Renault Zoé, si loin si proche…
“The One”. Ainsi pourrait-on appeler la Zoé tant elle apparaît comme la première “vraie” voiture électrique, tout à la fois urbaine de vocation, ce qui n’est pas une limite entendons-nous bien, et financièrement accessible à un large public. Bref, loin des super-cars, des modèles thermiques électrifiés, des voiturettes, et même d’une Nissan Leaf qui évolue sur un autre segment et s’adresse à d’autres budgets. Dès le Mondial de Paris, la Zoé en livrée de série avait séduit par son style, ce qui marquait une rupture dans le champ de l’électrique, souvent desservi par de grossiers gribouillages. Le design extérieur joue une partition très fluide et harmonieuse, Agneta Dahlgren et ses équipes ayant su éviter le double écueil de l’outrance “bio-hippie” ou “ovni” (voir JA n° 1169). A l’intérieur, l’atmosphère décline posément les notions d’aération et de pureté quand l’habitabilité est de fort bon aloi, y compris à l’arrière. La console R-Link et son prolongement riche en applications assurent au véhicule un bon niveau de connectivité, même si le simple guidage et les commandes vocales restent perfectibles.
Design, agrément de conduite, autonomie : le compte est bon
Au chapitre de l’agrément de conduite, la Zoé reprend naturellement à son compte toutes les caractéristiques du véhicule électrique : accélération très franche, freinage très progressif, implacable silence. Par rapport à ce dernier point, les équipes de Renault ont de surcroît réussi à limiter les bruits aérodynamiques et dits de “mobilier”. En somme, la Zoé se meut dans un esprit zen, heureusement non dénué pour autant d’une pointe d’espièglerie, à la ville comme sur autoroute, où elle soutient le 120-130 km/h sans que cela ne relève de la voltige. On peut toutefois lui reprocher d’être un peu raide, ce que ne démentent pas les ingénieurs du losange, expliquant que le train arrière est issu de la famille VUL. L’enjeu de l’autonomie ayant la tête dure, débordant toujours le cadre statistique rationnel, Renault annonce 150 km, une valeur vérifiée sur les routes portugaises, même avec une conduite un brin décomplexée. En mode éco-conduite, on peut encore gagner aisément plus de 15 % d’autonomie, mais comme le glisse un ingénieur : “ça, ce n’est pas une innovation de Renault !”.
Comme un câble sur la soupe…
Autre enjeu névralgique, la recharge. Et là, les choses se compliquent un peu… Renault mise principalement sur la wall-box et le chargeur Caméléon, en arguant que la charge s’opère majoritairement au travail ou au domicile. Très vraisemblablement juste, mais un peu court… En effet, la Zoé se coupe ainsi d’une immense partie des points de charge publics, déjà denrée rare, et des prises domestiques. Déjà fragile, le véhicule électrique n’avait nul besoin de ce handicap. La direction de Renault le reconnaît d’ailleurs à mi-mots, en affirmant travailler sur un câble plus “universel”, sans avoir pour l’heure trouvé une solution satisfaisante… En continuant d’égrener les sujets susceptibles de fâcher, un détour par le prix. Renault tient ses engagements avec un ticket d’entrée à partir de 13 700 euros, auquel il faut ajouter la location des batteries (à partir de 79 euros/mois) et la wall-box (entre 1 200 euros et beaucoup plus selon l’état de l’installation électrique concernée). Pas donné, mais pas rédhibitoire non plus. En revanche, si on ôte l’aide d’Etat de 7 000 euros, le modèle se retrouve derechef hors marché…
Un marché encore fantôme
Enfin, la grande inconnue, le marché… Encore embryonnaire, même chez les flottes, peut-il décoller ? Renault table sur 10 000 à 20 000 ventes de Zoé en Europe à un horizon 3-4 ans. A la fois peu et flou… Loin de toute volonté d’amener quiconque à résipiscence, on peut se demander si la stratégie de Carlos Ghosn était la bonne. L’électrification des véhicules est le sens de l’histoire, mais une bonne stratégie se caractérise aussi par un bon timing. Carlos Ghosn eut la révélation de l’électrique en 2007 à Davos, annonçant en 2009 20 000 à 40 000 ventes en France dès 2011. Le gouvernement tablait lui sur 100 000 ventes toutes marques confondues en 2012. Las, 24 853 VE ont été écoulés en Europe l’an passé. Seuls l’Allemagne, la France et la Norvège culminent au-delà de 1 600 unités. La promesse Portugal s’est même immolée à 81 unités… De plus, l’argumentaire de Carlos Ghosn reposait aussi sur une explosion du prix du baril et des prix à la pompe. Or, Vincent Renard, du CNRS, et Yves Crozet, économiste, démontrent chiffres à l’appui que si le prix facial des carburants a progressé, l’impact de ce poste est stable dans le budget des ménages, à 3,7 % du revenu depuis 20 ans. Enfin, le déploiement des infrastructures s’accélère, mais toujours en patinant. Du coup, on peut se demander si Zoé, voiture bien née et pourtant lancée en retard, n’arrive pas trop tôt sur le marché…
Des atouts financiers indéniables
Les entreprises qui s'équiperont uniquement en Zoé n'auront pas à se soucier du paiement de la TVS. Elles n'auront en effet pas à la payer dans la mesure où tous les véhicules qui émettent moins de 51 grammes de CO2/km en sont exonérés (la Zoé ne rejette aucun CO2). Lors de son acquisition, et désormais à l'instar des particuliers, les entreprises pourront en outre bénéficier d'une aide de l'Etat de 7000 euros.
Autant dire que ces deux postes d'économies pourraient compenser quelque peu les autres éléments susceptibles d'inquiéter les dirigeants de sociétés, à savoir les temps de recharge de la batterie et les tarifs de location de cette dernière. La Zoé se recharge en six à neuf heures en mode standard depuis une borne publique ou un boîtier de charge domestique dénommé "Wall-Box". Les loyers de la batterie oscillent dans une fourchette de prix allant de 79 à 142 euros TTC par mois pour une durée de contrat de 36 mois et un kilométrage annuel jusqu'à 12500 kilomètres ou 30000 kilomètres (il faut ajouter 10 euros par mois pour une durée de contrat de 24 mois).
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