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Distribution

Extension du domaine de la lutte

Publié le 19 février 2014

Par Benoît Landré
9 min de lecture
Les projets des constructeurs sur l’exercice 2014 confirment leur volonté de venir peser sur le segment des véhicules de plus de 5 ans, longtemps “snobé” pour des questions d’image de marque. Les distributeurs vont devoir se mettre au diapason. Etat des lieux.

“Stable”, c’est le terme qui ressort depuis des années de la bouche des professionnels pour désigner le marché de l’occasion hexagonal. La stabilité est une notion un peu fade, en ce qu’elle désigne l’inertie, la passivité, mais qui peut aussi revêtir une connotation positive quand elle caractérise l’équilibre. Par les temps qui courent, la stabilité est presque synonyme de dynamisme, surtout lorsqu’elle désigne un marché de la seconde main hexagonal important, et ce malgré un léger repli de 1 % en 2013, à 5 317 717 unités. Certes, au regard des dix dernières années, l’exercice passé se situe dans la fourchette basse en termes de volume. Il accuse par exemple une baisse de 2,3 % par rapport à 2011 et de 4,5 % par rapport à 2007, qui reste l’exercice de référence avec un volume de 5 570 764 unités immatriculées. Depuis 2008, le marché VO n’a dépassé qu’une fois la barre des 5,4 millions d’immatriculations. C’était en 2011. Mais il est stable entre 5,3 et 5,5 millions d’unités. Surtout, il s’est immatriculé en France 3 VO pour 1 VN en 2013, contre 2,7 pour 1 il y a deux ans. Un ratio qui a atteint son point culminant l’an passé et qui prend encore une tout autre dimension lorsque l’on isole les transactions réalisées auprès des particuliers : 5,4 VO pour 1 VN. D’aucuns parlent d’un “marché de renouvellement”, d’autres d’un marché “vieillissant”, qualificatif parfaitement vérifiable à travers la part grandissante du segment des produits de plus de 5 ans, qui a pesé 65 % des immatriculations en 2013, part qui est déjà montée à 66 % fin janvier. Une tendance qui valide les prévisions livrées par Eric Bataille, fondateur de DrivePad : “Nous devrions observer une hausse d’environ 1 % des transactions de VO de plus de 5 ans, qui devraient se situer autour de 3,5 millions d’unités. Ce segment sera l’amortisseur du marché de l’occasion.”

Citroën lance son offre Select Budget

Si les professionnels représentent environ 40 % des transactions de VO sur le segment des VO de moins de 5 ans, leur influence diminue sérieusement sur le marché des VO plus âgés, qui fait la part belle aux échanges entre particuliers. Une absence qui interpelle de plus en plus les constructeurs si l’on se fie aux évolutions de leurs labels occasion depuis quelques années. Ainsi, dans le sillage de Prix Futé en 2012, de Peugeot Primo et Toyota Occasion Zen en 2013, ce sera au tour de Citroën de lancer en février une nouvelle garantie “à prix serré” pour les véhicules de 4 à 10 ans, baptisée “Citroën Select Budget”. Pour accompagner ce projet, et à l’image de Peugeot qui avait développé en 2012 son module de reprises VO Cash by Peugeot, la marque aux chevrons introduira également “une offre de reprise en ligne dans le parcours client sur les sites Internet”. Volvo ne sera pas en reste non plus et proposera un élargissement de son offre sur des VO plus anciens. Le phénomène n’est pas nouveau et a déjà été relevé par le passé, mais il se confirme d’année en année. Les acteurs qui affirmaient péremptoirement il n’y a pas si longtemps “Le VO de plus de 5 ans n’est pas notre métier”, ne sont certainement plus aussi catégoriques désormais. Même Audi réfléchit actuellement à une solution pour “remarketer” ses produits de plus de 5 ans, vraisemblablement dans le cadre du label Das Welt Auto. Sur le terrain, certains groupes ont également senti le vent tourner et développé des labels ou des enseignes “discount” ou à “petits prix” destinés aux particuliers. L’an passé, les groupes JMJ Automobiles, via l’entité JMJ Discount à Besançon (25), Bernier ou encore Chabrier ont été moteurs sur le sujet.

Conséquence de l’allongement des contrats de location, mais également d’une appétence grandissante des professionnels pour des VO plus âgés, le loueur longue durée Arval a introduit l’an passé son offre Kilomalin, qui propose des véhicules affichant plus de 48 mois et 120 000 kilomètres. “Nous voyons des barrières psychologiques qui sautent, tant chez les professionnels que chez les particuliers, du fait de la fiabilité accrue des véhicules”, justifiait lors du lancement Agnès Van de Walle. En 2013, Kilomalin a pesé entre 5 et 10 % des ventes mensuelles de la société de leasing, une offre qui séduit les marchands, mais également les concessionnaires.

Attractivité renforcée pour le VO récent ?

Pour autant, si le segment des produits de plus de 5 ans représente une opportunité de conquête pour les professionnels, en ce qu’il leur permet de toucher une clientèle en quête de petits prix, et elle est importante par temps de crise, ce n’est pas non plus la panacée. S’ils ne peuvent pas ou plus faire fi de ce segment de marché, l’offre des distributeurs reste et restera encore très largement concentrée sur les produits de moins de 3 ans. Beaucoup de marchands sont hermétiques aux produits trop âgés, coûteux en réparation, difficiles à trouver, peu rémunérateurs… “C’est un autre métier”, disent-ils. Certains faits pourraient, cependant, leur donner raison en 2014. Ainsi, si les promotions continuent de rythmer les campagnes de communication des constructeurs, l’éventualité plausible d’une remontée des prix du VN et la “montée en gamme” défendue par beaucoup de marques devraient redonner un peu d’élan au segment des produits récents, particulièrement malmené ces dernières années. “Pendant deux ans, nous ne pouvions pas commercialiser des citadines récentes. L’écart de prix avec le neuf était beaucoup trop faible. Aujourd’hui, il tend à augmenter et ce type de produits redevient attractif”, confiait il y a peu Patrice Bérard, dirigeant de GBI, la centrale de vente à marchands du groupe Berbiguier. “Aujourd’hui, nous avons moins besoin de communiquer sur des prix abaissés”, affirme Serge Piétri, directeur VO de Renault. La marque au losange introduira, au second semestre, une nouvelle offre, baptisée “Premium”, qui confirme cette position (voir entretien p. 44). “Quel constructeur peut se targuer aujourd’hui d’avoir une activité florissante au point de se passer de remises sur ses voitures neuves ? Autant je pense que la surenchère de remises va s’arrêter et que le marché automobile a atteint son point bas en 2013, autant je doute qu’un VN qui vaut 9 aujourd’hui sera vendu 10 en fin d’année”, nuance toutefois Ferdinand Hoppenot, directeur des véhicules d’occasion de Fiat France.

Pénurie sur la tranche des VO de 3 à 5 ans

A fin janvier, le segment des véhicules âgés de moins d’un an a repris des couleurs, avec une hausse de 1,3 %, à 39 258 unités. En revanche, la tranche des modèles de 1 à 2 ans a subi un recul de 4,8 %, tandis que celle des véhicules de 3 à 4 ans a légèrement fléchi de 0,8 %. Sur ce dernier segment, les professionnels continuent d’observer une pénurie de matériel. “Le réseau manque de produits de 3 à 5 ans, peut-être parce qu’ils sont trop gourmands sur la valeur de reprise. C’est la raison pour laquelle nous travaillons actuellement pour leur apporter des solutions, comme la LOA ballon, afin de créer leur propre VO sur cette tranche d’âge”, confie Ferdinand Hoppenot. En outre, le dernier rapport du syndicat des loueurs de voitures longue durée, établi sur la base d’un “indicateur VO” qui représente 50 % du marché de la LLD, relevait une baisse de 9,2 % du volume de restitution en 2013, à 164 922 unités. Un repli qui a eu pour effet, mécanique, d’augmenter les prix de cession des VO, qui ne sont plus si loin de ceux affichés en 2008. Par ailleurs, le nouveau barème du malus, qui affiche des sommes rondelettes passé un certain niveau d’émissions de CO2, pourrait, sur les segments les plus touchés, profiter aux ventes de véhicules d’occasion. “Je vois un marché 2014 très bon en VO car le durcissement du malus comme du bonus devrait profiter aux ventes de VO. Le marché de crise favorise la bonne affaire”, anticipe Serge Piétri.

Les pros tournent le dos à la morosité

Les inquiétudes formulées il y a quelque temps par les spécialistes du secteur, quand les aides et les remises faisaient les beaux jours du VN, ont désormais laissé place à des insatisfactions, presque rassurantes tant elles sont chroniques : des approvisionnements difficiles, des prix trop élevés, des marges qui s’érodent, une fréquentation aléatoire… Oui, les marges ne sont plus aussi florissantes qu’avant, mais les volumes augmentent chez beaucoup d’acteurs. Oui, les visites au sein des affaires sont moins fréquentes et régulières qu’avant, mais les acteurs se sont structurés et organisés pour affronter ces aléas, voire même faire de la conquête grâce au Net. Lors du dernier baromètre du CNPA, 25 % des professionnels interrogés, sur un ensemble de 720, tablaient sur une baisse du chiffre d’affaires VO sur le premier trimestre 2014, tandis qu’un professionnel sur cinq prévoyait plutôt une progression. Ils étaient surtout 55 % à anticiper un début d’exercice stable par rapport à 2014. Il y a du mieux dans le ressenti. Il y a un an, 53 % des professionnels sondés anticipaient une érosion du chiffre d’affaires VO pour le premier trimestre 2013.

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FOCUS - Plusieurs labels pour les VUL d’occasion

Les constructeurs ont plus d’un label dans leur sac. Après le redéploiement du label Occasion Plus d’Iveco en 2013, plusieurs nouveaux projets de programmes ou d’offres dédiés aux véhicules utilitaires d’occasion aboutiront dans les prochains mois. La nécessité de valoriser et de remarketer ces produits apparaît aujourd’hui aux yeux des constructeurs tout aussi importante que pour les VP. Ainsi, Renault déploiera au second semestre une offre qui devrait couvrir les VUL d’occasion de moins de 5 ans et moins de 120 000 ou 140 000 km. Sur la même période, Nissan lancera son label Nissan Trucks Occasions. Peugeot a également annoncé l’arrivée en 2014 d’un “label VU”, sans toutefois dévoiler son nom. Il ne serait pas surprenant que Citroën avance aussi sur le sujet. Le marché des véhicules utilitaires de la seconde main, qui avait dépassé la barre des 800 000 unités en 2010, a représenté un volume de 750 371 immatriculations l’an passé, soit un recul de 3,6 % par rapport à 2012 et de 7 % par rapport à 2010. En 2013, il s’est immatriculé 2 VUO pour 1 VUN (- 5 t) en France.
 

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