S'abonner
Distribution

Faut-il étendre la prime aux VO récents ?

Publié le 24 avril 2009

Par Benoît Landré
11 min de lecture
Le 24 mars dernier, à Paris, le site Internet d'annonces automobiles AutoScout24 a invité des profes-sionnels et des experts de l'auto-mobile à débattre sur le sujet : "Que faire pour sortir le marché des véhicules d'occasion (VO)...
Le 24 mars dernier, à Paris, le site Internet d'annonces automobiles AutoScout24 a invité des profes-sionnels et des experts de l'auto-mobile à débattre sur le sujet : "Que faire pour sortir le marché des véhicules d'occasion (VO)...
...de la crise et booster les ventes de véhicules neufs (VN) ?". Avec ce constat, unanime : l'occasion doit également bénéficier d'une aide sous peine de ralentir l'ensemble de la distribution automobile. Eric Bataille, directeur général d'Autoscout 24, rappelant d'ailleurs que "le VO constitue près de 70% des stocks des concessionnaires et leur immobilisation coûte environ 15 euros par jour et par véhicule. La clientèle du VO n'a pas été prise en compte alors que 55% des utilisateurs principaux d'une voiture pensent acquérir un VO en remplacement de leur voiture actuelle". Retour sur cet événement avec de larges extraits illustrant les craintes, les espoirs des différents intervenants ainsi que leurs attentes et leurs propositions. Tour de table.

Faut-il étendre la prime aux VO récents ?

Xavier Morvan : Il y a eu un abandon de la part des pouvoirs publics par rapport au marché du VO. Il y a plus de 5 millions de VO qui se vendent en France pour 2 millions de VN. Je suis donc surpris de ce manque de considération pour le VO et de cette absence d'accompagnement. Cette prime ne pourra qu'apporter un bien pour la profession mais aussi pour les clients.

Olivier Lamirault : Le temps que le marché se régule et qu'il reparte, il faudrait que la prime soit maintenue au moins deux ans. Cela ne règle pas pour autant le problème du VO parce que pendant ce temps-là nous avons toujours autant de mal à les vendre. Il faut donc qu'il y ait une prime à la casse sur le VO. Cette prime peut s'inscrire sur une période un peu plus courte parce qu'il faut régler notre problème immédiat. Sur le VN, il faut que la prime soit suffisamment longue pour qu'elle s'éteigne d'elle-même et que l'on retrouve un marché au delà de 2010 un peu plus normal.
Ce que nous essayons d'ailleurs d'expliquer aux pouvoirs publics, et que certains arrivent à comprendre, est qu'à partir du moment où vous avez un bouchon, parce qu'il y a des VO qui ne se vendent pas, si les distributeurs ne vendent pas ces VO, ils ne font pas de reprises. S'ils ne font pas de reprises cela veut dire qu'ils ne vendent pas de VN. Nous allons aussi avoir un deuxième effet boomerang chez les loueurs courte durée avec des dizaines de milliers de voitures qui vont rentrer et qui seront complètement en dehors du marché.

Xavier Morvan : Le VO est un métier à part et s'il est trop encadré cela ne lui rapportera rien d'exceptionnel. Cette prime doit aider à rééquilibrer la machine parce que ceux qui ont des buy-back courte durée se retrouvent dans une situation précaire. Elle est intéressante sur du court terme. Si nous sommes sérieux, le problème peut être réglé en un an. Nous ne pouvons pas accepter, que l'on soit indépendant ou pas, des bilans de 0,10 %, 0,20 % ou 0,30 %. Il faut reprendre le problème à zéro. Je travaille au quotidien avec des petits et des moyens faiseurs, qui ont huit à dix salariés et qui ne sont pas neutres dans notre profession. Ces gens-là subissent la crise du VO bien plus que les distributeurs qui peuvent compter sur du VN.

Jean François Chanal : Le loueur est un modèle vertueux puisque les clients des loueurs sont les utilisateurs qui roulent le plus en France. Ils réalisent, en moyenne, 30 000 km/an. On aurait donc intérêt à renouveler plus souvent les voitures. Cette dégradation du marché VO fait que l'on va rouler plus longtemps avec la même voiture alors que si on renouvelait les voitures cela aurait pour effet d'améliorer les émissions de CO2. Nous sommes bloqués par le manque d'aides et l'idéal, pour les loueurs, serait une aide qui concerne les VO jusqu'à quatre ans.

Olivier Lamirault : Nous avons vraiment cherché à leur faire comprendre à quel point ls VN et le VO étaient liés. A partir du moment où il y avait des mesures pour le VN, il ne pouvait pas ne rien n'y avoir sur le VO. Le problème est que certains constructeurs voient leurs problèmes industriels et répondent : "Les moyens que nous allons mettre sur l'occasion sont autant de moyens que nous n'aurons pas sur le VN, et ce qui nous intéresse est de faire tourner nos usines".
Nous avons essayé également de convaincre les pouvoirs publics qu'il fallait prendre une mesure en faveur des entreprises pour qu'elles aient intérêt à renouveler leur parc et nous avons proposé une exonération temporaire, d'au moins deux ans, de la taxe sur les véhicules de société. 

Dominique Allain : Pour répondre à la question : "Faut-il soutenir le marché ?", quand nous observons une baisse de volume de 20 %, la question ne se pose pas. Ensuite, est-ce que la prime à la casse était une bonne solution ? Techniquement, à mon sens, elle ne l'était pas. Je ne suis pas non plus certain que l'Etat avait les moyens de l'étendre sur le VO récent, voire moins récent.
En voulant soutenir l'économie avec cette prime, nous avons engendré un effet de dominos sur l'ensemble de la chaîne. Alors oui, il faut soutenir, mais pas n'importe comment. Concernant l'évolution des valeurs résiduelles, nous ne l'avions pas prévu et, en même temps, c'était difficilement prévisible. Maintenant, il faut faire en sorte que ces valeurs résiduelles remontent et il y a d'ailleurs beaucoup de facteurs positifs qui poussent en ce sens-là.

Xavier Morvan : L'aspect écologique est évidemment important, et les français en tiennent compte. Mais, pour les fréquenter au quotidien, leur achat de voiture est avant-tout guidé par le porte-monnaie. Une famille possède un budget qui se situe entre 15 000 et 18 000 euros pour la voiture principale et une prime de 1 500 euros représenterait 10 % du prix de vente. Cela relancerait très sérieusement l'activité VO sur des voitures qui correspondent à une clientèle qui de toute façon, aujourd'hui, ne va pas chercher le bonus en VN car ces voitures valent trop cher.

Quelles sont les propositions ?

Eric Bataille (propositions du CNPA) : Je vais reprendre les propositions du CNPA qui sont : une extension de la prime aux VO récents aux normes Euro 4, une extension de la prime dans le temps (au moins de 2 ans), une prise en compte de la prime sur l'aval de la filière, y compris le recyclage qui n'était pas du tout pris en compte, un financement des stocks à des taux raisonnables, un déplafonnement provisoire et une augmentation de la durée des encours bancaires, et une prime également pour les véhicules industriels.

Olivier Lamirault : Nous pouvons ajouter aussi une possibilité sur les crédits à la consommation, qu'il y ait, comme sur l'immobilier, une possibilité de déduire le montant des intérêts.

Eric Bataille : En parallèle, nous avions fait une proposition pour que cette prime passe de 1 000 à 1 500 euros. Une partie de la TVA est bloquée pour l'instant dans le stock des concessionnaires et elle n'est pas récupérée par l'Etat. Si tel était le cas, cela permettrait d'"autofinancer" cette prime et ce serait neutre pour notre budget à tous.
De plus, en étendant cette mesure aux véhicules de plus de huit ans, comme certains constructeurs et distributeurs l'ont fait, cela permet de toucher près de 7 millions de véhicules supplémentaires en parc.

Olivier Lamirault : Il faut resituer cette prime dans le contexte, à savoir un contexte de crise. Nous pouvons toujours débattre de son efficacité, mais si vous regardez le marché européen, où l'Espagne recule de  40 %, la Grande Bretagne de 30%, l'Allemagne de 20 %, la France est à - 0,7 %. Avec, en plus, des prises de commandes records sur le mois de décembre, et qui se sont prolongées sur janvier et février, même si nous commençons à constater un certain essoufflement sur le mois de mars. Par conséquent, ce n'était pas complètement idiot. Le but du gouvernement était de relancer l'industrie automobile, et, sur ce point là, nous pouvons affirmer que si tous les pays européens s'étaient tenus comme le marché français, il n'y aurait pas de problèmes de crise automobile aujourd'hui. Evidemment, il y a des effets pervers, et au CNPA nous avons dit que la distribution automobile était le grand oublié des Etats Généraux. Nous avons, pour la première fois, été associés à un certain nombre de réflexions. Je voudrais également rappeler qu'avant l'annonce de ces mesures, nous avions demandé à ce que cette prime verte soit de 1 500 euros pour renforcer son effet incitatif, notamment sur les véhicules de gamme moyenne. Nous voulions également qu'elle s'applique au VO de moins de trois ans parce qu'ils sont déjà aux normes Euro 4. D'autre part, nous avons des familles qui possèdent précisément ces véhicules âgés de plus de dix ans et qui ne peuvent pas en changer car ce n'est pas d'une Twingo dont ils ont besoin mais d'un Scénic ou d'un Espace. Et sur ce type de véhicules de trois ans, avec une prime, nous arrivons sur un prix d'avantage compatible avec le budget de ces clients.

Jean-Roch Piat : Il ne faut pas oublier que le VO est un métier simple, parce qu'il y a des règles simples. C'est un métier dans lequel il faut bien acheter et ne pas stocker. Et la difficulté d'une concession automobile, aujourd'hui, est que les règles dépendent des primes de volume VN. Nous avons obligé les réseaux de concessionnaires à créer leurs propres VO. C'est, à mon sens, stupide car ce n'est pas le métier d'une concession. Le VO est un vrai relais de croissance, un vrai facteur de rentabilité qui déclenche du financement et de l'après-vente. La règle n'est pas de créer son propre VO mais de l'acheter au coup par coup sur des places de marché vraiment efficaces, au bon prix, et de les faire tourner dans les 20 à 30 jours.

Dominique Allain : D'après les statistiques que nous pouvons observer, la prime à la casse représente environ 150 000 véhicules, cela reste relativement peu par rapport au parc. Je ne suis pas vraiment persuadé non plus que nous allons faire beaucoup d'économies de Co2 d'autant que ces véhicules de plus dix ans  font moins de 1 500 km par an, si je me fie à une étude réalisée il y a quelques années chez un constructeur. Je suis convaincu qu'il vaut mieux soigner le mal par le mal, c'est-à-dire par quelque chose qui soit vraiment direct. L'approche VO est une approche budget, et rationnelle avant toute chose, et je pense beaucoup à cette solution de jouer sur le financement. Est-ce qu'il n'y a pas des possibilités d'agir comme dans l'immobilier grâce à un système de bonifications qui aurait un impact fort sur le prix, ou sur ce que paie le client à la fin du mois ? Mais aujourd'hui, l'argent est plus sélectif, il existe désormais un fonds d'investissement pour l'automobile et celui-ci devrait aider à garantir les financements qui sont faits aux concessionnaires et à ces gens qui portent tous ces stocks, et donc tous ces risques. Il y a un besoin aujourd'hui de rassurer tout le monde. Cela passe par d'autres formules d'aides comme les taux de crédit bonifiés qui seraient certainement plus efficaces et intelligents à instaurer pour aider les distributeurs à porter le fardeau lié aux problèmes de stock. Si je regarde les dernières statistiques, le taux de financement est de 73 % sur les VO de moins de huit ans. Dès l'instant où l'on agit sur le levier financement, il y a un impact immédiat qui, en plus, ne joue pas sur les prix.

Eric Bataille : Plus nous serons nombreux à soulever cette problématique, plus la résonance sera forte. L'objet de cette table ronde est de remettre le couvert sur un sujet qui est extrêmement important et qui peut même devenir brûlant si nous n'y prenons pas garde. Il y a des réformes à faire sur le moyen long terme en matière d'organisation. Nous avons déjà pris contact avec le gouvernement et le but est de créer cette résonance afin, qu'à un moment donné, nos clients ne soient plus les grands oubliés.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle