"Dans nos métiers, il faut jouer à 100 % la carte de la politique du constructeur"
Journal de l’Automobile. Que représente pour vous cette distinction ?
Emmanuel Hacquart. C’est une grande joie. C’est une vraie fierté qui, je crois, est partagée avec toute l’équipe d’Europe Automobiles. A commencer par Bertrand, son directeur, qui m’accompagne depuis plusieurs années. Ensuite, nous allons digérer tout cela puis essayer de transformer cette reconnaissance en beaucoup de nouveaux clients et beaucoup de ventes. Car c’est finalement notre métier que de vendre toujours plus de véhicules.
Franck Stival. Avant de répondre au questionnaire, ma première réaction était de me dire qu’une petite PME locale de 30 collaborateurs ne pouvait pas rivaliser avec les mastodontes de la distribution. C’est donc d’abord une grande surprise qui nous fait par ailleurs très plaisir !
JA. L’un de vos points communs, c’est que tous deux officiez sur une zone qui n’est pas forcément la plus propice au commerce automobile, ou simplement au succès de votre marque. Monsieur Hacquart, quelle est donc la part du succès qui vous revient et celle qui revient à Nissan ?
EH. C’est une vaste question. Je dis souvent que j’ai de la chance d’habiter dans le sud… dans le sud de la Belgique ! C’est parfois une opportunité. Mais souvent, ce n’est pas forcément une chance, car c’est une région qui n’est pas très favorisée, avec un pouvoir d’achat assez faible. Mais on y vit, on y travaille et on essaye de vendre des voitures. Alors est-ce que c’est notre succès ou bien celui de la marque ? Je ne pense pas qu’on puisse dissocier les deux. L’un des finalistes disait tout à l’heure, à juste titre : sans la marque, nous ne sommes pas grand-chose. Je pense que sans les concessionnaires, les marques ne sont pas grand-chose non plus. Alors je crois que c’est la bonne intelligence entre les deux qui fait que, avec un peu de travail et de chance, on arrive, même dans des régions qui ne sont pas les plus florissantes, à vendre des véhicules. Et surtout à le faire avec qualité et, si possible, en grand nombre.
JA. Monsieur Stival, dans quelle mesure les caractéristiques géographiques et démographiques de l’Ariège vous sont-elles profitables ou, au contraire, préjudiciables ?
FS. L’avantage que nous avons par rapport aux Ardennes, c’est que nous sommes beaucoup plus au sud. Mais, nous sommes tout de même au nord de l’Espagne. Ce qui fait, qu’au final, on retrouve un peu la même problématique avec un département très rural et frontalier. Ce n’est effectivement pas simple pour faire avancer les affaires. Mais au fond, il y a sans doute un point positif. C’est que nous sommes sur des espaces un peu protégés, dans lesquels les relations humaines avec le client et nos collaborateurs sont essentielles. Cela fait partie des caractéristiques économiques et sociales de nos régions. Et dans des périodes difficiles comme nous en avons vécu ces dernières années, dans tous les secteurs d’activités, cela vient nous renforcer. Après, je partage à 100 % ce que vous dites, c’est-à-dire que l’intelligence est d’utiliser toute la puissance d’un constructeur pour la transformer, sur place, en un véritable succès.
JA. Bertrand Rota, Nissan a annoncé une ambition de pénétration de 4 % à l’horizon 2013. Vous êtes vous-mêmes à près de 3 % à fin 2010. Quel est donc, à votre niveau, l’axe de travail prioritaire pour atteindre cet objectif ?
Bertrand Rota. On va essayer de suivre la marque. Parce qu’il faut le reconnaître, j’ai la chance de travailler avec un constructeur qui va de l’avant, avec des produits bien connus du grand public. Car, s’il y a quelques années, Nissan n’était pas forcément reconnue, la marque fait désormais partie, grâce à Qashqai, des incontournables dans la shopping liste des acheteurs. Et, avec l’arrivée de Juke, je pense que les 4 %, sont largement atteignables.
JA. Justement, dans cette optique, ne craignez-vous pas la fin de la bulle Qashqai ? Modèle auquel le réseau semble avoir une certaine dépendance…
BR. Quand il est sorti, le modèle n’était pas forcément suivi par la presse. Son succès a été long se dessiner. Mais aujourd’hui, il continue de monter en puissance. Même après quatre ans de commercialisation, c’est un produit qui se vend de plus en plus et qui conserve une belle image auprès du public. Je pense qu’il a encore de belles années devant lui !
JA. Franck Stival, Volkswagen a elle aussi affiché ses ambitions ces derniers mois. En termes de produits, comme en termes de parts de marché ou d’image. Quelle doit être, selon vous, la contribution du distributeur dans cette stratégie de croissance ?
FS. De manière générale, dans nos métiers, il faut jouer à 100 % la carte de la politique du constructeur. Celui qui ne veut pas suivre cette stratégie est à mon avis mal parti ! Dans son partenariat avec la marque, mais aussi mal parti pour prétendre à gagner de l’argent. En ce qui nous concerne, chez Volkswagen, le lead est aujourd’hui d’atteindre 10 % de parts de marché. Nous allons donc tout mettre en œuvre pour y arriver. Il n’y a aucun souci là-dessus, dans la mesure où il y a une vraie politique produits qui suit derrière. Il faut ensuite avoir l’adhésion de nos équipes. Ce qui n’est jamais gagné. Il faut les convaincre et les motiver pour qu’elles y croient et qu’elles ne prennent pas ça comme le discours d’un technocrate ambitieux de Wolfsburg. A nous de leur dire pourquoi elles vont y arriver et surtout, comment elles vont y parvenir. Il faut supprimer les réticences. Car, quelle que soit la marque, nous allons sur de nouveaux segments et la réaction la plus basique que l’on puisse avoir est de dire que cela ne correspond pas à notre marché. Ce n’est pas vrai. Parce que, certes, de temps à autre ça ne fonctionne pas, mais la plupart du temps, cela marche. Ces dernières années, les marques ont exploré le 4X4, le low-cost, l’utilitaire, ou encore le premium, et c’est à mon avis de cette manière que nous pouvons nous en sortir. Notre boulot, en tant que distributeur, c’est donc de faire adhérer nos équipes aux projets du constructeur. Ce qui prend souvent du temps.
JA. Monsieur Hacquart, à l’aube d’une commercialisation historique, celle de la Leaf, comment aborde-t-on le virage électrique et toutes les interrogations que cela suscite au niveau opérationnel ?
EH. Avec confiance ! Car avec Nissan et Renault, nous travaillons avec des constructeurs qui ont cru dès le départ à l’électrique. Nous allons donc être des pionniers. Ce qu’hier, nos parents et arrière-grands-parents ont fait en vendant des voitures, nous allons en quelque sorte le vivre à notre tour avec l’électrique. Nous ne savons pas très bien où nous allons, ni à quelle vitesse, mais nous y allons et nous y croyons. Et si la Leaf ne représentera pas des volumes extraordinaires dans un avenir immédiat, l’électrique entraîne, en revanche, toute une révolution dans nos métiers. L’après-vente de demain ne sera, par exemple, en rien comparable à l’après-vente d’hier ou d’aujourd’hui. La façon d’aborder la vente des véhicules va également évoluer. Car les consommateurs sont à la fois plein d’attentes et d’interrogations. Mais pour l’heure, nous-mêmes n’avons pas forcément les réponses à ces questions. Il y a encore un énorme travail d’information à effectuer auprès du grand public.
JA. Monsieur Stival, vous avez ajouté récemment les marques Skoda et Kia à votre portefeuille. S’agit-il de simples centres de profit additionnels ou bien nourrissez-vous une stratégie de développement comparable à celle adoptée sur Volkswagen et Audi ces dernières années ?
FS. C’est différent de Volkswagen, car quand nous l’avons prise, la marque était déjà bien installée sur le marché français. En revanche, c’est un peu le même schéma que pour Audi. En 1995, le constructeur venait juste de sortir l’A4 et prétendait entrer sur le premium. Tout le monde les regardait comme une bête bizarre. Et aujourd’hui, beaucoup de distributeurs aimeraient avoir ce panneau. Sur des marques émergentes comme Kia et Skoda, nous sommes dans la même optique. Il y a des opportunités avec des croissances de marchés qui peuvent facilement se multiplier par deux. Nous en avons eu l’exemple récemment avec les volumes de ces deux marques qui ont crû de manière importante. Il ne s’agit donc pas de centres de profit destinés à compléter notre business. D’ailleurs, nous avons pris ces deux panneaux et avons bâti des locaux adéquats et spécifiques. Nous croyons donc fortement au développement de ces marques et faisons tout pour y parvenir. Au même titre que le premium, ce sont des marchés qui se travaillent. Même s’il y a des croissances naturelles, il faut travailler ces marques avec des équipes et des moyens dédiés.
JA. Il est un autre point commun à tous nos finalistes. Tous sont régulièrement sites pilotes pour l’expérimentation des différents programmes constructeurs. Selon vous, est-ce significatif d’un état d’esprit et quelle part cela tient-il dans vos résultats ?
EH. Il faut plusieurs conditions pour être site pilote. Il faut d’abord le vouloir, puis être choisi. En général, je ne vais pas dire que toutes les expériences sont bonnes, mais nous avons tout de même intérêt à les accompagner, ne serait-ce que pour corriger des défauts de jeunesse. Et, qui mieux que les professionnels que nous sommes peut dire à un constructeur qu’il faut faire des réglages de manière à éviter que l’ensemble du réseau ne parte dans une mauvaise voie ? Nous avons tous dit qu’il fallait être partenaire de la marque. Il est évident que personne ne gagnera à ne pas l’être.
FS. Quand on voit ça de l’extérieur, on peut se dire que c’est une chance, ou un passe-droit d’être site pilote. En fait, quand nous prenons part à une expérience, il faut avoir une humilité énorme. Tout simplement parce qu’on va lancer un projet et qu’à la fin, le constructeur ne va pas forcément trancher dans votre sens. Peut-être dira-t-il que l’expérience n’a pas été concluante et qu’il faut passer à autre chose. Si la solution est retenue, tant mieux, vous avez un peu d’avance. Si non, et bien tant pis, il faut repasser à la suivante. Il faut alors faire passer ça auprès des équipes parce que vous allez leur faire adopter un mode de travail pour peut-être les faire passer à un autre peu après. Cela peut-être déstabilisant. Il faut donc jouer de cette notion avec douceur.
JA. Pour terminer, estimez-vous avoir les moyens de remonter sur scène, ici, dans un an ?
EH. Ce concours est un formidable stimulant pour nos effectifs. Je suis persuadé que la petite équipe de douze personnes de Nissan Charleville fera tout pour remonter sur le podium. Mais il faut laisser la place à tout le monde. Je suis déjà fier d’avoir été distingué cette année.
FS. Pourquoi pas ? Mais nous avons déjà pas mal de projets en cours. Disons que ce prix et ces développements sont sans doute un bon entraînement à une nouvelle participation !
Propos recueillis lors de la cérémonie de remise de prix
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