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Entretien avec Francois Caille, P-dg du groupe Caillé

Publié le 20 février 2009

Par Gredy Raffin
11 min de lecture
"Marseille : un test,  une opération pilote"Il a été l'une des grandes surprises de la rentrée automnale en entérinant le rachat de la concession BMW Station 7 de Marseille....
"Marseille : un test,  une opération pilote"Il a été l'une des grandes surprises de la rentrée automnale en entérinant le rachat de la concession BMW Station 7 de Marseille....
...Jusqu'ici inconnu sur nos terres, le groupe Caillé n'en est pas moins l'un des plus grands et des plus actifs des Dom-Tom. Entretien avec François Caillé, un président d'envergure aux projets… d'envergure.

Journal de l'Automobile. Que représente le groupe Caillé à la Réunion ?
François Caillé. A la Réunion, nous sommes deux opérateurs principaux dont chacun détient environ 30 % du marché. Pour avoir de bons résultats, il faut évidemment avoir plusieurs marques et les deux camps comptent une douzaine de marques. L'autre atout que nous avons est d'être parvenus à cloisonner nos entreprises à l'image des grands groupes métropolitains qui ont des structures totalement indépendantes.

JA. Pouvez-vous revenir en quelques mots sur l'historique de ce groupe méconnu en métropole ?
FC. Tout d'abord, nous avons representé Peugeot dès 1919, ce qui fait de nous le plus vieux concessionnaire de la marque au monde encore en activité sous le même contrat ! Ensuite, en 1995, nous avons repris la marque BMW pour la Réunion, alors en grande difficulté, à laquelle nous avons associé Daewoo, en phase d'implantation, en 1996. Nous avons d'ailleurs le contrat français n°001 chez ces derniers. Puis à l'arrivée de Mini dans le groupe BMW, nous avons signé. Nous sommes donc restés très longtemps avec ces 4 marques qui balayaient une offre large sur le marché et pesaient près de 25 %.

JA. Pourquoi déclencher subitement une vague d'investissements ?
FC. Les choses ont changé lorsque notre concurrent, qui représente Renault, a commencé à reprendre des concessionnaires, notamment les opérateurs du groupe Volkswagen, de Mercedes et de Mitsubishi, et augmenter sa part de marché. Il s'est ensuite lancé dans Hyundai et SsangYong. Passant de 21 à 30 % de pénétration locale. Ce qui nous a interpellés et qui nous a poussé l'an dernier à passer la vitesse supérieure.

JA. Comment cela s'est-il déroulé ?
FC. Au 1er janvier 2008, nous avons repris le groupe Dindar, qui désirait céder ses affaires. Cela représentait un portefeuille de sept marques, parmi lesquelles Fiat, GM excepté Chevrolet que nous possédions déjà, Land Rover, Suzuki et Kia. Ce sont des gammes de produits complètes.

JA. Quels sont les projets pour ces panneaux ?
FC. Ils ont été segmentés et nous sommes en train de recréer un petit pôle premium avec les marques reprises au groupe Dindar. Il y aura donc un pôle Peugeot, un autre constitué de BMW-Mini et le dernier avec toutes les marques que nous venons de reprendre. La question se pose néanmoins sur le positionnement de Chevrolet et son intégration à ce dernier pôle, voire la création de trois nouveaux pôles : Fiat, GM et un premium.

JA. Qu'entendez-vous par premium ?
FC. Depuis la vente de Land Rover, les règles ont changé. Tata veut en effet avoir un distributeur unique sur un territoire donné pour Land Rover et Jaguar. Ils nous ont donc proposé d'être cet interlocuteur et nous avons accepté. A côté de cela, nous venons de signer, il y a quelques jours, avec Porsche. Il nous apparaît pertinent d'associer ces quatre marques haut de gamme.

FOCUS

Le groupe Caillé

• Zone d'implantation : Réunion, Madagascar, Mayotte, Iles Comores, France métropolitaine
• Marques représentées : Peugeot, BMW, Mini, Fiat, Chevrolet, Opel, Saab, Honda, Suzuki, Hyundai, Mitsubishi, Land Rover, Jaguar, Porsche
• Nombre de sites : 19
• Employés : 900
• Volumes : 12 000 VN dont Réunion 10 000, Madagascar 1 000, Mayotte-Comores 800
• CA : 420 millions d'euros (400 ME vente automobile)

JA. Comment seront-elles organisées ?
FC. Il y aura deux sites : un showroom Porsche, exclusif, comme l'impose le contrat, mais il sera voisin d'un point de vente : Jaguar-Land Rover avec lequel il partagera l'après-vente haut de gamme.

JA. Qu'en est-il des autres îles où vous avez investi ?
FC. Le groupe Caillé est également présent à Mayotte et aux Comores, qui forment un territoire commun, selon les constructeurs. Le marché comorien est dérisoire, l'essentiel se fait à Mayotte. Nous sommes aussi à Madagascar depuis 1996 et le rachat des activités automobiles de la SCOA (Société commerciale de l'ouest africain). Autrement dit : Peugeot et Mitsubishi. On y a ajouté pas mal de marques dont Hyundai. Là, le marché est différent, tourné vers le 4x4 à 80 %, donc difficile pour Peugeot, même avec le 4007. Les gens y achètent des double-cabines du type Mitsubishi L200.

CURRICULUM VITAE

Nom : Caillé
Prénom : François
Age : 56 ans, 2 enfants
Après avoir été diplômé de HEC, François Caillé part faire un Master of Business Administration, à New York. Suivent deux années en Europe et cinq en Asie avant de rentrer à la Réunion pour prendre la direction commerciale de Peugeot, en 1984. Nommé directeur général en 1990 et président en 1995, il succède à son père qui est toujours administrateur. Il est président du Medef à la Réunion. 

JA. Avec qui pourriez-vous signer sur ce territoire ?
FC. Tous les constructeurs sont déjà représentés à Madagascar, nous y avons BMW, Suzuki et Honda. Notre premier rival est en concurrence frontale puisqu'il commercialise Renault-Nissan. Avec 1 000 voitures environ à fin 2008, nous occupons 25 % de parts de marché, soit une position de leader.

JA. Quels sont vos projets pour cette zone géographique ?
FC. Nous sommes un groupe de l'océan Indien. Cependant, nous ne pouvions pas aller à l'Ile Maurice pour une raison simple : les volants sont à droite et ne permettaient pas de développer des synergies. A terme, nous souhaiterions commercialiser tous nos produits sur les trois territoires avec un stock hors douane à la Réunion, où arrivent les lignes maritimes et où se trouve l'essentiel de notre activité puisque le marché totalise 30 000 VN par an.

JA. Qu'est-ce qui vous retarde dans l'application de ce projet ?
FC. Nous attendons que la qualité des carburants soit uniformisée entre ces territoires pour que les produits eux-mêmes soient standardisés. Mayotte et Madagascar étaient à la traîne. Mais la départementalisation de Mayotte et les pressions politiques de Madagascar vont faire évoluer la situation dans les années à venir et nous pourrons commercialiser des motorisations identiques sur toutes ces îles.

JA. Au vu de toutes ces explications, pourquoi donc investir en métropole ?
FC. Dans ce contexte, cette opération peut sembler un peu incongrue dans le dispositif, il est vrai. ce n'était d'ailleurs pas notre priorité absolue. D'autant que nous sommes présents dans d'autres activités. Nous nous sommes posés beaucoup de questions et pendant longtemps nous sommes restés en stand-by. Mais notre chef de plaque BMW, Michel Matthieu, qui est un ancien de PGA et qui avait une expérience de la marque dans le sud de la France me vantait toujours la bonne rentabilité de ces affaires et m'a convaincu. Nous nous sommes alors intéressés avec une contrainte forte : rester dans le sud-sud ouest. Il y a eu Cannes, qui n'a pas pu se faire, puis Marseille.

JA. Il s'agit de Station 7, n'est-ce pas ?
FC. Sur le papier, c'est une belle affaire. Depuis le 1er août, date de notre prise de contrôle tout se passe pour le mieux. On le prend comme un test, une opération pilote, complètement à part.

JA. Pourquoi vous êtes-vous laissés convaincre ?
FC. Avant tout, ce n'est pas pour avoir simplement une affaire en métropole. Nous y avons trouvé du sens dans les liens que nous pourrions tisser avec BMW France quant à la formation de nos hommes. Nous avons désormais l'opportunité d'envoyer des équipes travailler ici, car en tant qu'opérateur des Dom-Tom, nous sommes soumis au régime des importateurs et traitons donc directement avec le constructeur à Munich.

JA. Qu'entendez-vous par "envoyer des équipes" ?
FC. Permettre à nos employés de venir travailler en métropole pendant des périodes plus longues et découvrir une autre approche. Et réciproquement. Instaurer un programme d'échange interne.

JA. Qu'adviendra-t-il si ce "test" se révèle concluant ?
FC. En cas de succès à Marseille, nous tenterons d'acquérir au moins deux autres points de vente et constituer une petite plaque. Le problème reste que la logique de BMW France nous pousserait à ouvrir d'autres sites aux quatre coins du pays, or nous ne souhaitons absolument pas sortir de ce territoire Sud pour des raisons de synergies. Le but étant de gérer environ un millier de BMW et 300 à 400 Mini par an.

JA. Dans quelle direction regarderez-vous ?
FC. La zone de recherche n'est pas arrêtée. Il y a beaucoup de mouvements dans le réseau BMW, nous restons donc attentifs. D'après ce que j'ai compris, le constructeur a pour volonté de mieux répartir les volumes de ventes et le nombre d'affaires par opérateur. Ce qui s'avère logique s'il désire déconcentrer les influences.

JA. Vous entrez sur un territoire hautement concurrencé…
FC. Notre objectif n'est pas de venir nous battre contre les autres concessionnaires BMW mais de participer à une augmentation de la pénétration face à la concurrence premium présente. Le groupe Caillé a une bonne expérience dans ce domaine et en profitera pour s'imposer sur la région marseillaise, même si nous ignorons ce que peut-être la cohabitation avec un autre concessionnaire BMW à la Réunion. Aujourd'hui, il s'agit de vendre de la prestation et non plus une voiture en tant que telle. Une logique qui a déjà été intégrée par les distributeurs BMW et à laquelle la concurrence accède de plus en plus.

JA. Comment peut-on définir la "méthode Caillé" ?
FC. Elle est basée sur les hommes. Nous mettons l'accent sur une recherche de qualité, la mise en place des outils nécessaires, sur la qualité des ventes et sur la formation. A La Réunion, le groupe Caillé a toujours été à la pointe par rapport aux autres acteurs. En matière de formation, nous cotisons et dépensons plus que la loi ne le demande ou que les constructeurs ne le préconisent.

JA. Cette incursion en métropole pourrait-elle s'étendre à d'autres marques ?
FC. Non, cela restera une politique liée au panneau BMW, en tout cas pour les cinq prochaines années. S'il y a des occasions de faire du business avec des rentabilités satisfaisantes, alors pourquoi pas ? Mais à partir du moment où notre problématique n'est pas cantonnée à l'automobile, alors nous devons mesurer nos investissements. Nous allons ouvrir un centre commercial aux Seychelles dans quelques semaines, et par conséquent, forcément y importer notre commerce automobile dans la foulée. Beaucoup de groupes des Dom-Tom sont venus en métropole et je ne crois pas qu'ils soient totalement satisfaits de leur résultat.

ZOOM

Porsche dans l'escarcelle de Caillé

Les délais auront été un peu plus longs que prévu, mais François Caillé a bel et bien réussi à reprendre la distribution de Porsche sur l'Ile de la Réunion et l'Ile Maurice. Jusqu'au 2 janvier dernier, la commercialisation de la marque restait le pré carré de la famille Cadjee. Désormais elle sera assurée par le groupe Caillé. Un tour de force qui n'est autre qu'une pièce de plus à l'édifice qu'est en train de bâtir l'investisseur. En effet, il n'est pas question dans les projets de François Caillé de demeurer au sein des murs de la concession de Saint-Denis. Un projet, dont les plans avancés viennent d'être dessinés, devrait sortir de terre "d'ici 3 à 4 mois", selon les prévisions du président. Toujours à Saint-Denis de la Réunion, il s'agirait là d'un "pôle premium" (voir l'entretien ci-contre) qui associerait la marque de Stuttgart aux britanniques Land Rover et Jaguar, dans deux showrooms séparés mais avec un atelier commun. Ce que les directions commerciales respectives ont d'ores et déjà accepté.

A fin 2008, Porsche immatriculait une quarantaine de voitures sur les deux Iles. François Caillé, misant sur la diversification de la gamme (Hybride, Diesel, Panamera…), espère voir ce chiffre progresser nettement, sinon doubler, permettant à son pôle de totaliser "quelque 150 à 200 unités par an".

JA. Diriez-vous que l'on vit mieux sous les tropiques ?
FC. Oui, très clairement car à titre d'exemple, quelle que soit la marque, sur l'Ile de la Réunion, la rentabilité est d'au moins 3 %, malgré la très grande qualité de nos infrastructures qui équivaut aux meilleurs métropolitains. Mais attention, nous ne sommes pas à l'abri d'un retournement, nous en avons conscience.

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