Renault : la pièce par l’exemple
L’exception culturelle française, au cœur de l’actualité ces derniers temps, redonnerait-elle quelque élan aux constructeurs automobiles, désireux de conserver leurs droits communs de propriété industrielle et intellectuelle sur la pièce de peau (de carrosserie visible) ? Le sujet s’avère trop sensible pour qu’il soit nécessaire d’abonder ou non dans ce sens. Cependant, lors d’une journée riche en présentations, à la fois au Technocentre (TCR) et à l’usine de Flins, nous avons assisté à la nouvelle communication de la direction de Renault sur la pièce captive, comme l’a précisé d’emblée Nicolas Nollet, directeur de la stratégie après-vente monde de Renault : “Le choix que nous avons fait consiste à parler de nous, de nos pièces, de notre savoir-faire… tant en technique, en disponibilité qu’en logistique, etc.” Ce choix s’accompagne d’une volonté de remettre le sujet en bonne place dans la phrase : “Nous ne sommes pas sur le pouvoir d’achat, mais sur la répartition des marges entre les différents acteurs. Nous sommes sur des sujets de business.” Un propos qui nous va bien après avoir entendu proférer bien des extrapolations douteuses où la maladresse l’emportait sur la réalité tangible. Les arguments du pouvoir d’achat des indépendants se voient donc renvoyés à la même hauteur que ceux de l’emploi chez les constructeurs. Retour à la vraie joute.
Une licence peu permissive
Renault souhaite ouvrir le marché de la pièce de carrosserie à ses fabricants, mais à des conditions “associées” très précises. En effet, selon Nicolas Nollet, “Renault est d’accord pour s’engager sur la voie de la co-commercialisation avec ses fournisseurs sous la forme d’une licence. Une co-commercialisation automatique est même envisageable à la condition que la pièce ait été co-développée entre le constructeur et le fabricant (le constructeur n’opposera pas la loi de protection du design)”. En clair, l’équipementier qui est à l’origine de la conception de la pièce (depuis le design et l’engineering) pourrait vendre ces pièces de carrosserie à d’autres réseaux, mais celles-là uniquement. Or, Nicolas Nollet poursuit : “Nous avons discuté avec la Fiev sur l’opportunité de co-commercialisation avec les fournisseurs, lorsque leur valeur ajoutée en savoir-faire est bien là. Cependant, la Fiev souhaitait que Renault l’ouvre plus largement en donnant la possibilité aux fournisseurs de première monte de commercialiser des pièces qu’ils n’avaient pas co-développées avec nous, ce que nous ne pouvons pas accepter.” Et pas question de limiter l’intérêt d’une telle démarche au seul constructeur : “Sur les pièces visibles, les enjeux sont aussi importants du côté des distributeurs (concessionnaires, N.D.L.R.) que du constructeur, ils sont partagés avec les réseaux de marque.” Là encore, on ne s’écarte pas de la carte du business.
Facettes de la concurrence
Récusant le diagnostic de l’ADLC (Autorité de la concurrence), contre lequel Renault a déposé deux recours auprès du Conseil d’Etat, Nicolas Nollet a tenu à rappeler que “toutes les études menées à Bruxelles montrent que le marché européen de l’après-vente est ouvert et concurrencé, et que l’on se trouve bien face à des questions de business et non de législation”. Allant plus loin, le directeur de la stratégie a réaffirmé l’engagement de 2011 du constructeur à réduire les prix ou, à tout le moins, à en modérer la hausse : “Nous faisons d’énormes efforts à Flins en termes de productivité pour être plus compétitifs. Car sur un marché Europe à la baisse, nous avons des coûts fixes auxquels nous devons faire face. Nos prix reflètent la valeur des pièces et s’inscrivent dans la loi du marché.” Il est incontestable que les investissements du constructeur en direct ou en co-conception avec les équipementiers sont considérables. Il est évoqué 25 000 heures de travail pour élaborer une pièce de carrosserie, 500 000 euros par outillage d’emboutissage ou encore 1 000 outils disponibles, ainsi que 200 000 références en stock. En fait, le problème est vraiment là : quand, “sur 50 000 références de carrosserie, 2 % d’entre elles réalisent 50 % du chiffre d’affaires”, la concurrence peut s’avérer très dangereuse. Copier seulement ces 2 % face à une obligation de stock importante s’avère inégal. Cependant, fermer toutes les portes constitue-t-il la meilleure défense ? Le débat est loin d’être clos. Une chose est sûre, la com’ du constructeur s’avère bien plus cohérente.