Qu’en est-il de l’avenir de Fiat ?
...n'ai donc aucun titre pour ajouter quoi que ce soit à ce qui a été dit sur l'homme, dont le courage a été reconnu par tous, avec retard, ces jours derniers. Je voudrais simplement rappeler qu'il a tout tenté pour remettre à flot une entreprise (Fiat) conduite au désastre par un management qu'il n'avait pas choisi, et qui l'avait contraint à se tenir à l'écart pendant une décennie. Il aurait pu continuer à regarder les choses de loin, sa santé personnelle y aurait peut-être gagné quelque chose. Mais on a le sens de la famille ou on ne l'a pas ; il l'avait. Qu'en sera- t-il de Fiat maintenant ?
La famille Agnelli et Fiat, aujourd'hui et demain
Contrairement à ce qui se passe pour les autres entreprises du secteur automobile, il est difficile d'imaginer une Fiat hors de l'orbite de la famille qui l'a créée. Ceci n'est vrai ni pour Ford, quel que soit l'engagement personnel de William Clay, ni pour Peugeot, où la famille fondatrice est abondamment représentée. Fiat se situe ailleurs. Il ne s'agit pas seulement d'un phénomène d'identification immédiate, ni même, simplement, d'une question de capitaux. Il y a un lien plus profond, entre une dynastie princière et son domaine, on voudrait dire sa maison. C'est la famille qui a su donner une âme à l'entreprise ; le management très indépendant et très "ouvert" (sur un gouffre ?) des années 1989-2002 a cru pouvoir s'en passer ; c'est par la famille que Fiat pourra la retrouver. Un risque existe. Les quatre sœurs d'Umberto et Gianni (Susanna, Clara, Maria Sole, Cristiana) pourraient décider, un jour ou l'autre, d'abandonner la partie. Elles pourraient se le permettre, de tous points de vue. Elles auraient même une bonne raison de le faire, puisqu'il est hautement probable que les banques convertiront, à échéance, leurs prêts en actions, ce qui priverait la famille de la majorité relative dont elle dispose aujourd'hui. Je pense que cela ne se produira pas. Susanna Agnelli, la plus connue des quatre, possède un charisme qui ne le cède en rien à celui de son frère aîné ; et on parlait d'elle pour la présidence de Fiat. Il est peu probable qu'elle recule d'un pouce. Il lui faut à présent aider son petit-neveu John Elkann, maintenant vice-président, comme le "zio" (oncle) Umberto l'a fait jusqu'à la fin. Je suis persuadé qu'elle le fera.
Le management de Fiat face au défi
Le choix de Luca Cordero di Montezemolo pour la présidence de Fiat est, en soi, une démonstration supplémentaire de l'intérêt porté par les Agnelli à leur entreprise. Gianni lui aurait dit, en le nommant à la tête de Ferrari : "Fais-nous voir ce que tu sauras faire quand tu seras grand ("da grande " ). "Il l'a fait, et il a su bien le faire, sans jamais s'éloigner de la famille, y compris dans les moments les plus difficiles. Président de fraîche date de Confindustria (le Medef italien), il a déjà trouvé un écho favorable auprès des syndicats ; son prestige en Italie est considérable. Il peut gagner le pari de remettre Fiat sur les rails. Il lui faut pour cela veiller à ce que les nouveaux modèles de la marque, en tout cas ceux dont les projets peuvent encore être modifiés, aient bien l'âme Fiat dont on a parlé plus haut. En dix ans, on a vu trop d'objets "non-Fiat", parfois inclassables (Brava, Marea), parfois germano-tchèques (Stilo), parfois rabâchés après les temps supplémentaires (Punto). Citroën a su retrouver ses racines en innovant ; pourquoi pas Fiat ? On espère aussi que les prochains brevets techniques de Fiat (et il y en aura, compte tenu de la qualité des ingénieurs qui y travaillent) ne seront pas d'emblée vendus à des tiers, comme cela a été le cas pour le "common rail". Enfin, et c'est le plus important, les perdants des équipes précédentes doivent être aidés à changer d'employeur.
Ernest FerrariSur le même sujet
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