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Distribution

Entretien : Yves Jeannin, P-dg du groupe Jeannin Autoprestige.

Publié le 30 mai 2008

Par Gredy Raffin
10 min de lecture
"Je veux rester dans le haut de gamme"En une décennie, Yves Jeannin aura su devenir un partenaire privilégié de Volkswagen. Fort de contrats d'exclusivité sur trois départements, l'Yonne, l'Aube et la Seine-et-Marne, il a tissé des liens...

...qui l'ont hissé parmi les plus grands concessionnaires du pays. 2008 marquera un nouveau tournant dans son développement avec la signature prochaine d'un autre panneau toujours dans le haut de gamme.

Journal de l'Automobile. Expliquez-nous les raisons de votre engagement avec Volkswagen ?
Yves Jeannin. Je me suis toujours bien entendu avec le constructeur. C'est pour cette raison que j'ai toujours voulu grossir avec eux. De leur côté, ils recherchent indirectement un interlocuteur unique dans la région.

JA. Quatre concessions à l'entrée d'Auxerre, comment absorber un si lourd investissement ?
YJ. Il est étalé dans le temps et difficile à chiffrer. S'il fallait le refaire aujourd'hui, il serait à multiplier par deux tant les coûts de l'immobilier ont augmenté dans la région. Ici, le mètre carré se négocie 200 euros en moyenne dans les zones à fortes fréquentations.

CURRICULUM VITAE

  • Nom : : Jeannin
  • Prénom : Yves

    P-dg de Jeannin Autoprestige
    Formé au service après-vente, Yves Jeannin prend les rênes du groupe Jeannin Autoprestige en 1985, alors composé de deux sites à Auxerre et Avallon (89). A partir de 1991, il décide de se développer dans les enseignes du groupe Volkswagen, sa marque historique. Il s'implante en Seine et Marne en 1996 avec les entités VW et Audi. Puis signe le panneau Seat pour l'ensemble de l'Yonne avant de devenir distributeur exclusif du VW-Audi-Seat-Skoda dans l'Aube (10).

  • JA. Quelles sont les perspectives de croissance pour le groupe VW ?
    YJ. Il y a encore un peu de parts de marché à prendre surtout avec tous les nouveaux produits de niche que nous allons lancer durant l'année.

    JA. Qu'en est-il de Seat et de Skoda ?
    YJ. Par rapport à VW elles demeurent encore un peu en retrait. Mais Skoda est une marque qui progresse de 10 % par an. Au niveau national, le sponsoring du Tour de France a largement contribué à faire connaître cette marque. Les deux ne sont pas en concurrence avec VW car la clientèle diffère. Certes l'image doit être renforcée, mais c'est à nous, distributeurs, de travailler en ce sens.

    JA. Quel bilan faites-vous de l'année 2007 ?
    YJ. 2007 a été une année honorable. Sur le plan du volume plus que sur le plan du chiffre d'affaires puisque, malheureusement, notre faiblesse a été de travailler sur des paniers moyens en baisse. 2008, démarre très bien en termes de prise de commande. Par contre, les délais de livraison sont critiques sur plusieurs produits. On doit compter sur plusieurs mois.

    JA. Vous pensez au Tiguan…
    YJ. Oui. Le Tiguan connaît un véritable succès. Revers de la médaille, les délais nous obligent à annuler sans cesse les commandes puis à les récupérer au fur et à mesure.

    JA. Comment expliquez-vous cela ?
    YJ. Le constructeur a été pris au dépourvu. A fin 2007, il totalisait 5 000 commandes pour une prévision de 2 500. Depuis le début de l'année, il en est à 18 000 pour un objectif de 10 000. Ils se sont basés sur les résultats du Rav4 mais le phénomène de mode a dépassé les attentes.

    JA. N'est-ce pas une réponse forte à ceux qui dénoncent un marché en ralentissement ?
    YJ. Pour moi, le marché n'est pas en crise. En comparaison avec 2007, nous enregistrons presque 20 % d'augmentation des commandes sur le début 2008. Nous en sommes assez surpris et n'avons pas vraiment d'explications. L'éco-pastille et la prime à la casse, font peut-être partie des raisons. D'ailleurs, le gouvernement pensait compenser le bonus par le malus et au final, la clientèle se tourne en masse vers les véhicules avantagés. Cela risque de lui coûter cher financièrement.

    JA. Dressez-vous le même constat en ce qui concerne Audi ?
    YJ. Le malus est en effet plus fort sur les moteurs essence et les gros Diesel. Nous avons eu une grosse chute en début d'année, mais depuis quelque temps la clientèle revient tout doucement. Les gens se sont fait une raison et le trafic a repris en concession. De plus, vendre la voiture sous forme de loyer compense pleinement ce surcoût.

    JA. Pour aborder un tout autre sujet, pensez-vous qu'encourager la formation de groupe constitue la meilleure solution ?
    YJ. Non. En tant que distributeur, je ne pense pas que se développer à grande échelle constitue la bonne solution parce que l'efficacité risque d'en pâtir. En tant que dirigeant de groupe, il faut suivre le travail du personnel, y compris celui des directeurs de sites. Chose impossible lorsque l'on se disperse trop. On voit à travers les enquêtes de satisfaction que les grands groupes ont leurs soucis et que, de fait, la qualité de service n'est plus forcément la priorité. Les constructeurs ne le cachent pas non plus de leur côté : la qualité de service des grands groupes ne les préoccupe pas. Pour eux, la perte des rémunérations liées à la satisfaction n'est pas un mal en soi puisque les volumes compensent. Il faudrait savoir pourtant s'il n'y a pas une plus grosse perte dans le domaine de la conquête de client.

    JA. Est-ce la raison pour laquelle les Audi et VW sont souvent décriés comme mauvais élèves en la matière ?
    YJ. On va dire que les torts sont partagés à 50/50 entre le constructeur et les distributeurs. Quelque part, nous n'avons peut-être pas anticipé les choses comme il le fallait puisqu'il faut savoir qu'une grande partie de notre clientèle vient des marques françaises. Leur niveau d'exigence en entrant chez nous est alors plus élevé. Le client se dit qu'il ne devrait pas avoir de problèmes. Dans son esprit, il place la barre très haut. Un peu trop haut, je pense.

    JA. Avez-vous connu des difficultés à passer au standard Audi ?
    YJ. Lorsque j'ai voulu implanter Audi dans la région, le constructeur m'a encouragé à l'exclusivité. Je pouvais me contenter d'un showroom séparé mais j'ai décidé de sauter le pas et d'investir. Cela a coûté cher en structure et en personnel. Pourtant au final, le projet a fonctionné. Je n'en revenais pas moi-même. Le client Audi s'avère très demandeur. Le constructeur avait bien vu les choses et je ne regrette pas ma décision, juste d'avoir pris du retard.

    JA. A quelques mois de leur commercialisation, imaginez-vous pouvoir subir la concurrence du low-cost ?
    YJ. Je ne pense pas être touché au travers de mes marques. Nos constructeurs auront, si besoin est, les moyens de réagir. Je veux rester dans le haut de gamme et n'envisage pas de commercialiser ce genre de produits, sauf si mon constructeur me le demande. S'il y a concurrence, elle se fera sur le VO.
     
    JA. Comment abordez-vous le marché de l'occasion ?
    YJ. Je ne suis pas inquiet sur le domaine du VO. Cependant avec l'éco-pastille on trouve des voitures neuves au prix de l'occasion, voire moins chères Si le marché se maintient malgré tout, je m'attends à de grosses perturbations. Je n'ai pas effectué de déstockage d'assainissement de mon parc, par contre, j'ai revu ma politique d'achat auprès du constructeur.

    JA. Vous approvisionnez-vous auprès de marchands ?
    YJ. Non, car la marge restante n'est pas assez intéressante. L'offre du constructeur n'est toutefois pas plus compétitive parce qu'elle se situe dans la fourchette d'âge de 6 à 12 mois. Trop récente, elle se trouve en concurrence frontale avec le VN et la multitude d'aides dont il bénéficie. Dans certains cas, il y a à peine 500 euros de différence entre les deux offres. La location longue durée nous permet donc de constituer ce parc VO de 24 à 48 mois qui nous fait défaut.

    JA. Que pensez de l'apport des labels constructeurs ?
    YJ. Les labels VO rassurent le client sans le fidéliser. Cette mission nous appartient. La direction nationale cherche à mettre en place un outil qui assurerait un bon taux de conservation, mais n'y parvient pas. Je pense qu'ils ne prennent pas assez le VO en considération. Ils n'ont pas cerné les besoins et devraient revoir leur position au plus vite.

    JA. Qu'avez-vous donc mis en place pour y remédier ?
    YJ. Nous avons une carte de fidélité qui fonctionne à partir de points accordés en fonction du chiffre d'affaires réalisé. Pour 800 euros dépensés, on obtient 40 euros de chèque cadeau. Les gens y sont sensibles et le bilan à un an est plutôt convaincant. Le procédé a été adapté à notre système informatique et lorsque la base de données sera intégrée, nous pourrons animer des opérations commerciales ciblées.

    JA. Un mot sur le SAV…
    YJ. L'activité après-vente est rentable chez nous. On progresse, certes faiblement, mais on progresse tous les ans. Je suis satisfait. Le petit souci repose sur des pannes qui ne devraient pas exister chez nous. Heureusement, le constructeur procède à de nombreuses campagnes de rappel, alors que le client ne les voit pas.

    JA. Combien de campagnes de ce type dénombrez-vous par an ?
    YJ. C'est de la folie ! Nous ne les comptons même plus. Cela varie selon les produits, mais le phénomène est de plus en plus récurrent que ce soit chez Audi, VW ou les autres marques. Elles sont invisibles pour le client car les pièces sont changées avant la livraison du VN ou lors des entretiens. 

    JA. Le changement de standard a-t-il entraîné des coûts à l'atelier ?
    YJ. A cause des normes ISO, les coûts en outillage deviennent de plus en plus importants. Il n'y a plus de synergie. Auparavant, on se dépannait entre sites, mais pour des questions de qualité de service, de rapidité d'exécution, les constructeurs se montrent de plus en plus exigeants. Sur un site comme Audi, nous avons déboursé entre 25 000 et 30 000 euros en équipements.

    JA. Quel jugement portez-vous donc sur la politique réseau ?
    YJ. Elle est assez lourde par rapport à la rentabilité. Il y a des standards partout : architecture, mobilier, financier, de personnel… Le constructeur se structure par crainte d'une nouvelle concurrence comme les grandes surfaces ou autres. Les standards évitent de voir tout le monde entrer dans le business. Il y a des moments où cela devient lourd et l'on se demande parfois si le jeu en vaut la chandelle, s'il y a vraiment un intérêt à continuer.

    JA. Les marges assurent-elles leur part de rentabilité ?
    YJ. Chez VW, elles sont à 1 500 euros et sont en croissance. Chez Audi, elles se maintiennent à 3 000 euros. Nous sommes davantage protégés sur nos marges arrière chez Audi. Là, nous cherchons moins les volumes au profit de la marge sur facture, d'autant que les clients négocient différemment. Ils prennent conscience qu'ils payent aussi la qualité et le service. En ce qui concerne Skoda et Seat, les marges sont plus importantes malgré la faiblesse des volumes. Après, il ne tient qu'à nous de jouer le jeu sur les multiples critères qui forment la marge arrière.

    JA. En clair, trois marques assurent la rentabilité tandis que VW assure les volumes…
    YJ. Chez Volkswagen il faut faire du volume et, dans cette optique, on a tendance à ouvrir les vannes. L'autre problème pour notre entreprise est que nous avons construit une concession avec VW et Audi. Nous avons retiré Audi, qui était comme une grosse cerise sur le gâteau, alors que VW vit un peu au-dessus de ses moyens. Dans ce contexte de coûts immobiliers, les structures s'avèrent trop lourdes. Depuis, on récupère tout doucement grâce aux dernières nouveautés produits qui ont su redynamiser les volumes.

    JA. Quelles sont alors vos perspectives d'avenir ?
    YJ. Aujourd'hui, sans penser être arrivé au bout avec le groupe Volkswagen, je crois qu'il me sera difficile de grandir davantage. Je suis en pourparlers avec d'autres marques qui ont des projets dans la région car ce qu'on me propose chez VW m'éloigne de mes bases. Je ne veux pas me disperser ou investir dans une zone potentiellement faible.

    JA. De qui s'agit-il ?
    YJ. Un constructeur japonais haut de gamme. Les discussions sont en cours et portent sur l'implantation de quatre sites dans des zones libres. Mais pour l'heure, rien n'est fait.
     

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