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Constructeurs

Smart court toujours après la rentabilité

Publié le 21 janvier 2005

Par Tanguy Merrien
7 min de lecture
Lancée en 1998, la marque chic et branchée revendique aujourd'hui plus de 700 000 ventes, avec une progression constante d'année en année. En dépit de ses succès commerciaux, Smart demeure déficitaire depuis sa naissance au point de commencer à créer un certain émoi au sein de l'état-major de DaimlerChrysler....
Lancée en 1998, la marque chic et branchée revendique aujourd'hui plus de 700 000 ventes, avec une progression constante d'année en année. En dépit de ses succès commerciaux, Smart demeure déficitaire depuis sa naissance au point de commencer à créer un certain émoi au sein de l'état-major de DaimlerChrysler....

...Quelles sont les raisons de cet apparent paradoxe ?

Qu'est-ce qui ne marche pas chez Smart ? Au vu des déficits accumulés depuis 1998, date de la création de la filiale de DaimlerChrysler, la question mérite d'être posée. Il est à souligner que les chiffres sur les finances de la seule marque Smart ne sont jamais dévoilés par le groupe de Stuttgart, au motif que les comptes de Smart sont consolidés au sein de Mercedes-Benz Car Group qui comprend les marques Mercedes, Maybach et Smart. Sur ce sujet, les différents experts et analystes du monde automobile doivent se contenter de leurs propres estimations. Généralement, ils pensent que Smart perd environ 500 millions d'euros chaque année. La firme germanique reconnaît que sa filiale spécialisée dans les petites urbaines a plombé les résultats de la division Mercedes Car Group sur le troisième trimestre 2004 dont le bénéfice d'exploitation a chuté de 62 %, et de 30 % sur les neufs premiers mois de l'an passé. Ces soucis financiers peuvent paraître, à première vue, quelque peu antinomiques avec la progression des ventes dont peut légitimement s'enorgueillir Smart. Des ventes qui se sont élevées à 139 600 unités en 2004, soit une progression de 21,1 % sur l'année précédente. Certes, l'objectif alors affiché par les dirigeants de DaimlerChrysler était de parvenir à quelque 170 000 ventes. Depuis 1998, Smart a commercialisé environ 700 000 voitures avec une progression constante d'année en année. Pourtant, la marque n'a jamais été bénéficiaire. Ulrich Walker, le nouveau patron de la marque, vient d'ailleurs de déclarer que Smart "devrait dégager des bénéfices dans les trois ou quatre années qui viennent". Pas avant. Rappelons que Smart espérait se trouver dans le vert sur l'exercice 2004, un objectif repoussé à 2006 en octobre dernier. Aujourd'hui, cette échéance est reculée à 2008, voire 2009.

Les rumeurs les plus diverses

Dans une récente interview au "Frankfurter Allgemeine Zeitung", Eckard Cordes, le patron de Mercedes Car Group, dit n'exclure aucune option quant au futur de Smart, même s'il assure que DaimlerChrysler n'a aucunement l'intention d'obliger sa petite dernière à mettre la clé sous la porte.




FOCUS

Un réseau en évolution

Parmi les principales causes des difficultés que rencontre Smart, le consultant Patrick Chiron pointe également la particularité du réseau de distribution. "Ce réseau est sans doute trop élitiste, note-t-il. Cela ne pose pas de problème pour l'acheteur d'une Fortwo qui va aussi payer pour l'originalité du modèle. Mais le client potentiel d'une Forfour, qui hésite peut-être entre une Clio ou une 206, ne va pas spontanément se diriger vers une concession portant le panneau Mercedes." Le porte-parole de Smart France reconnaît que, dans l'Hexagone, mais aussi dans d'autres pays européens, le réseau doit encore se développer. "La tendance est d'implanter des Smartcenters au sein de concessions Mercedes avec des standards moins sévères, continue-t-il. Notre ambition est d'aller vers les villes petites et moyennes comme par exemple Angers ou Brest." Aujourd'hui, 95 % des investisseurs du réseau Smart possèdent déjà une marque du groupe DaimlerChrysler.

Eckard Cordes a toutefois bien souligné la nécessité pour la filiale de redresser rapidement les résultats. Les rumeurs les plus diverses sur le sort de Smart s'étaient répandues dans le petit monde de l'automobile suite aux propos tenus fin octobre par le désormais ex-directeur financier de DaimlerChrysler, Manfred Getz : "La question est de savoir ce que nous allons faire avec Smart. Aucune décision n'a encore été prise. C'est en cours d'examen", avait-il lancé. Certes, depuis lors, tout l'état-major de DaimlerChrysler n'a eu de cesse de certifier que Smart resterait dans le giron du constructeur américano-germanique. Mais aucun des grands patrons de la firme de Stuttgart n'a fourni davantage de précisions quant à l'avenir de la filiale. Selon Patrick Chiron, qui dirige le secteur automobile du cabinet de consultants Eurostaf, les difficultés financières que rencontre Smart depuis sa création résultent d'une conjonction de facteurs : "Après des années de commercialisation, la Fortwo devrait normalement être rentable, mais elle génère encore un léger déficit. A quoi il faut ajouter la charge importante de l'amortissement de l'outil industriel créé de toutes pièces lors de la naissance de la marque." Il souligne que Smart a dû également, et ce dans un laps de temps assez court, faire face aux investissements nécessaires au développement de la Forfour et de la Formore ainsi qu'à ceux consacrés au lancement de la Forfour. Tout cela fait évidemment beaucoup pour une petite marque qui, en dépit d'une croissance de ses ventes, n'atteint pas ses objectifs commerciaux. Une telle succession de lancements pour une marque aux capacités de financement restreintes est assimilée par certains à une véritable erreur de gestion. Ce n'est évidemment pas un hasard si Ulrich Walker, nommé au poste de patron de Smart en juillet, a été chargé par la maison mère de remettre complètement à plat la stratégie de la marque. Il souhaite notamment observer une pause dans le lancement de nouveaux modèles afin de renforcer le réseau commercial.

Combler le trou sous la Classe A

L'une des grandes difficultés à laquelle est confrontée Smart est le niveau nettement moins élevé qu'initialement espéré des ventes de la Forfour. Selon Patrick Chiron, le différentiel est de l'ordre de 30 à 40 %. Il explique les modestes performances commerciales de ce modèle par son côté nettement moins décalé que celui de la Fortwo et parce qu'il s'agit, encore une fois à l'inverse de la Fortwo, d'une voiture qui trouve face à elle de très sérieuses concurrentes. Son prix élevé par rapport à la concurrence freine nombre d'acheteurs potentiels. Des acheteurs qui étaient prêts à payer un surcoût pour l'originalité de la Fortwo, mais qui le sont moins pour un modèle nettement plus consensuel. Le porte-parole de Smart en France explique le déficit de sa marque en partie par le fait que de nouvelles normes comptables imposent que le coût de développement d'un produit soit intégré dans les comptes avant son lancement, alors qu'auparavant celui-ci pouvait être étalé sur toute la durée de vie d'un produit. "Nous sommes obligés de sortir des nouveaux modèles chaque année car nous devons constituer une gamme. Notre rôle est de combler le trou sous la Classe A de Mercedes", poursuit-il. Il affirme que les coûts de développement pour la nouvelle Fortwo, qui sera commercialisée en 2007, seront moins importants que pour les autres modèles de la gamme. "La Fortwo connaîtra le type d'évolution que la Classe A entre l'ancienne et la nouvelle version", continue le porte-parole de Smart France. Un réseau plus étoffé (voir encadré) et une pause dans les lancements après trois nouveautés sur trois années permettront peut-être à Smart d'atteindre les objectifs fixés par le groupe, à savoir être bénéficiaire d'ici trois à quatre ans.


Cyril André


 





ZOOM

Smart part à la conquête de l'Ouest

Pour la première fois depuis sa naissance, la petite Smart a fait le voyage au pays du gigantisme automobile. Elle s'est retrouvée au Salon de Detroit dans l'optique d'un lancement désormais très probable sur le marché américain. La Fortwo s'est trouvée accompagnée de sa version cabriolet et du Roadster. "Après un lancement couronné de succès au Canada, nous voyons un potentiel pour la Smart aux Etats-Unis également", a précisé Eckard Corder, le numéro un de Mercedes Car Group. Il est vrai que, l'an dernier, les 3 000 exemplaires de la version Diesel de la Fortwo livrés au Canada ont trouvé preneurs en seulement trois mois. Les premières Smart ne devraient pas rouler sur le bitume américain avant au minimum un an, le réseau de distribution ne pouvant être opérationnel avant ce laps de temps. La Formore sera très certainement introduite dès le début de l'aventure dans la gamme disponible aux Etats-Unis et la Fortwo devrait se trouver à ses côtés.

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