Covid-19. Nous allons devoir changer nos méthodes de travail et outre les mesures, il y aura effectivement une part de produits à usage unique et de consommables qui vont entrer durablement dans l'équation. Le coût ne sera pas rédhibitoire. On parle de quelques euros par véhicule. En ce qui concerne les investissements dans les vitres de séparation, ils vont être absorbés assez rapidement aussi. Il pourrait y avoir un impact sur la productivité, notamment en termes de préparation des véhicules, car nous avons décidé qu'un délai stationnaire de 48h doit être respecté avant la livraison. Ce qui va ralentir la rotation de nos stocks. Le confinement a eu une vertu, celle de nous laisser le temps de préparer 90 % des véhicules en parc.

 

JA. Après ces deux mois, quel est le bilan de santé ?

GA. Oxylio a un réseau en propre et d'ailleurs nous achevons la fusion entre les centres et la maison-mère pour n'avoir qu'une seule entité. Nous pouvons dire que la situation financière est bonne. Les mesures prises pendant la crise nous laissent penser que nous avons su nous protéger. Il reste cependant des inconnues, à savoir quel sera le niveau de consommation des Français et quel sera l'effet sur nos marges ? Pour l'heure je constate que la tendance après la sortie de confinement est correcte, car nous avons vendu plus de 100 voitures dès la première semaine.

 

JA. Comment allez-vous gérer ce stock ?

GA. Là encore, il faudra du recul puisque le marché a été suspendu en mars, soit un mois habituellement fort. Il y a donc, d'un côté, des clients qui ont attendu, mais, d'un autre côté, aussi un stock plus élevé que durant le reste de l'année. Nous n'allons pas acheter à tour de bras des véhicules à mettre dans nos agences, nous allons d'abord regarder de près le marché et les tendances pour prendre des décisions.

 

JA. Que recherchent les visiteurs ?

GA. Il est encore très difficile de tirer des conclusions, considérant le faible échantillon. A première vue, le mix est assez proche de ce que nous avions avant le confinement. On ne peut pas encore dire qu'ils ne cherchent que des moteurs essence et nous ne sommes pas en mesure d'accompagner le mouvement de transition écologique vers des véhicules électriques et hybrides, qui sont encore rares à trouver sur notre segment.

 

JA. Pour certains, la guerre commerciale aura lieu et prendra plusieurs formes. Quel jeu vos convictions vous amèneront-elles à jouer ?

GA. Il est urgent d'être prudent, d'observer le marché et de ne pas tirer le premier. Du producteur au consommateur, toute la chaine est intimement liée et nous aurons tous la pression. Les Français ont énormément épargné et nous sommes sur un marché de renouvellement. Maintenant, il faut savoir sous quel délai ils procéderont à un changement de véhicule. Dans un autre registre, on peut anticiper des mouvements de retrait des loueurs courte durée, qui comptent parmi les principales sources d'approvisionnement. Il y a bien un moment où cela va frotter et créer quelques tensions, puisque le jeu de l'offre et de la demande fait varier le prix. Nous sommes relativement sereins car notre stock est payé à 100 % et que le manque de volume devrait préserver nos marges.

 

JA. Quelles opportunités se présentent à vous ?

GA. Il est probable, comme on le voit dans les études, que les gens opteront pour l'automobile plutôt que les transports publics. Les prochaines semaines vont consister à s'adapter aux conditions de marché que personne ne connaît à ce jour. D'autres réagiront-ils différemment et céderont à la pression.

 

JA. Comment avez-vous ajusté les objectifs annuels ?

GA. A l'échelle du marché, nous sommes un acteur relativement modeste. Nos ambitions restent donc identiques à deux mois d'activité près. Nous avions prévu de passer de 9 300 à 11 000 véhicules entre 2019 et 2020. Sur ces 11 000 unités, il faudra donc en effacer 1 600 environ, ce qui revient tout de même à une dynamique de croissance, alors qu'on aura eu dix mois d'activité réelle. Mais nous nous trompons probablement.

 

JA. Dans quel camp vous situez-vous dans le débat sur les aides à l'achat gouvernementales ?

GA. S'il y a des aides à l'achat et quelles sont réservées exclusivement aux véhicules neufs, cela ne me convient forcément pas. Je militerais pour une ouverture plus large. On sait qu'elles encouragent bien souvent les anticipations et je comprends donc ceux qui disent que des aides à l'achat ont forcément des conséquences fâcheuses lorsqu'elles s'arrêtent. Néanmoins, il y a urgence à préserver la filière et les emplois. Toute mesure de soutien de la part du gouvernement sera bienvenue, si elle vient intelligemment et sans communication massive sur ces futures aides. Ce qui freinerait le marché.

 

JA. Vous disiez ne pas être aligné avec le marché des véhicules électrifiés. Allez-vous y venir ?  

GA. La généralisation des véhicules électriques est phénomène qui se fait encore attendre. Tous les modèles annoncés l'an passé aurais-tu être disponible durant ce premier semestre. Il n'y a donc pas réellement d'offres et de disponibilité pour approvisionner nos parcs. Cela viendra, il faut être patient pour avoir des VO récents électriques et hybrides, en dehors des réseaux. Nous en verrons de manière embryonnaire au troisième quadrimestre 2020.

 

JA. Vous travaillez avec BCA pour sortir les VO les plus anciens. S'il devient compliqué de les exporter, pensez-vous que ce segment va se densifier en France ?

GA. Tous les VO de plus de 5 ans ne sont pas exportés. L'offre va se densifier, mais la demande aussi, sachant qu'en France, la demande est souvent plus importante que l'offre. Cela pourrait présenter un intérêt pour nous. Certes, nous avons défini comme règle interne de céder à BCA toutes les reprises de plus de 5 ans ou 100 000 km, soit 3 200 unités environ en 2019, mais il suffirait de déplacer le curseur pour les faire entrer dans notre politique commerciale. Si on observe une demande pressante des clients particuliers, nous pourrions passer de 5 à 6 ans. Nous avons souvent le débat avec nos agences et nous surveillons la fréquence des appels de clients pour prendre une décision. Ce sera tout autant le cas avec les véhicules électriques.  

 

JA. La crise a révélé des problématiques de résilience. Quels chantiers structurants se sont plus particulièrement ouverts chez Oxylio ?

GA. Tous secteurs d'activité confondus, nous avons à titre individuel observé de bons exemples de résilience, parfois même sans avoir d'implication du digital. Dans l'automobile, il y a des gens qui ont beaucoup de mal à évoluer. Intégrer la méthode des forfaits a pris des années, les techniques locatives ont aussi pris du temps à entrer dans les mœurs, par exemple. Ce que nous vivons là est un électrochoc et nous force à franchir le cap. Chez Oxylio, nous avons acté que le commerce en ligne n'est plus l'avenir, mais l'urgence et nous allons nous y mettre.

 

JA. Jusqu'où voulez-vous aller dans le parcours digital ? 

GA. Jusqu'au bout. Nous voulons que tout le parcours puisse être digitalisé, de la consultation de stock à la signature du bon de commande. Et si l'on considère notre volonté de proposer de la livraison à domicile, alors le client pourra prendre possession d'un nouveau véhicule sans mettre un pied en agence. Mais nos partenaires financiers exigent une preuve que le souscrivant au contrat de financement est bien celui qui prend livraison. Certains y travaillent déjà et nous sommes confiants.

 

JA. Ne craignez-vous pas un éloignement ? 

GA. Nous le pensions et paradoxalement, ce ne sera pas le cas. En vérité, à vouloir être près de nos clients nous nous en éloignons. Le prix de l'immobilier empêche d'être en centre-ville et nous pousse à ouvrir des agences en périphérie, dans des coins moins accessibles. La concession traditionnelle va devenir compliquée, si on veut respecter la règle de base du commerce : être là où se trouve le consommateur. Le digital va nous permettre d'installer des sites, qui seront comme des relais, à proximité des lieux de vie. On pourra y formaliser la transaction après avoir découvert virtuellement le produit.

 

JA. Vous investissez cependant à Nîmes, qu'en est-il ?

GA. Le site de Nîmes date du début de l'aventure Oxylio. Il n'était plus à la hauteur des attentes de nos clients et nous investissons donc dans un nouveau bâtiment. Les travaux ont commencé pendant le confinement, la structure métallique est sortie de terre et nous espérons que ce point de vente sera opérationnel à l'automne.

 

JA. Quelle est la feuille de route pour le développement du réseau ?

GA. L'actuel réseau couvre le sud d'un croissant qui part de Lyon jusqu'à Nantes en passant par Clermont-Ferrand et notre ambition est nationale, mais vous comprenez bien que les récents événements nous rappellent à la prudence. Oxylio est un tournant de son histoire, il convient de structurer l'entreprise et ses méthodes de fonctionnement interne, avant de connaître une nouvelle phase de croissance. Comme je disais précédemment, les prochaines ouvertures pourraient être celles d'agences plus légères et plus proches des centres-villes, faisant la part belle au digital et à nouvelle forme de relation à la clientèle.

 

JA. Le concept de phygital ne restera pas le fantasme d'une présentation Power Point…

GA. Nous allons le concrétiser et cela va s'appuyer sur une industrialisation de la préparation des véhicules. Dans quelques mois, nous présenterons un centre de reconditionnement des véhicules d'occasion qui participera de l'efficacité et de la rentabilité économique d'Oxylio.

Partager :

Sur le même sujet

Pour vous tenir informés de toute l'actualité automobile, abonnez-vous à nos newsletters.
Inscription aux Newsletters
cross-circle