Renault, créateur de pubs
...dit qu'une bonne pub n'a jamais permis de vendre un mauvais produit. On dit aussi qu'une pub, pour être bonne, doit marquer les esprits par un message fort, et qu'elle doit vivre dans l'esprit des gens aussi longtemps que possible. Cette notion est particulièrement juste dans l'univers automobile. Objet de passion, de culte, de distinction sociale - ou bien simple outil familial indispensable - la voiture suggère pourtant ce choix cornélien : l'achat du cœur ou de la raison ? Depuis des années, les constructeurs et leurs agences travaillent de concert pour vendre le nouveau "bébé". Depuis des années, les pubs s'en donnent à cœur joie pour les mettre en valeur. Nous avons tous des slogans de pubs accrochés à nos mémoires. Nous n'avons pas forcément les mêmes, les publicitaires veillent à interpeller chacun d'entre nous, selon nos cultures, âges et catégories socioprofessionnelles. Démonstration avec Renault et son agence depuis 43 ans, Publicis. Les créatifs de cette dernière mettent leur imagination au service du constructeur depuis 1963. Ils ont ainsi joué sur certains phénomènes de mode, et fait en sorte que Renault ne soit pas perçue comme une vieille marque. Ils ont, au fil du temps, joué avec la vitesse, le sport et les performances, puis ont intégré nos propres modes de vie dans leurs campagnes, de la petite citadine au véhicule plus familial. Aujourd'hui, de la même manière qu'il y a plusieurs vies dans une vie, il y a plusieurs voitures dans une seule. Elle est modulable, dotée de couleurs vives, de formes plus arrondies… Les publicitaires s'amusent avec les tendances et certaines versions portent même le nom de personnalités du sport ou de la haute couture.
Années d'après guerre... Renault se veut "populaire"
Petit retour en arrière. Juste après guerre, Renault clamait haut et fort "Renault, plus que jamais l'automobile de France". Le constructeur voulait être populaire, dans le sens noble du terme, se départir de son image de vendeur de véhicule de luxe, une image véhiculée jusque dans les années 40. Renault démarre en trombe avec la R4 (R pour Renault et 4 pour cylindres, quatre portes, quatre places) ou 4L (L pour luxe). Les pubs de l'époque accentuent la tendance. "Elle supermarche bien", dit alors le slogan. Les ventes ont suivi, la 4L fut vendue en France à 8,5 millions d'exemplaires. Sa fabrication cessera en 1994. Plus tard, en 1969, la publicité pour la R6 est axée sur le confort et l'espace, et elle présente la voiture comme le modèle à suivre. Les messages fleurissent, "Pourquoi conduit-on mieux au volant d'une Renault 6?", "Demandez à votre dos ce qu'il en pense", "Vos bagages aussi vous conseillent la Renault 6", "Certains disent que nous sommes copiés : ils ont raison". Quant au slogan de la R12, datant de 1970, il résume tout "Trois fois douze font trois voitures : la berline Renault 12, la break Renault 12, la Renault 12 Gordini. La route, le service, le sport".
Années 80 : L'ère des "voitures à vivre"
La campagne de la R5 est lancée en 1972, dans un esprit bande dessinée. Objectif : rajeunir et féminiser la clientèle de Renault. "Bonjour, je suis la Renault Cinq, en ville et sur route, on m'appelle Supercar". Plus de 9 millions d'exemplaires seront vendus. Lorsqu'en 1976, Renault propose la R14, la pub présente une voiture familiale, avec des parents et des enfants ravis, dans une nature accueillante. Le bonheur est dans le pré avant l'heure. Un an plus tard, la R14 est en perdition. Publicis tente alors d'associer l'image du véhicule avec celle d'une poire pour relancer le modèle impopulaire. Humour ne rime pas forcément avec amour, le véhicule n'a pas rencontré le succès. Plus tard, avec l'Espace, Renault cible à la fois la famille aisée et le P-dg en voyage… L'ère de la modularité est arrivée. L'espace intérieur varie en fonction des envies de chacun, on peut bouger, s'isoler, travailler, jouer… "Une voiture à vivre", en quelque sorte, un des slogans fétiches du constructeur. Puis, avec la R25, le constructeur propose de jouer sur la dualité : aventure et tranquillité, le célibataire et la famille. Une chouette surveille les alentours du volcan en ébullition, d'où jaillit alors une voiture. "La Renault 25. Espèce en voie d'apparition". Puis elle est présentée comme une voiture joignant l'utile à l'agréable "Avec l'aérodynamisme apparaît la beauté", "Avec la vitesse apparaît la sérénité", et enfin, avec un moteur silencieux "Chut ! Voici la nouvelle Renault 25". Renault exploite les performances sportives de la marque en F1, pour valoriser son savoir-faire technique sur sa gamme de véhicules utilitaires et de loisirs. Insolente et provocante, la publicité donne du caractère à la Renault 11. La Renault 11 Turbo sera alors présentée comme une voiture de Formule 1. En 1986, deux Renault 9 et 11 stoppent un camion au bord du ravin. La chanson Johnny and Mary de Robert Palmer accompagne le film. En 1988, la Clio "en met plein la vie". Et en 1993, elle semble avoir "tout d'une grande". En Chine, à Moscou et en Italie, elle vole la vedette et le prestige aux grosses voitures. La publicité est reprise pour l'affiche : "Clio, mais que reste-t-il aux grandes ?" Renault propose alors avec la Twingo, une voiture antistress et une révolution dans les formes. Les conducteurs sont invités à "inventer la vie qui va avec". Publicis revient à la publicité dessinée et personnifiée, un style déjà employé pour la Renault 5. Les affiches sont épurées, seule la voiture se détache par sa couleur. Le modèle était original, ses pubs également. "Twingo n'est pas du genre à broyer du noir", "Twingo n'a pas une conception trop carrée de l'existence"… "Twingo est là ! essayez-la. Venez vous faire une autre idée de l'automobile". Et depuis 2000, Renault, devenu "Créateur d'automobiles", veut interpeller le public, "Et si le vrai luxe, c'était l'Espace ?", tout en le rendant anticonformiste, "Grandir, pour quoi faire ?" C'est vrai, après tout, même notre voiture peut-être atteinte par le syndrome Peter Pan…
Marquantes, provocantes ou politiquement correctes, les campagnes de pubs de Renault ont évolué avec la société. A moins que cela ne soit le contraire ?
Muriel Blancheton
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