Enchères automobiles : le club des six s’envole

À ceux qui pensaient que les changements des conditions de marché entraîneraient la fin d’une période dorée dans les salles de vente aux enchères, les commissaires‑priseurs adressent leurs plus sincères salutations. Après une année 2023 de tous les records, les grands spécialistes de la revente de véhicules d'occasion ont réussi à aller plus haut. Il n'y a qu'à prendre les chiffres du club des six pour s’en convaincre.
Au cumul de leurs montants d’adjudication déclarés au Journal de l’Automobile, Alcopa Auction, BCAuto Enchères, Enchères VO, VPAuto, Autorola et Mercier Auto ont totalisé 2,567 milliards d’euros en 2024. D’un exercice à l’autre, ils ont tout bonnement généré 22,9 % de revenus supplémentaires. C’est stratosphérique !
Au sommet du classement, Alcopa Auction a encore gagné 14,3 %. Son dirigeant, Jean‑François Maréchal, a déclaré au Conseil des ventes un total annuel de 840 millions d’euros. Cette croissance tient, certes, à l’entrée sur de nouveaux créneaux porteurs, comme le matériel industriel (30 millions d’euros) et la moto (2 millions d’euros), mais il n’empêche que l’activité automobile, en frôlant les 810 millions d’euros d’adjudication, aurait, à elle seule, permis de bondir déjà de presque 10 %.
À la deuxième place, BCAuto Enchères a bouclé une année convaincante. L’entreprise qui ne fonctionne que sur la base de salles virtuelles et ne travaille que le produit automobile a récolté 774 millions d’euros de ses adjudications, soit 20,6 % de mieux qu’en 2023. Après avoir été surclassé de 93 millions d’euros par son rival en 2023, BCAuto Enchères a refait son retard pour n’accuser que 66 millions d’euros de différence au tableau des adjudications. À l’instar de ces deux mastodontes de la vente aux enchères de voitures particulières et autres véhicules utilitaires, les leaders du marché ont tous signé des croissances à deux chiffres.
Définitivement dans les mœurs
En ordre de grandeur, ce sont près de 317 000 VO qui ont été recommercialisés sur la période, dans les salles des six plus importants opérateurs. Avec 145 000 unités, Alcopa Auction représente plus de 45 % de ce volume. "Nous avons progressé sur tous les segments, commente Jean‑François Maréchal, que ce soit la LLD, chez les organismes financiers qui ont des contentieux et surtout chez les concessionnaires." Ces propos résument la tendance observée par beaucoup : les maisons ont gagné le respect des concessionnaires de toutes les tailles, à commencer par les plus grands. "Notre rapport aux distributeurs a évolué dans le bon sens en 2024", abonde Dominique Soinne, commissaire‑priseur de Mercier Auto. Et Pierre‑Emmanuel Beau, directeur France d’Autorola, d’appuyer en arguant "une entrée dans les mœurs à l’échelle européenne".
Au point de constater que des membres du top 100 ont décidé de changer de stratégie. Ils ont ouvert en grand les vannes conduisant aux enchéristes, réduisant de l’autre côté la taille des équipes internes consacrées à la revente à professionnel, ces fameuses cellules BtoB qui s’étaient démultipliées au cours des dernières années.
Les enchéristes deviennent alors des prestataires de référence pour évacuer les voitures d’occasion non captives et celles qui sont trop récurrentes. Les marchands y perdent. Ils peuvent de moins en moins traiter en direct avec leurs interlocuteurs de toujours. Pour mettre la main sur les reprises non conservées par les concessions, ils sont obligés de se rendre en salle. Les outils de cotation édités par les hôtels de vente ont contribué à ce mouvement de fond. "10 à 15 % des montants que nous proposons débouchent sur une acceptation du client", estime Dominique Soinne, chez Mercier Auto. Jean‑François Maréchal fait aussi des calculs et il aboutit à des statistiques similaires pour Alcopa Auction.
En quête d’acheteurs
Le besoin de liquidités des concessionnaires et des leasers est un vecteur puissant de croissance pour les acteurs du remarketing comme les enchéristes. Et dans une industrie de la mobilité où la propriété laisse place à une consommation à l’usage, les hôtels de vente voient de plus en plus de véhicules d’occasion en retour de location défiler sur l’estrade.
"Nous faisons face à un changement de mode de consommation et le leasing transforme la nature même des voitures d’occasion, constate Olivier Fernandes, directeur général de BCAuto Enchères. Nous avons des véhicules plus récents, dotés des nouvelles motorisations et bien plus équipés car le financement a lissé le prix dans le temps."
Une disposition qui a fait passer le montant moyen d’adjudication à plus de 8 000 euros. Et des commissaires‑priseurs, tels que Guillaume Arnauné, dirigeant du groupe toulousain Enchères VO, assument pleinement cette inflation naturelle en allant proposer leurs services aux constructeurs et aux leasers.
Reste à trouver les acheteurs à mettre en face. BCAuto Enchères en fait une de ses priorités, conscient que la promesse de revente rapide ne pourra être tenue que si les salles sont pleines. Antoine Namand, qui a récemment pris les commandes de l’opérationnel de VPAuto, est assez d’accord sur ce principe fondamental. Il mènera une politique autour du service. Elle a pour objectif de convaincre plus de professionnels de consulter les offres, eux qui sont encore en minorité dans les salles (40 %) face aux particuliers. "Nous aurons besoin de plus de professionnels car les volumes vont augmenter en 2025", se prononce‑t‑il.
Vers un record en 2025 ?
Tous les commissaires‑priseurs ne sont pas du même avis quant à la trajectoire que prendra la courbe cette année. "De bons volumes" sont anticipés par VPAuto. "Comme en 2024, le marché des voitures d’occasion sera robuste, se dit pour sa part convaincu Jean‑François Maréchal, car pour pouvoir répondre aux besoins de mobilité en respectant les budgets des consommateurs, certains distributeurs de voitures neuves feront pencher la balance en faveur des occasions." Sous contrat avec les nouvelles marques (MG Motor, Tesla, Lynk & Co…) par le biais de sa maison mère, BCAuto Europe, Olivier Fernandes déclare ses collaborateurs "hyperprêts" à traiter ces volumes qui vont croissant sur la plateforme.
Mais dans les maisons de vente aux enchères automobiles comme partout ailleurs, certains se méfient des dégâts que pourraient causer les buy backs mal positionnés. Et là, les ingénieurs en données statistiques vont être mis à contribution pour fournir les bonnes indications de prix.
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