Toyota et PSA : association de constructeurs
...urbain d'entrée de gamme, peu coûteux, mais bien équipé. Aujourd'hui, l'usine est en construction en République tchèque et la voiture franco-japonaise devrait arriver dès 2005. Récit de l'association de deux constructeurs…
C'était il y a tout juste deux ans, à une soixantaine de kilomètres à l'est de Prague, en République tchèque, que se tenait la cérémonie qui marquait le début opérationnel de la coopération entre deux constructeurs de renommée mondiale. Le 10 avril 2002, pour être précis, Fujio Cho, président de Toyota, et Jean-Martin Folz, président de PSA Peugeot-Citroën, donnaient le premier coup de pioche de la construction de leur usine commune située à Kolin. "Le grand projet qui commence à se matérialiser aujourd'hui même est d'une très grande ampleur et positif à tous égards", déclarait, enthousiaste,
ZOOMLes deux dirigeants de TPCA Société commune dont chaque partenaire détient 50 % du capital, sa direction se devait d'être assumée conjointement. Le président de TPCA, Masatake Enomoto, est ainsi issu de Toyota, tandis que le vice- président, Jean-Pierre Chantossel, vient de PSA Peugeot-Citroën. |
Dès l'an 2000, Toyota et PSA réfléchissent à un projet commun
L'histoire ne commence toutefois pas à Kolin au printemps 2002, mais deux ans auparavant, au cours d'une rencontre entre Fujio Cho et Jean-Martin Folz, début 2000. Les deux présidents discutent alors de l'opportunité de lancer une petite voiture sur le marché européen et se rendent compte de la convergence de leurs opinions. Il n'en fallait pas plus pour lancer le principe d'une coopération industrielle de vaste ampleur. Il faut dire que les deux
FOCUSLes sites de production de véhicules de Toyota en Europe |
Peu à peu, la République tchèque est sortie du lot
L'idée de base du projet étant de produire un véhicule peu coûteux, avec un prix positionné aux alentours de 8 000 euros, le choix du pays d'implantation du site de production constituait un enjeu majeur pour les deux partenaires. Une chose était certaine, l'usine s'installerait sur le sol européen. Fujio Cho, lors de la cérémonie du 10 avril 2002, soulignait ainsi : "Il est important pour Toyota d'être un acteur européen avec de profondes racines ancrées dans la Communauté européenne. L'implantation d'unités de production dans différentes parties du monde se doit de respecter Les autres sites de production européens de Toyota
une politique qui est propre à Toyota : nous devons fabriquer là où se trouve le marché." Les pays d'Europe centrale et orientale furent donc forcément la cible évidente de leur recherche, en raison du faible coût de la main-d'œuvre. Au final, trois pays se sont retrouvés en compétition : la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. Le site de Kolin présentait néanmoins des avantages dont les autres ne pouvaient se prévaloir, notamment celui d'avoir été proposé, un an plus tôt, à BMW pour l'implantation d'une de ses usines, et donc d'avoir été préparé sur le plan juridique à une telle opération. D'autres éléments sont également entrés en ligne de compte. La position centrale de la République tchèque dans l'Europe élargie et le développement de ses infrastructures de transport donnaient entière satisfaction aux constructeurs. Le coût attractif de la main-d'œuvre tchèque a largement pesé dans la balance, mais son niveau de qualification a également compté. La République tchèque jouit en effet d'une culture industrielle de l'automobile très ancienne, la marque Skoda, rachetée depuis par Volkswagen, ayant commencé à produire ses véhicules en 1898. D'autres marques tchèques ont également vu le jour, mais aucune n'a survécu. Aujourd'hui, l'automobile représente cependant encore près de 15 % de la production industrielle du pays et elle a d'ailleurs atteint son plus haut niveau en 2001, avec quelque 460 997 véhicules produits. De plus, Toyota et PSA ne seront pas complètement esseulés car, même s'ils feront venir leurs propres équipementiers, d'autres ne les ont pas attendus et sont déjà présents sur le territoire tchèque. Selon la DREE, pas moins de 280 entreprises sont spécialisées dans la fourniture d'équipement automobile dans le pays, dont 190 d'origine étrangère, et elles exportent environ 75 % de leur production. De quoi rassurer les deux constructeurs. Outre tous ces avantages pratiques, la République tchèque se met par ailleurs en quatre pour attirer les investissements étrangers sur son territoire. La perspective du projet d'implantation du deuxième constructeur mondial associé à PSA ne pouvait donc que séduire les autorités locales. En tout, ce sont en effet quelque 1,5 milliard d'euros que les deux constructeurs ont investis pour la création de ce site, dont environ un milliard pour la construction de l'usine. De plus, d'entrée de jeu, le président de Toyota a annoncé que 250 000 euros seraient donnés à l'hôpital de Kolin, un bon moyen de se faire bien voir de la population locale. En contrepartie, pour venir s'installer, le joint-venture a bénéficié de conditions favorables de la part des autorités tchèques, au travers d'incitations fiscales notamment, mais aussi de la promesse de réaliser des travaux d'infrastructure ou de donner des subventions pour la formation.
FOCUS
Le commencement de la production est prévu pour début 2005
Tous les ingrédients semblaient donc réunis pour inciter Toyota et PSA à s'installer en République tchèque et ils ont ainsi pu se lancer dans la construction de l'usine proprement dite. La structure des bâtiments est sortie de terre en 2003 et, depuis lors, TPCA s'est attaché à mettre en place les installations de l'usine qui devrait entrer en production au début de l'année prochaine. Le terrain qui accueille l'usine s'étend sur quelque 125 hectares, au milieu de la campagne de Bohème, la même surface étant encore disponible à proximité pour accueillir un parc de fournisseurs. L'intérieur de l'usine se divisera en quatre ateliers distincts, dédiés à l'emboutissage, au soudage, à la peinture et à l'assemblage final. Les chaînes de production, qui pourront tourner avec trois équipes, auront une capacité annuelle de 300 000 véhicules, qui seront répartis équitablement entre les trois marques, Toyota, Peugeot et Citroën. En tout, le site de Kolin va générer la création d'environ 3 000 emplois directs, auxquels s'ajouteront ceux créés par les fournisseurs de l'usine, près de 8 000 selon les estimations. La répartition des tâches entre les deux constructeurs semble s'être faite de manière assez pragmatique, chacun apportant ce qu'il sait faire de mieux. Amplement copié dans l'industrie automobile et dans l'industrie en général, le système de production de Toyota a déjà largement fait ses preuves et sera donc reproduit à Kolin sous la houlette du constructeur nippon. En plus de la conception de l'usine, Toyota s'occupera également de définir la base de la nouvelle plate-forme pour la petite citadine. Les équipes de PSA, quant à elles, apporteront leur expertise dans le domaine des achats. En revanche, le développement et la conception du projet "B zéro", tel que les deux partenaires l'appellent, sont réalisés conjointement par les deux constructeurs. Pour réduire les coûts de production, les trois petites citadines qui sortiront de l'usine de Kolin bénéficieront ainsi d'une plate-forme et d'organes communs, que les ingénieurs français et japonais ont mis au point ensemble à grand renfort de vidéoconférences et de voyages en avion. En revanche, les trois marques n'ont de cesse de répéter que, si le squelette est le même, le reste sera propre à chacune. Les trois véhicules doivent s'inscrire dans la gamme de leur propre marque sans détonner, et le client final devra être capable de les distinguer sans risque de confusion. Daniel Marteau, directeur des relations constructeurs et coopérations de PSA Peugeot-Citroën, confiait ainsi l'année dernière au Journal de l'Automobile (JA n° 826) que "le positionnement, les tarifs et surtout le style seront différents et sous la responsabilité des trois marques. Par exemple, nous ne savons pas quel sera le positionnement prix de Toyota et inversement". Quoi qu'il en soit, en premier lieu, c'est le design qui doit différencier les trois véhicules et les trois marques se sont d'ailleurs réunies en amont du projet dans le but de comparer les thèmes qui présideraient au dessin de leur modèle et de s'assurer qu'ils seraient suffisamment différents.
Une petite citadine résolument européenne
Les deux constructeurs se sont en effet rencontrés sur l'idée d'une voiture répondant à des critères d'achat très européens, tels que le trafic grandissant en centre-ville ou encore la multimotorisation croissante des ménages. Le projet B zéro se doit donc d'être un petit véhicule urbain d'entrée de gamme, se situant avant les Renault Twingo, Peugeot 106 ou Citroën Saxo, d'un prix raisonnable. Il sera d'ailleurs commercialisé aussi bien en Europe de l'Ouest que dans les pays de l'Est, tout en essayant de répondre aux critères de confort et d'équipement en vigueur actuellement. Positionnement ambitieux, qui a l'air d'allier tout et son contraire. C'est justement pour se donner les moyens de cette ambition que les deux constructeurs se sont associés afin, comme le soulignait Jean-Martin Folz lors du premier coup de pioche de l'usine, "d'offrir un véritable best of de nos connaissances tant au plan de la conception du produit, de son design, qu'en matière industrielle ou que dans le choix des fournisseurs". Deux motorisations sont prévues pour les trois modèles, de petites motorisations économes en carburant pour coller au concept de petit véhicule urbain d'entrée de gamme. Toyota fournira le moteur essence de 1,0 l de cylindrée, qui proviendra de son usine polonaise de Walbrzych, tandis que PSA apportera le moteur Diesel 1,4 l qu'il fabriquera dans ses usines françaises de Douvrin et Trémery. Aujourd'hui, TPCA, dont le président, issu de Toyota, est Masatake Enomoto et le vice-président Jean-Pierre Chantossel, poursuit activement son installation et ses opérations de recrutement pour pouvoir lancer la production, comme prévu, début 2005. Il faudra en revanche s'armer de patience pour voir le résultat concret de cette association de constructeurs, les premières commercialisations de ces trois citadines venues de l'Est n'étant pas prévues avant la fin de l'année prochaine.
Arnaud Dumas
FOCUSToyota augmente sa production en Europe Poursuivant son offensive sur le marché européen, le constructeur nippon a décidé d'augmenter sa production sur le Vieux Continent. Alors qu'il a fabriqué, en 2003, près de 466 000 véhicules en Europe, son objectif est d'atteindre cette année une production de quelque 565 000 unités, soit une augmentation de 21 %. Son usine turque, située au sud-est d'Istanbul, va notamment participer à cet accroissement des niveaux de production puisqu'un investissement de 180 000 millions d'euros vient d'y être consenti. Son volume de production devrait ainsi passer de 100 000 voitures par an à 150 000 voitures, du fait du lancement récent de la nouvelle Toyota Corolla Verso. L'usine britannique de Burnaston va également voir ses volumes augmenter puisque sa capacité annuelle va passer de 220 000 unités à 270 000 dès 2004, de même que l'usine française, à Valenciennes, qui dispose en 2004 d'une capacité de 240 000 véhicules, contre 184 000 auparavant. |
ZOOML'industrie automobile en République tchèque Sur le volume total des investissements étrangers prévus en République tchèque pour la période allant de 2003 à 2006, environ 52 % concernent l'industrie automobile. C'est dire à quel point ce petit pays niché au cœur de l'Europe semble au centre de toutes les attentions du monde de l'automobile. Il dispose déjà d'un tissu industriel conséquent dans ce domaine. Pour le moment, Skoda est le seul constructeur à y produire des véhicules, mais il sera bientôt rejoint par l'usine commune de PSA Peugeot-Citroën et Toyota. Du point de vue des équipementiers, en revanche, l'offre est presque pléthorique. On recense sur le sol tchèque pas moins de 280 entreprises spécialisées dans le secteur de l'automobile. Elles ont représenté un chiffre d'affaires de 11,3 milliards d'euros en 2002, avec une progression annuelle de 7,1 %. Chez les Français, on note par exemple la présence de Valeo, installé depuis 1996 dans le pays, qui y dispose de trois sites de production et bientôt d'un centre de R&D pour la climatisation. Faurecia et Saint-Gobain sont également présents, ainsi que d'autres grands équipementiers internationaux. Certains sont en passe de s'y installer. On parle ainsi de Continental ou encore de Futaba, un spécialiste de l'emboutissage, dont l'un des clients serait l'usine TPCA. |
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