Clause d’essaimage : Travaux pratiques
...la chasse aux contrats de concession disponibles était en cours depuis longtemps de la part des concessionnaires les plus dynamiques et les plus avisés. Parallèlement, on a vu certains concessionnaires ou groupes se désengager, pour des raisons diverses. Mais ce qui se passe à présent, en France et ailleurs, est la preuve que le message de la Commission européenne a été compris (et parfois interprété avec la volonté d'aller au-delà). Les constructeurs eux-mêmes, en tout cas certains d'entre eux, sortent peu à peu de leur immobilisme. S'agirait-il d'un embryon d'effet vertueux de la crise du marché européen, qui pousse vers une réduction rationnelle des coûts de distribution ? Peut-être, mais la contradiction reste évidente, pour la plupart des marques les plus affirmées, entre la nécessité de vendre moins cher et la volonté capricieuse de disposer de réseaux monomarques respectant des critères qualitatifs onéreux.
Bien joué, petit !
Comme nous le prévoyions il y a maintenant quelques années (c'était assez facile...), la belle unité des constructeurs n'a pas tenu longtemps, et les premiers à changer d'avis sont les "petits", à savoir ceux qui n'ont pas encore un réseau très développé. Ils n'ont pas tous viré leur cuti, mais certains l'ont fait et ont commencé à se fier à des concessions représentant déjà d'autres marques, dans les mêmes locaux. Intelligent, n'est-ce pas ? C'est la meilleure façon d'obtenir rapidement une visibilité jusque-là inespérée. A l'arrivée du nouvel entrant, la marque principale devra tout bonnement lui laisser un espace suffisant, même si le critère qualitatif "surfaces d'exposition" n'est plus respecté par le concessionnaire devenu multimarque. Le multimarquisme est donc en train de naître, bien avant l'abolition de la clause de localisation, prévue pour octobre 2005. C'était prévisible aussi. Ce qui l'était moins (et nous ne l'avions pas prévu...), c'est qu'un grand groupe européen aurait participé à cette opération par l'intermédiaire d'une de ses marques à faible volume. Jusque-là, chacune des marques avait tenté la voie du commerce strictement monomarque, accompagnée d'investissements exorbitants.
L'avenir naît comme il peut...
Le maintien de la fameuse clause de localisation rassure les constructeurs plus qu'il ne faudrait. D'accord : un distributeur n'a pas le droit "d'opérer à partir d'un lieu d'établissement non autorisé". Mais la vente active est permise partout où est en vigueur un système de distribution sélective. Peut-on, par conséquent, exposer des véhicules neufs où l'on veut, par exemple à l'occasion d'une quelconque manifestation locale ? Sans aucun doute. Et, par extension de ce concept, dans un magasin d'exposition n'appartenant pas, ou pas directement (encore que...) à la concession ? A notre avis, rien ne s'y oppose, comme rien ne s'oppose à ce qu'un vendeur aille démarcher des prospects là où il le souhaite. Il pourra, au passage, faire voir et essayer le véhicule exposé, au lieu d'utiliser des catalogues ou un ordinateur portable. Ce genre de choses est déjà en cours ici ou là, nous semble-t-il. Mais... la négociation aura-t-elle lieu dans la rue, dans la boue, sous la neige ? L'acte de vente sera-t-il signé ailleurs que dans le magasin d'exposition ? "Bien sûr, mon lapin, puisqu'il ne s'agit pas d'un lieu de vente autorisé." Mais même s'il en allait autrement, même si les premiers "coupables" étaient sanctionnés pour avoir voulu mieux servir les consommateurs, il faudrait tenir compte de deux faits : d'une part, le magasin d'exposition pourrait appartenir à un "intermédiaire" disposant d'un mandat qui l'autorise à "stocker un véhicule neuf" pour le compte d'un utilisateur final (considérant 14), ce qui réglerait la question dans la pratique ; d'autre part, combien de fonctionnaires faudrait-il déployer sur le territoire pour effectuer des contrôles qui, au demeurant, deviendraient rapidement impopulaires ? Personne n'a jamais gagné de bataille d'arrière-garde.
Vers une politique de distribution raisonnable ?
Le choix qui s'offre aux constructeurs est le suivant : soit ils acceptent (comme certains semblent le faire) l'idée d'une politique de distribution tournée vers l'avenir ; soit ils laissent leurs réseaux prendre tout seuls et dans le désordre des initiatives de survie, comme dans toute pétaudière digne de ce nom. A suivre...
Ernest Ferrari, consultant
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