Central Autos : la troisième génération aux manettes
Le portail s’ouvre et le bruit si caractéristique de la voiture électrique se fait entendre. Tout du moins jusqu’au moment où la berline noire prend la première courbe pour disparaître définitivement. Ainsi, Édouard Coquillat file vers la rocade sud, après de chaudes salutations qui contrastent avec les premières fraîcheurs de novembre qui tombent sur la métropole lyonnaise. Quelques minutes auparavant, dans son bureau du village automobile de Saint‑Fons (69), le directeur général de Central Autos avait accepté de suspendre le chrono.
Troisième du nom à prendre de manière opérationnelle les rênes du groupe fondé en 1960 par Gérard Coquillat, le trentenaire n’entend pas valider l’adage qui prête à sa génération le vice de dilapider ce que les précédentes ont bâti et fait fructifier. Au contraire, il conçoit sa mission avec beaucoup de pragmatisme.
"Les choses vont vite, il faut savoir gérer en bon père de famille", dit-il, s’appropriant l’expression consacrée comme pour mettre en exergue sa maturité. Après six décennies de développement, le groupe de distribution Central Autos conserve sa dimension familiale.
Jean‑Patrick Coquillat préside, tandis qu’Edouard peut s’appuyer sur Anne‑Laure Gruner‑Coquillat, sa sœur, qui a pris la direction marketing de l’entreprise. "Elle a fait un énorme travail de modernisation et nous pouvons alors aborder la digitalisation avec sérénité", lui rend hommage le directeur général.
Un amour de Volkswagen
Dans son rétroviseur, la route a été jalonnée d’opérations visant à étendre l’empreinte territoriale. A l’origine, son grand‑père s'associe à Bernard Deguilhem pour créer un point de vente rue de la Part‑Dieu, à Lyon. Ils y distribuent des véhicules d’occasion, mais surtout des modèles de la marque Auto Union. Quand celle‑ci devient Audi en 1969, Central Autos renouvelle ses vœux. Et moins de dix ans après avoir ouvert une concession au profit de Honda (1970), le groupe lâche le panneau pour accueillir Volkswagen et composer un duo de marques sur lequel la famille compte beaucoup.
Pour preuve, depuis cette date, elles accompagnent tous les projets immobiliers concrétisés. Alors, forcément, quand vient sur la table le sujet de l’évolution des schémas de distribution, la forte implication du constructeur allemand provoque un brin d’émotion chez les Coquillat. "Comme bien d’autres concessionnaires, nous avons toujours investi pour les marques que nous représentons avec fierté. Aucun doute sur le fait que les constructeurs sauront le prendre en considération", modère le fils. Pour Central Autos, le divorce n’est définitivement pas une option.
Les systèmes en place depuis des décennies, reposant sur des notions de partenariat, doivent se poursuivre, peut‑on comprendre en filigrane de son analyse de la situation. Volkswagen Group France lui envoie donc des signaux positifs.
Dernièrement, celui qui figure parmi les plus importants acheteurs de véhicules d’occasion auprès du service remarketing VO d’Audi Allemagne vient de récupérer le contrat de distribution de Volkswagen Véhicules Utilitaires à Saint‑Fons, à la faveur d’une redéfinition de la cartographie locale. Le concessionnaire achève donc l’aménagement d’un point de vente de près de 400 m² à inaugurer au début de cette année 2023. Un lieu où il entend écouler plus de 300 unités par an, lorsque la machine industrielle fonctionnera.
"Donner le pouvoir au commerce"
Hyundai en 2014, Skoda, Mitsubishi et Fiat en 2018 (revente récente au groupe Chopard), Seat en 2020 et Ligier en 2022 représentent autant de prises de panneau qui ont donné un coup d’accélérateur à l’opérateur lyonnais. Désormais, en plus de couvrir le département du Rhône, il mène des activités en Isère. Et le directeur général de souligner avec une certaine fierté que Central Autos endosse maintenant le rôle de premier distributeur Hyundai dans l’Hexagone.
En raison du ralentissement des livraisons VN au second semestre, l’opérateur aux huit marques terminera l’année 2022 en léger retrait, à 1 800 voitures sud-coréennes, sur un total avoisinant 8 000 véhicules neufs et d’occasion. "Nous sommes parvenus à ce niveau sans changer notre périmètre depuis 2018, souligne‑t‑il. Et nous avons près d’un millier de commandes de Hyundai en attente dans le portefeuille."
Ses commerciaux en auront totalisé 2 200 sur l’année. Une croissance externe plus tactique que stratégique aux yeux des membres de la famille. Chez Central Autos, il s’agit de miser surtout sur d’autres éléments. "Certes, nous devons rester à l’écoute des opportunités, admet le directeur général. Mais force est de constater que les opérateurs sont très concentrés dans notre région. Le risque fait partie du métier et nous l’acceptons, mais cela ne doit pas nous conduire à boucler aveuglément toutes les affaires proposées." Il privilégie plus volontiers les ressources humaines qui structurent son entreprise.
Les processus opérationnels sont rodés et appliqués à chaque concession quelle que soit la marque distribuée. "Souvent, la finance et la comptabilité dictent leurs règles dans l’automobile. Nous nous efforçons de donner le pouvoir au commerce pour que la relation client puisse être soignée", expose‑t‑il. Voilà sa méthode.
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Dans le registre de la gestion des collaborateurs, sa problématique touche sans surprise l’atelier. Le directeur général se dit en quelque sorte frustré de parvenir à générer des demandes, d’avoir du capacitaire dans les agendas des réceptionnaires, mais de manquer de collaborateurs pour accomplir les tâches. Edouard Coquillat en appelle aux pouvoirs publics pour que ceux‑ci soutiennent davantage les initiatives et aident à changer l’image écornée des métiers manuels.
"Lors des rencontres dans les lycées, nous sommes 12 employeurs pour quatre élèves qui manifestent de l’intérêt. Cela dit tout de la pression", raconte‑t‑il de son expérience. Pourtant, au sortir de la crise sanitaire, il a doublé ses recrutements d’apprentis afin de soutenir les filières de formation. "Je pense que nous devons aussi proposer des plans de carrière, martèle le directeur général. Projeter les employés de l’après-vente dans des logiques d’organigramme évolutif afin de les encourager à rester."
La tentation des nouvelles formules
Le bien-être des employés passera notamment par le sport et les loisirs extraprofessionnels. L’entreprise encourage la pratique d’une activité en finançant en partie les licences. Le sport devient aussi un vecteur de communication. Depuis octobre 2022 et pour une durée de trois années, Central Autos a rejoint la liste des partenaires officiels du Lyon Olympique Universitaire, l’équipe de rugby qui évolue parmi l’élite du championnat français.
Le contrat s’articule autour de l’ensemble des marques et services du groupe. Il se concrétisera notamment par la vente en location longue durée au LOU Rugby d’une flotte de 20 véhicules Volkswagen, dont des Polo, T‑Cross, T‑Roc, Tiguan Allspace et Touareg et migrera progressivement vers un parc de véhicules électriques et hybrides. Il suffira de peu pour que le groupe décide de faire de Central Autos une marque commerciale comme cela devient la tendance stratégique chez les opérateurs.
Edouard Coquillat veut avant cela consolider ses efforts. En ajoutant Ligier au portefeuille, il a envoyé un signal a sa clientèle particulière et professionnelle. Mais avant de parler ouvertement "d’entreprise de mobilité", le groupe va mettre du liant entre les services. "Pour tenir la promesse client, les collaborateurs doivent maîtriser le catalogue de prestations, conditionne le directeur général. A nous de clarifier l’offre, de bâtir un système informatique, de structurer le marketing et de dédier des personnes en interne à la commercialisation de ces nouveautés."
A titre d’exemple, Ligier doit s’approprier la LOA en plus de la location courte durée et tirer par ailleurs profit de la base de données dans laquelle des clients potentiels de 14 ans sont référencés. L’abonnement n’est pas encore déployé. Le groupe observe et peaufine.
Si les constructeurs n’apportent pas la meilleure des réponses, alors dès cette année, Central Autos s’arrangera avec le lancement de sa propre solution. "Pas question d’établir une usine à gaz. Il faudra de la simplicité, quitte à réadapter la location courte durée, dit Edouard Coquillat. Il est trop tôt pour parler de ce que nous imaginons pour les flottes les plus modestes, mais nous ne devons pas laisser passer notre chance quand elle se présentera."
Renforcer l’autonomie
Le VO sera‑t‑il la clé de voûte ? Le fils de Jean‑Patrick Coquillat explique que plusieurs pistes de sourcing sont actives, mais que Central Autos doit désormais passer à la vitesse supérieure pour ne pas jouer le rôle de spectateur. Les objectifs de volume ont été réalisés en 2022. Quelque 2 000 unités, selon les prévisions faites fin novembre. Ce qui va aider le groupe à sauver le bilan global.
Cependant, l’opérateur dépend encore trop des constructeurs pour s’approvisionner : d’abord des listes de VO diffusées au réseau, ensuite des reprises découlant des livraisons de VN. Les deux fléchissant en volume en raison des retards de livraison. "La notoriété de Central Autos doit nous servir à monter en puissance sur le rachat cash", soumet, comme piste, le directeur général. Diplômé en marketing d’une école du groupe Inseec, il émet aussi l’idée de "forcer" davantage la LOA pour garder la main sur l’actif et fabriquer des VO. La pénurie doit donner à ses vendeurs un levier de négociation en face des clients qui privilégieraient l’achat comptant.
De manière pragmatique, il va également muscler son équipe d’acheteurs. "Nous ne voyons aucune urgence pour l’heure à mettre la main sur une structure de VO BtoB pour croître", élude Edouard Coquillat à propos de l’actualité du groupe Chopard avec ATB Auto. Sur la table, le smartphone retentit, rappelant au directeur général que son temps avait été exceptionnellement suspendu, mais que l’activité de concessionnaire ne s’arrête jamais vraiment.
En regagnant son Audi, il effectue un petit crochet par la zone de travaux. La pénombre entoure encore le showroom prévu pour VW Véhicules Utilitaires, mais les espaces d’exposition et de réception des clients s'avèrent repérables.
Edouard Coquillat, tout sourire, rappelle que le groupe opérait sous ce panneau, il y a longtemps. A l’écouter, l’histoire va "simplement" reprendre là où elle s’était arrêtée. Lui, prend la pose une minute pour la photo et doit poursuivre sa propre course. La voiture démarre. Le portail s’ouvre. Il file vers la rocade sud.
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