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Constructeurs

PSA et Toyota : Saveur franco-nippone en République tchèque

Publié le 30 juin 2006

Par Frédéric Richard
13 min de lecture
Kolin. République tchèque. La création de la nouvelle usine codétenue par PSA et Toyota avait suscité bon nombre de spéculations lors des premières esquisses du projet. Les deux grands groupes automobiles choisissaient en effet de monter un joint-venture pour produire une petite citadine… L'origine...
Kolin. République tchèque. La création de la nouvelle usine codétenue par PSA et Toyota avait suscité bon nombre de spéculations lors des premières esquisses du projet. Les deux grands groupes automobiles choisissaient en effet de monter un joint-venture pour produire une petite citadine… L'origine...

...du projet

C'est en 1999 que les premières discussions fusent entre PSA et Toyota. Officieusement, les constructeurs sont en contact permanent et élaborent sans cesse de nouveaux projets, développent de nouvelles idées… Une concurrence intelligente dirons-nous… Après tout, le but est bien le même, à savoir vendre des voitures… Le véritable combat, moins fraternel voit en général le jour plus tard, à la distribution ou à la promotion du nouveau véhicule. Le dieu marketing passe alors par là et dote différemment ses ouailles…
Les deux groupes veulent, à l'époque, enrichir leur gamme d'un nouveau véhicule, une petite citadine. Le problème  principal, c'est que, seuls, ni Toyota, ni Peugeot, ni Citroën ne peuvent engendrer les volumes suffisants pour rentabiliser l'investissement et les coûts de développement d'un nouvel outil de production. D'où l'idée de s'associer et créer une société commune. TPCA (Toyota Peugeot Citroën Automobile) voit ainsi le jour avec un accord signé en janvier 2002. L'entreprise détenue à 50 % par Toyota, et à 50 % par PSA Peugeot-Citroën, aura pour objet de produire les petites Aygo, 107 et C1 au rythme de 300 000 véhicules par an, répartis également entre les trois constructeurs.

Les raisons de l'implantation en République tchèque

Quand on regarde la position de PSA en Europe, on s'aperçoit que la majeure partie des installations se situe en Europe de l'Ouest. Or, aujourd'hui, le marché de l'automobile s'ouvre à l'Est, il est donc apparu logique d'implanter une usine, sinon dans ces régions, au moins en Europe centrale. La dernière ligne droite s'est jouée entre la Pologne et la République Tchèque. La seconde l'a emporté, tout d'abord en raison d'un passé automobile lourd. Elle est le berceau du troisième plus ancien constructeur mondial, à savoir Skoda, qui a démarré en 1905. Le secteur industriel s'est donc bien développé au fil des années, avec des facilités logistiques bien supérieures à celles de la Pologne, plus isolée et excentrée. Autre critère, le prix de la main d'œuvre plus bas qu'en Europe de l'Ouest, ce qui peut s'avérer intéressant pour la construction d'une petite voiture à marge réduite. Par ailleurs, le positionnement géographique de TPCA lui permet une bonne optimisation des flux logistiques, un des postes de dépenses clés pour une usine de ce type. Enfin, concernant la ville de Kolin plus précisément, le coup de pouce est venu de l'Etat Tchèque. Une grosse entreprise avait fait faillite quelques années auparavant, sinistrant la zone. L'Etat a donc considéré qu'il fallait renforcer l'emploi sur Kolin et a donc débloqué des aides pour l'implantation de l'usine TPCA.

Le joint-venture

TPCA, nous l'avons vu, est une société commune où les capitaux de départ viennent des deux groupes automobiles Toyota et PSA Peugeot-Citroën. Mais comment les constructeurs se sont-ils entendus pour la conception, la construction et la mise en production de l'usine située à Kolin ?
Après avoir identifié deux prestations nécessaires, à savoir la conception/ réalisation et les achats, c'est tout naturellement et par intérêt réciproque que le TPS (Toyota Production System), plus adapté à la fabrication d'une petite citadine fut choisi. La réflexion autour de l'organisation physique du site est alors confiée au groupe japonais, qui bénéficie déjà d'une expérience similaire, en France, à Valenciennes, avec son usine dédiée à la fabrication de la Toyota Yaris. Le design général de la future petite voiture produite à Kolin est, là encore, confié à Toyota, les deux autres constructeurs ayant tout de même un rôle de validation, et bien entendu, la possibilité d'apposer pour chacune d'elle la patte stylistique qui caractérise sa marque.
En dehors des considérations stylistiques et industrielles, PSA recouvre tout de même un rôle stratégique. Il s'agit des achats. En effet, le Français doit trouver les fournisseurs, les auditer et organiser leur collaboration avec TPCA, le tout dans un contexte de rentabilité encore plus important que dans une autre usine, car nous parlons là d'un véhicule relativement bon marché, donc à marge réduite, rappelons-le.

Les patrons

TPCA est une entreprise à part entière. A ce titre, elle est dotée d'une structure de management indépendante. Enfin, indépendante sur le papier. Puisque le président est Satoshi Takae, transfuge de Toyota, et que le vice-président, Nicolas Guibert, est, quant à lui, entré au sein du groupe PSA Peugeot-Citroën en 1989. Il commence sa carrière aux méthodes générales, chargé plus spécifiquement du ferrage, c'est-à-dire la soudure de différents éléments constitutifs de la structure de la caisse. En 1998, il profite de la réorganisation de PSA pour partir exercer en Argentine pendant un an et demi, puis au Chili, où il prend alors la responsabilité de l'usine d'assemblage locale du groupe, qui produit à l'époque une trentaine de Peugeot 206, 306, 406 par jour. En 2002, il revient en France, à Mulhouse, pour prendre la direction du site de production de liaisons au sol. En début d'année 2006, il arrive à Kolin, en remplacement de  Jean-Pierre Chantossel, alors que l'usine est en fin de montée en cadence, la production ayant débuté à la fin du mois de février 2005.

L'organisation du travail

Chez TPCA, les salariés ont été recrutés sur place (en République tchèque), ils sont donc employés par la société commune. Néanmoins, d'autres salariés disposent d'un statut un peu particulier au sein de l'usine de Kolin. Les deux groupes automobiles ont en effet mis en place des hommes de confiance à chaque poste clé, en qualité d'observateurs, de coordinateurs. Ainsi, Toyota et PSA disposent, en temps réel, d'un contrôle sur le bon déroulement des opérations toujours dans un souci de réactivité et de bonne marche des opérations. Ces coordinateurs œuvrent en parallèle de l'équipe de management de chaque atelier.
L'usine étant maintenant en phase de consolidation de production, leur rôle consiste à ce que tout le monde travaille en harmonie. Ils veillent par ailleurs à qualifier l'ensemble des process, validant actuellement les procédures de "back up", c'est-à-dire les méthodes de secours utilisées lors d'incidents sur la ligne (un mode dégradé, en quelque sorte). Sur le site, se côtoient donc 25 expatriés japonais venant de Toyota et 10 issus de PSA Peugeot-Citroën. Ils restent sur place pour des missions allant de 3 mois à trois ans.
L'usine fonctionne quant à elle en trois équipes, elles-mêmes en rotation sur deux tournées, de 6h30 à 17h11 et de 18h30 à 5h11, du dimanche soir au samedi après midi. Entre chaque tournée, 1h20 d'arrêt des lignes permettent la maintenance ou la récupération de retard de production. Avec ce système, l'usine est donc en production 290 jours par an, à raison de 1 046 véhicules par jour.
Aujourd'hui, Kolin est une usine jeune. La moyenne d'âge y est donc jeune. En effet, le bassin d'emploi alentour n'étant pas tellement étendu, il a fallu trouver des employés plus loin. Or, on sait que les jeunes sont les plus mobiles… Néanmoins, le problème majeur consiste désormais à garder ces employés au sein de l'usine, pour éviter un turn-over trop important et stabiliser l'outil de production. C'est l'un des chantiers sociaux les plus importants actuellement.


 Frédéric Richard





FOCUS

L'emboutissage

Soyons clairs. L'usine de Kolin est un site de fabrication de type Toyota. Tous les process sont calqués sur le site TMMF de Valenciennes que nous avions visité pour notre numéro spécial Toyota. Le process de fabrication des petites Aygo, 107 et C1 débute donc, conventionnellement, par l'emboutissage. Après découpe des rouleaux métalliques. Deux énormes presses façonnent les différents éléments constitutifs de la caisse, capots ailes, portières… A la sortie de ces équipements colossaux, des opérateurs vérifient soigneusement l'état des pièces, puis les stockent, selon qu'elles sont destinées à Peugeot, Citroën ou Toyota.

Le ferrage

Il n'y a que très peu de stock entre l'emboutissage et le ferrage (soudure des éléments entre eux). En cas de problème au premier atelier, l'atelier soudage épuise rapidement ce "tampon", avec pour possible conséquence l'arrêt pur et simple de cet atelier. Hérésie diront certains. Pourtant, c'est tout à fait volontaire. Le TPS (Toyota Production System) est basé sur la résolution au plus vite des problèmes. Inutile de continuer à produire, s'il faut corriger par la suite l'ensemble des pièces… Ici, on préfère corriger le problème à la source, même si cela doit coûter quelques minutes ou heures d'arrêt. Pour revenir à cet atelier en particulier, 152 robots, mais aussi beaucoup d'hommes, assemblent les différents éléments sortis des presses d'emboutissage par des points de soudure. La structure de la caisse prend forme… Une fois assemblée, elle passe de nouveau dans une drôle de machine, ultra sophistiquée, dont le rôle consiste à contrôler la géométrie d'ensemble de la future voiture, pour s'assurer du bon alignement de tous les éléments. Et maintenant, un petit coup de peinture à tout ça !

La logistique

L'usine est un peu isolée dans la campagne tchèque… Elle a été construite sur place alors que les équipementiers étaient déjà implantés ailleurs dans le pays. D'habitude, c'est plutôt l'inverse qui se produit, le constructeur faisant office de locomotive. Néanmoins, si les fabricants ne se trouvent pas à proximité immédiate de la manufacture, 90 % du volume de pièces vient de moins de 250 km de TPCA. L'usine passe ainsi régulièrement commande, en anticipant sa production. Les remorques des camions sont ensuite stockées sur un parc, à l'extérieur de l'usine. C'est un peu le "parc fournisseurs", comme s'il s'agissait des magasins d'équipementiers. Les spécialistes de la logistique de TPCA y puisent ponctuellement, au fur et à mesure des besoins. La préparation des pièces intervient à ce moment-là, dans un immense entrepôt. Les employés sont chargés de préparer les pièces nécessaires au montage de 30 voitures. Pour schématiser, ils ponctionnent 30 rétroviseurs dans le camion venant de tel fournisseur, puis 30 garnitures de portes arrivées de tel autre équipementier… Jusqu'à constituer un "pack" de pièces, destiné à une ligne de montage. Il faut ensuite identifier précisément ces pièces, et les répartir selon les différents postes tout au long des lignes. Une opération réalisée au moyen de grands racks, dans lesquels les ouvriers placent les pièces, triées par poste de travail dans des caisses plastiques. Des caisses qui seront utilisées par les "pickers", derniers maillons logistiques, qui les amènent auprès des monteurs finaux, au bon endroit de la ligne de montage.

Le montage

C'est ici que vont prendre place tous les composants externes à la structure métallique de la voiture. Dans un atelier organisé en trois secteurs, on opère de la façon suivante : La première ligne, appelée "Trim" se charge notamment de monter, comme son nom l'indique, les garnitures intérieures sur la caisse nue, arrivant de la peinture. Faisceau électrique, ciel de pavillon, tableau de bord… C'est également ici que l'on positionne les protections anti-rayures tout autour de la future voiture. En bout de la ligne Trim, la voiture fait demi tour, et remonte une seconde ligne, nommée "Châssis". Là, elle s'enrichira des trains avant, arrière, bref, des liaisons au sol. C'est aussi maintenant que le moteur arrive sur la voiture, par le dessous. Toutes ces phases sont précisément décrites par des codes contenus sur la "feuille de capot", un document papier qui suit le véhicule tout au long de son cheminement dans l'atelier, et qui reprend précisément les opérations que chaque monteur doit effectuer. La finalisation du montage intervient ensuite sur deux nouvelles lignes consécutives, appelées Final 1 et Final 2, deux parcours durant lesquels seront adjoints pare-brise, roues, sièges et autres détails de finition.

Le contrôle qualité

Tout au long du process de fabrication, dans chaque atelier, à divers endroits des lignes, le service de la qualité a mis en place des "Quality Gates", littéralement "portes qualité". Il s'agit de postes intégrés aux lignes, mais qui ne sont pas directement liés à la fabrication proprement dite. Ils sont occupés par des opérateurs qualité, qui vérifient des points déterminés précisément, afin d'éviter le plus souvent possible des dérives de qualité, sans devoir remonter systématiquement en début de ligne pour débusquer le problème. Par ailleurs, à l'issue des opérations de montage, une fois le véhicule terminé, une procédure complète de test vient valider définitivement la voiture, avant la livraison au client, Peugeot, Citroën ou Toyota. Des opérateurs passent en revue toutes les fonctionnalités des petites citadines, ainsi que la qualité de la peinture, le bon affleurement des éléments de carrosserie… A la fin de cette étude minutieuse, la voiture est récupérée par un second atelier, pour subir des tests de performances. Ici, le moteur démarre pour la première fois. Cet instant, magique, est suivi d'essais de freinage, puis du réglage de la géométrie. Le processus de contrôle qualité s'achève par une jolie douche, censée simuler une grosse averse, et destinée à valider l'étanchéité de tous les ouvrants. Evidemment, tout au long du cheminement de la voiture à travers le service de la qualité, un véhicule sur lequel est identifié un défaut est écarté de la ligne, puis dirigé vers le service de retouche, qui se charge de le remettre en conformité avec les standards de qualité attendus. Il vous a fallu 20 minutes pour lire cet article ? 2 minutes seulement séparent la sortie de 2 véhicules bons pour le service chez TPCA… Tout au long du process de fabrication, dans chaque atelier, à divers endroits des lignes, le service de la qualité a mis en place des "Quality Gates", littéralement "portes qualité". Il s'agit de postes intégrés aux lignes, mais qui ne sont pas directement liés à la fabrication proprement dite. Ils sont occupés par des opérateurs qualité, qui vérifient des points déterminés précisément, afin d'éviter le plus souvent possible des dérives de qualité, sans devoir remonter systématiquement en début de ligne pour débusquer le problème. Par ailleurs, à l'issue des opérations de montage, une fois le véhicule terminé, une procédure complète de test vient valider définitivement la voiture, avant la livraison au client, Peugeot, Citroën ou Toyota. Des opérateurs passent en revue toutes les fonctionnalités des petites citadines, ainsi que la qualité de la peinture, le bon affleurement des éléments de carrosserie… A la fin de cette étude minutieuse, la voiture est récupérée par un second atelier, pour subir des tests de performances. Ici, le moteur démarre pour la première fois. Cet instant, magique, est suivi d'essais de freinage, puis du réglage de la géométrie. Le processus de contrôle qualité s'achève par une jolie douche, censée simuler une grosse averse, et destinée à valider l'étanchéité de tous les ouvrants. Evidemment, tout au long du cheminement de la voiture à travers le service de la qualité, un véhicule sur lequel est identifié un défaut est écarté de la ligne, puis dirigé vers le service de retouche, qui se charge de le remettre en conformité avec les standards de qualité attendus. Il vous a fallu 20 minutes pour lire cet article ? 2 minutes seulement séparent la sortie de 2 véhicules bons pour le service chez TPCA…

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