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Constructeurs

Qatar : des strass et de la maturité

Publié le 26 février 2013

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
Au Moyen-Orient, le Qatar représente 5,6 % des volumes de ventes automobiles de la région. D’une manière générale, ce marché croît significativement et conduit les marques à s’armer pour livrer bataille. Le service sera l’élément différenciant, c’est en substance le message que les constructeurs ont tenu à véhiculer lors du salon de Doha.
Au Moyen-Orient, le Qatar représente 5,6 % des volumes de ventes automobiles de la région. D’une manière générale, ce marché croît significativement et conduit les marques à s’armer pour livrer bataille. Le service sera l’élément différenciant, c’est en substance le message que les constructeurs ont tenu à véhiculer lors du salon de Doha.

Ils auront été quelque 150 000 à visiter le Qatar Motor Show de Doha du 29 janvier au 2 février derniers. Un bon succès pour cet événement qui organisait sa 3e édition quand on sait que la capitale de cet émirat compte environ un million d’âmes. A l’échelle européenne, 150 000 visiteurs, on classerait cela au rang de grande foire régionale. A Doha, même si les choses ne prennent pas la même ampleur qu’aux salons de Dubaï ou d’Abu Dhabi, c’est une véritable fête. Il régnait d’ailleurs une ferveur populaire autour du palais des expositions. Les Qataris aiment l’automobile, et cela se voit.

Cet engouement se ressent aussi dans les résultats. Le marché est porteur, comme en témoignent les 30,6 % de croissance enregistrés en 2012. Le marché totalise ainsi 81 395 immatriculations, soit 19 049 de plus en une année. Un record. A l’instar de l’essor que connaît l’automobile dans tout le Golfe, peut-on même dire. En effet, le marché des pays du Golfe (Arabie Saoudite, Abu Dhabi, Dubaï, Koweït, Bahreïn, Oman, Qatar) a représenté 1 455 526 unités en 2012, soit une croissance de 20 %, représentant 242 345 immatriculations supplémentaires. Cela peut laisser rêveur.

Le nom Qatar évoque bien des choses, d’autant plus pour les Français qui voient ses fortunes venir investir à tout va dans l’Hexagone. Sur place, les gratte-ciel, tous plus fous les uns que les autres dans leur conception, dessinent les traits d’un monde de démesure. Pourtant, le Qatar Motor Show n’est pas le salon de la supercar à proprement parlé. Certes, les Ferrari, McLaren et autres Lamborghini viennent à la rencontre de leur public, mais les places centrales du hall sont occupées par Toyota-Lexus et Ford-Lincoln. En réalité, il y a deux marchés au Qatar, celui des expatriés et celui des locaux. La première population correspond aux produits généralistes, la seconde se tourne davantage vers le Premium et les 4x4.

Land Cruiser, le roi

Dans le pays, où la commercialisation des marques est majoritairement confiée à des opérateurs privés, Toyota règne en maître, fort d’une part de marché qui avoisine les 40 %, à l’instar de ce que l’on peut observer dans l’ensemble du Moyen-Orient. Son Land Cruiser s’arroge le titre de best-seller toutes catégories confondues, lui assurant au passage une pénétration de 50 % sur le segment des 4x4. En vérité, la bourgeoisie locale est friande d’escapades dans le désert le week-end et booste par conséquent les ventes.

En face, le grand rival mondial qu’est Volkswagen réalise près de 13 000 unités, en croissance de 22 %, soit une part de marché d’environ 16 %. “Ici, nous sommes considérés comme une marque Premium à volume, constate Thomas Milz, directeur de la marque Volkswagen Middle East. Au Qatar et dans tout le Moyen-Orient, nous allons progressivement monter en volume afin de soutenir la croissance globale du groupe.” L’actualité du salon résidait dans la présentation de la Golf 7 GTI Concept. Avec la Passat, il s’agit d’un modèle hautement stratégique pour la marque puisque cette déclinaison sportive ne totalise pas moins de 70 % du mix de la Golf.

Chez Ford, nul ne communique sur des volumes exacts, mais tous se félicitent d’avoir doublé les immatriculations au cours de l’année écoulée. “Ford a progressé de 107 % en 2012 au Qatar, alors que nous avions une production limitée, sous-cadencée, au premier semestre, et que la Victoria, un de nos modèles les plus vendus, s’est arrêtée en cours d’exercice. Nous entamons 2013 sur une bonne dynamique puisque le dernier trimestre a connu une croissance de 42 % par rapport à 2011”, rapporte Thierry Sabbagh, directeur des ventes de Ford Middle East.

Quid des Coréens ? Doucement, ils s’implantent et font valoir leurs arguments sur le marché des généralistes. Kia Qatar, par exemple, qui s’appuie sur 22 distributeurs locaux et présentait sa routière Quoris lors de l’événement, a bouclé une année commerciale 2012 en gain de 18,6 % par rapport à 2011, avec 3 137 unités.

Prise de service

Du côté du Premium, soit 28 % du marché, en hausse de 30 % par rapport à 2011, le sempiternel trio allemand BMW-Mercedes-Audi totalise 58 % des ventes, laissant aux autres marques le soin de se partager le reste du gâteau. En termes de distribution, c’est le groupe Alfardan qui fait figure d’autorité. Détenteur des droits pour BMW-Mini, Ferrari-Maserati et Jaguar-Land Rover, il immatricule 45 % des voitures de haut de gamme. “Notre stratégie repose sur un service de qualité”, explique le directeur de la branche Jaguar-Land Rover du groupe.

En fait, c’est toute la filière automobile qui tend à tirer la qualité de service vers le haut. Christian Klingler, membre du directoire du groupe Volkswagen, responsable des ventes et du marketing, venu à Doha pour discourir sur les stands de Volkswagen et Audi, en a fait l’axe principal de sa communication. “Nous devons améliorer notre service au client”, a-t-il encouragé ses équipes locales. Q-Auto, son nouveau distributeur au Qatar, a donc mis sur pied un plan de développement dans lequel il est notamment question de bâtir un Terminal Audi avec 20 baies de réparation rapide. L’approche est similaire pour Mercedes qui, en plus de ses deux halls d’exposition, a tissé un réseau de 47 centres secondaires. “En 2013, l’accent sera mis sur la logistique produit et le service après-vente, affirme quant à lui Thierry Sabbagh, de Ford. Nos importateurs investissent pour ouvrir des showrooms, des magasins de pièces et des centres d’entretien.”

Comment expliquer ce revirement soudain ? Les ventes, en pleine explosion, devraient focaliser toute l’énergie, pourtant les distributeurs qataris, sous la pression de leurs constructeurs, s’engagent de toute évidence dans la voie de la gestion de la relation client et parlent ouvertement des bases de données qu’ils sont en train de se constituer ou du soin qu’ils veulent apporter aux méthodes de traitement des réclamations. Une sorte de maturité précoce face aux défis à moyen et long termes. Ouverts sur Internet et rompus aux réseaux sociaux, les consommateurs échangent beaucoup sur la Toile et l’effet de “recommandation” tel qu’on le connaît en Europe ne cesse de prendre de l’ampleur. Néanmoins, le modèle français de réseau secondaire (du type agence) aura du mal à être constitué pour répondre aux problématiques de proximité. La faute à un manque de compétence, confient certains.

L’analogie à l’Europe ne s’arrête pas au développement du service. Les constructeurs préparent également une bataille sur les ventes aux entreprises. A l’heure actuelle, ce débouché pèse pour 30 à 40 % dans le mix des immatriculations. Chacune des marques vise donc à se renforcer sur ce créneau. Point question de monter des structures dédiées – pas pour le moment tout du moins –, mais une réelle volonté d’accroître son influence auprès des ministères, des sociétés expatriées et des groupes de BTP, soit les principaux consommateurs de flottes.

Doha ressemble en de nombreux aspects à une mégalopole occidentale au milieu du désert et son marché automobile en prend des accents indéniables. Le salon en lui-même, organisé par GL Event, pourrait être comparé à celui de Lyon. L’ambiance y prend tantôt des allures de show festif, en dépit de quelques absences de marques (Fiat, Honda, Skoda, Cadillac, le trio français…) et de la pauvreté des spectacles ; tantôt des humeurs de concessions géantes où les tarifs s’affichent sur les vitres des voitures et où les plus fortunés font rugir les moteurs. Lamborghini et Bugatti auront eu d’ailleurs grand mal à conserver l’Aventador LP-700 Roadster (300 000 euros HT) et la Veyron sur leur stand… car elles ont été achetées dès le premier jour, avant même l’ouverture au grand public.

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FOCUS - Pur-sang arabe

De toute évidence, la vedette du Qatar Motor Show 2013 restera la Lykan Hypercar, la première supercar venue du Moyen-Orient. Officiellement, elle vient du Liban, pays dont est originaire le constructeur W Motors. En pratique, elle sort de Dubaï, où les investisseurs ont installé les locaux. Plus concrètement, elle est un concentré de savoir-faire pioché en Europe et en Asie. La Lykan est carrossée en Italie, avec le concours de Magna Steyr, et motorisée en Allemagne. En effet, elle embarque un flat-6 bi-turbo d’origine RUF (préparateur de Porsche) qui développe 750 ch. Avec 395 km/h en vitesse de pointe et 2,8 secondes pour abattre le 0 à 100 km/h, la Lykan Hypersport viendra chatouiller les plus performantes de ce monde, dont la Bugatti Veyron. A Doha, elle n’était cependant visible que de l’extérieur, car le tableau de bord holographique est en cours de finalisation au Japon. Suprême touche de luxe, les projecteurs avant peuvent être sertis de pierres précieuses (au choix du client). Prix de ce missile sol-sol produit à 7 exemplaires : 3,4 millions de dollars. Mais W Motors ne prévoit de la commercialiser qu’au Moyen-Orient, donc…
 

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