Pierre Beuzit, ex-directeur de la recherche de Renault, et actuel président d’Alphea hydrogène (pôle de compétitivité)
...le respect. Et l'éminent ingénieur ne jure aujourd'hui que par l'hydrogène. A l'occasion de la sortie de son livre "Hydrogène, l'avenir de la voiture", il a accepté de lever le voile sur les technologies inhérentes à cet élément si méconnu, qui souffre de nombreuses idées reçues, et dont le développement est évidemment conditionné par des choix politiques.
CURRICULUM VITAEDiplômé de l'école centrale de Lyon. Titulaire d'un DEA Physique et d'un Doctorat Es Sciences Physiques. En 1971, il entre chez Renault comme ingénieur stagiaire. Il occupera par la suite plusieurs postes à la direction des études véhicules, pour finir responsable des études préparatoires. En 1990, il devient directeur des avant-projets, puis directeur de la recherche du groupe Renault en 1998. Il termine sa carrière comme directeur chargé de la Stratégie Energies du groupe Renault, entre 2005 et 2006. Aujourd'hui, Pierre Beuzit est président d'Alphea Hydrogène (Pôle de compétences sur l'hydrogène) et président du Centre National de Recherche Technologique sur l'hydrogène et la pile à combustible. |
Journal de l'Automobile. Avant de parler d'une énergie alternative, il est nécessaire d'en définir le besoin. La pénurie de pétrole est-elle le seul facteur nous obligeant à revoir nos copies en matière d'énergie ?
Pierre Beuzit. Il se dit beaucoup de choses sur le pétrole et les réserves. Il faut bien distinguer les réserves connues et les réserves officielles. On annonce des quantités raisonnables pour rester sur le marché, sans toutefois les surestimer, pour éviter de faire chuter les prix. Voilà pour le plan économique. Sur le plan technique, BP a publié un tableau des ressources assez exhaustif, et qui n'est d'ailleurs contesté par aucun acteur.
Depuis le début de l'ère pétrolière, vers la fin du XIXe siècle, le monde a consommé 1 000 milliards de barils. Bien sûr, ce n'est pas médiatisé, mais il est admis que les réserves identifiées aujourd'hui correspondent à environ 4 500 milliards de barils, plus ou moins difficile à exploiter, soit environ 150 ans d'exploitation, au minimum. Donc, même s'il existe un problème de coûts, la pénurie n'est pas la raison première pour développer des énergies alternatives au pétrole.
Le vrai problème aujourd'hui des états, c'est la dépendance énergétique. Les Etats-Unis, par exemple, ont toujours été autonomes et ne tolèrent pas d'être dépendants. Or, ils importent actuellement 10 millions de barils par jour, soit l'exacte consommation de ce que consomment leurs transports. D'où leur envie de changer d'énergie, surtout qu'ils prévoient l'augmentation de leur consommation pour les transports. Le second facteur qui force le monde à chercher une alternative au pétrole, c'est, bien sûr, l'environnement et sa sauvegarde.
Au plan économique, enfin, aujourd'hui, les capacités de production et de raffinage sont exploitées presque à 100 %. Donc, dès le moindre cyclone ou la moindre guerre, la crise est immédiate. Donc les états ont tendance à stocker, et le stock coûte très cher.
ZOOMBMW Le constructeur allemand semble privilégier le moteur à combustion interne, alimenté par de l'hydrogène liquide, tout en lui laissant la possibilité d'utiliser du carburant sans plomb standard. L'illustration a été présentée récemment, avec la 750i V12. Malheureusement, l'engin affiche un rendement calamiteux. En effet, le moteur développe royalement 260 ch, là où la version essence propose 445 ch… Par ailleurs, BMW est très impliqué dans le développement du réseau de distribution d'hydrogène. Il exploite d'ailleurs une station-service à l'aéroport de Munich, et une autre, à Berlin. |
JA. Alors, sur quoi parier ? Faut-il investir pour pérenniser les ressources en pétrole, ou bien développer massivement les énergies alternatives, et lesquelles ?
PB. Nous sommes aujourd'hui en phase de transition. La Chine a de plus en plus besoin de pétrole, elle pompe donc, ici et là, ce dont elle a besoin, partout où c'est possible, notamment en Afrique et dans les régimes un peu, disons "particuliers", où les occidentaux ne peuvent pas s'approvisionner, souvent pour des raisons politiques… D'un autre côté, les indiens ont aussi de gros besoins, dans le cadre de leur développement exponentiel.
Ces pays émergents vont donc rapidement être amenés à faire des choix clairs, et surtout un peu plus sûrs. Ce sont ces choix qui vont conditionner les volontés politiques américaines et européennes. En stand-by, ces puissances occidentales testent un peu toutes les technologies sans vraiment prendre position, ne sachant pas où les pays émergents vont investir, entre le nucléaire, le charbon, l'hydrogène… Car la demande en énergie va bien au-delà des seuls besoins dans les transports !
ZOOMFiat Fiat possède une version hydrogène de la Panda, alimentée par une pile à combustible de 60 kW. L'hydrogène est stocké dans un réservoir de moins de 1,6 kg, capable de contenir 68 litres de gaz, pour une autonomie de 220 km. Si l'on devait la commercialiser en l'état, l'auto coûterait la bagatelle de 600 000 e. Notons au passage que la Panda Hydrogène a gagné l'une des éditions du rallye de Monte Carlo, dans sa catégorie. |
JA. Pourquoi n'y aurait-il, selon vous, qu'une énergie alternative dans les transports du futur ?
PB. L'hydrogène est la seule alternative massive au pétrole pour les transports. Aujourd'hui, c'est vrai qu'une myriade de technologies se côtoie, l'électrique, l'hybride, les biocarburants… Mais cela pose d'énormes problèmes de cohérence par rapport aux fondements même du modèle économique de l'industrie automobile. Sur une ligne de montage, on ne peut pas imaginer une voiture électrique, une aux biocarburants, une à l'hydrogène… Rien que le fait d'avoir aujourd'hui de l'essence et du Diesel en même temps sur une ligne, ça coûte très cher. Et, en amont de la fabrication, ça double aussi les investissements moteur. Les constructeurs le font parce que l'Europe le demande, mais la diversification n'est pas dans les gènes de l'industrie automobile. Tous les acteurs s'emploient à le faire le moins possible, et favorisent la standardisation. Donc, même s'il subsiste encore une palette de possibilités aujourd'hui, l'industrie auto ne peut pas, durablement, laisser se côtoyer toutes ces technologies.
ZOOMToyota Tout le monde connaît l'attachement de Toyota pour l'hybridation (500 000 exemplaires vendus dans le monde). Pourtant, le Japonais s'intéresse également très attentivement aux technologies liées à l'hydrogène. Le premier prototype date de 1992, et combinait alors l'hydrogène à la technologie hybride. En 1997, le système évolue et s'enrichit d'un reformeur au méthanol, pour fabriquer l'hydrogène à bord. En octobre 2003, Toyota a présenté la Fine-N, qui dispose de 4 roues motrices électriques et revendique une autonomie de 500 km. Puis en 2004, MTRC fait son apparition. Il s'agit d'une voiture de course à pile à combustible. |
JA. Que pensez-vous de ces technologies dites alternatives, et pourquoi n'y croyez-vous pas ?
PB. Commençons par l'hybridation. Cette technologie base son succès sur une idée fausse, consistant à dire que cela consomme et pollue moins. Si l'on fait un parallèle avec un Diesel moderne, on obtient les mêmes résultats qu'avec une Toyota Prius par exemple. PSA a fait le test de remplacer le système hybride de la Prius par un moteur Diesel, et la consommation s'est révélée équivalente. Les performances réalisées par la Prius sont également dues au véhicule lui-même, développé et optimisé pour cette technologie. Mais au-delà de cela, le principal problème de l'hybridation, c'est le coût que représente cette chaîne de traction, environ deux fois supérieur au prix d'un moteur conventionnel. Aujourd'hui, l'hybride ne se vend que grâce aux incentives des pouvoirs publics et de Toyota. Quant à l'idée de faire de l'hybridation Diesel, à la manière de PSA, réfléchissons… L'intérêt de l'hybridation, c'est de limiter l'utilisation du moteur thermique dans les phases où son rendement est moindre, c'est-à-dire là où il consomme et pollue le plus. Or, le Diesel a déjà un bon rendement dans toutes ses phases ! Par là même, les gains potentiels sont moindres (- de 10 % par rapport à un Diesel normal). Négligeable en regard du coût engendré par le développement d'une chaîne de traction spécifique. Associer le moteur le plus cher du monde (le Diesel common rail) à une chaîne hybride hors de prix est un non-sens à la fois technique et économique ! Le Diesel hybride est, pour moi, plutôt un effet d'annonce, politiquement correct.
Maintenant, pour les véhicules électriques, le problème est tout autre. Il réside bien évidemment dans la batterie. Car, malgré les immenses progrès réalisés en lithium ion, en métal polymère… aujourd'hui, les meilleures batteries sortent 120 Wh au kilo et les meilleures prévisions en terme de performances restent très limitées, à environ 300 Wh/kg. Rappelons qu'un kg d'essence développe environ 12 000 Wh… cqfd.
Le coût des batteries reste également prohibitif. Enfin, le plus gros problème, dont les industriels ne voient aujourd'hui pas d'issue, réside dans la fiabilité des produits. On ne sait pas faire des batteries qui tiennent longtemps, avec des cycles de charge-décharge nombreux, profonds…
Les biocarburants répondent à une autre analyse. Il faut déjà distinguer la première génération de la seconde. La première génération, celle d'aujourd'hui, c'est une hérésie, à plus d'un titre. Déjà, ça fait grimper inutilement le prix des produits agricoles. De plus, les ressources sont très limitées. Enfin, le coût de production est prohibitif. Pour une économie de CO2 somme toute faible, surtout avec l'éthanol, obtenu avec de la betterave.
Au Brésil, c'est différent. l'éthanol leur revient moins cher que le pétrole. Et leur production d'éthanol est liée au cours du sucre. Quand il est cher, il y a moins de production d'éthanol, et quand il chute, on produit de l'éthanol, issu de la canne à sucre. En plus, ils puisent également dans la canne à sucre l'énergie nécessaire pour produire l'éthanol. C'est donc un circuit fermé, donc le bilan CO2 est bien supérieur au nôtre (80 %, contre 20 % chez nous).
Les seules pistes intéressantes, aujourd'hui, résident dans les biocarburants de deuxième génération. Pour les obtenir, on utilise le procédé Fischer-Tropsch, découvert dans les années 20. Il s'agit de produire des gaz de synthèse (H2 et de CO), à partir de n'importe quoi, du charbon, de la biomasse… que l'on convertit ensuite en carburant liquide synthétique.
Et là, cela devient intéressant à plus d'un titre. Tout d'abord, dans le cas de la biomasse, on utilise n'importe quelle plante et on utilise l'intégralité de cette plante, ses résidus… Le potentiel européen de substitution au pétrole est alors d'environ 30 à 35 %, donc pas négligeable. Et on utilise aussi les déchets agricoles, le bois, les déchets animaux. Shell est bien avancé sur la question et dispose d'installations fonctionnelles en Indonésie notamment. Autre très gros intérêt, c'est que l'on fabrique alors du carburant de synthèse, donc on peut l'adapter et le préciser, l'optimiser pour un moteur. Pourquoi faire précisément de l'essence ou du gasoil quand on peut faire beaucoup mieux ? C'est-à-dire un carburant qui brûle complètement et, bien sûr, qui ne pollue pas !
Mais ces carburants ne sont encore pas opérationnels au niveau industriel, que ce soit en terme de rendements, de coûts… Et enfin, le véritable frein à l'utilisation de la biomasse pour fabriquer des carburants, c'est que l'on aura sans doute mieux à faire que des carburants avec ces technologies. Car, qui dit substitution au pétrole ne dit pas seulement remplacement d'énergie pour les transports. Le pétrole sert à tout ! Plastiques, textiles, produits pharmaceutiques…, qui peuvent aussi être fabriqués à partir de la biomasse.
ZOOMFord Le second constructeur américain ne s'est pas lancé seul dans l'aventure de l'hydrogène. Ford a en effet préféré, en 1990, s'associer avec sa filiale Mazda, Chrysler, le fabricant de batterie Ballard et Shell. En 99, le premier proto utilise une base Mondeo, et stocke l'hydrogène à l'état gazeux. A l'époque, Ford espère produire un véhicule de série… en 2004 ! Plus récemment, un C-Max hydrogène a vu le jour, mais il fonctionne sur la base d'un moteur à combustion interne. Enfin, le constructeur a présenté un hybride rechargeable baptisé Edge Hy Series. Alors la page hydrogène est-elle définitivement tournée ? |
JA. En quoi l'hydrogène est-il, pour vous, la seule alternative crédible ?
PB. Simplement parce que la voiture de demain est électrique, c'est un processus déjà entamé. L'ensemble des fonctions mécaniques se transforme peu à peu en fonctions électriques, chez tous les constructeurs. Et cela pour des raisons de simplicité, de fiabilité et de capacités de pilotage par l'électronique. Il faut dire aussi que les rendements électriques sont bien supérieurs à l'hydraulique et à la mécanique. Et cette mutation s'est déjà opérée en aéronautique, pour les commandes, l'air conditionné… Donc, s'il est acquis que les besoins en électricité augmentent, la seule solution consiste à produire sa propre électricité à bord, puisqu'on ne sait pas la stocker de manière cohérente. Et pour avoir une production suffisante, il n'y a que l'hydrogène et la pile à combustible. Concernant la propulsion, l'électricité est aussi une évolution logique de l'automobile. En effet, un système complet de pile à combustible présente l'avantage de se placer n'importe où dans la voiture. Comme les moteurs électriques se trouvent dans les roues, les transmissions disparaissent ! Quant à la pile elle-même, développant 80 kW (c'est la moyenne), imaginez vous la taille d'une valise, et juste des tuyaux d'eau et des fils électrique. La vraie question, c'est quand le verra-t-on ?
ZOOMGM GM fut le premier constructeur à présenter un véhicule propulsé par une pile à combustible. Il s'agissait alors d'une petite camionnette, en 1968. Mais c'est en 1997 que GM choisit le Mondial de Paris pour présenter la première version de son Zafira Hydrogen, fonctionnant avec un reformeur au méthanol. La génération suivante verra l'apparition d'une pile de 80 kW, alimentée directement par de l'hydrogène liquide. En 2003, HydroGen3 parcourt près de 10 000 kilomètres en Europe. Le véhicule existe en deux versions. Une avec hydrogène gazeux à 700 bars, pour une autonomie de 270 km, et l'autre utilisant de l'hydrogène liquide, avec une autonomie de 400 km. Enfin, plus récemment, le Chevrolet Sequel, véritable vitrine technologique, s'offre une pile à combustible de quatrième génération, des moteurs électriques dans les roues, des batteries lithium-ion, des commandes by-wire… A noter que GM a passé un accord avec BMW pour mettre au point des systèmes de distribution et de stockage de l'hydrogène liquide. |
JA. Comment produit-on de l'hydrogène à grande échelle ?
PB. L'hydrogène se produit à partir de n'importe quoi, il y a que l'air que n'en contient pas. Le produit de base le plus courant pour en fabriquer, c'est l'eau, mais ça peut être la biomasse, et même le pétrole. Mais il faut de l'énergie pour extraire ou fabriquer l'hydrogène. Et il faut, de surcroît, rejeter le moins de CO2 possible dans la production. Le plus simple semble consister à utiliser le nucléaire. En France, nous disposons de 59 centrales, qui ne travaillent quasiment pas la nuit, et que l'on pourrait donc utiliser pour faire de l'H2 par électrolyse. Cela ne coûterait pas cher, car on ne fait alors qu'utiliser du courant électrique qui est gaspillé d'habitude. En fait, l'hydrogène est bien le meilleur moyen de stocker l'électricité, en quelque sorte.
ZOOMHonda Malgré une grosse implication sur les technologies hybrides, Honda a commencé à travailler sur la PAC en 1989, et a présenté, en 2006, la FCX Concept, coupé sport utilisant une PAC de 100 kW, associée à une batterie lithium-on et trois moteurs électriques, un à l'avant, et un dans chaque roue arrière. L'hydrogène est ici stocké à l'état gazeux, et le système parvient à un rendement de 60 %, soit trois fois celui d'un moteur à combustion interne et deux fois celui d'un hybride… Une déclinaison du véhicule en série limitée est prévue pour 2008, en attendant une production de masse pour 2018… Rappelons que Honda produit également des piles à combustible à usage stationnaire, sous le nom de Home Energy Station. Le système produit de l'électricité et de l'eau chaude à partir de gaz naturel. |
JA. D'accord, mais comment stocke-t-on alors l'hydrogène ?
PB. Sous forme gazeuse, il faut une très haute pression (700 bars) pour obtenir des encombrements raisonnables (1 litre d'hydrogène à pression atmosphérique occupe 12 000 m3). Sous forme liquide, le stockage est possible, mais il faut amener l'hydrogène à - 253°C, donc ce n'est pas évident non plus. Sans compter l'énergie perdue dans l'opération de refroidissement (environ 35 %).
La troisième solution, la plus prometteuse, consiste à stocker l'H2 sous forme solide. Ce procédé, encore expérimental, consiste à injecter l'hydrogène sous pression, dans un métal spécifique qui le capturera, puis le libérera ultérieurement, sous forme gazeuse, en chauffant.
Sachant qu'il faut 1 kg d'hydrogène pour faire environ 100 km dans une automobile, on pourrait stocker 5 à 6 kg d'H2 dans l'encombrement d'une boîte à chaussures. Ce serait donc plus petit qu'un réservoir auto, pour une autonomie équivalente.
La seconde voie du stockage solide, est la solution du borohydrure du sodium. Le prototype H2O de Peugeot était basé sur ce principe. Il s'agit d'un composé chimique, un petit bloc, qui contient de l'hydrogène, et, quand on le mélange avec de l'eau, il dégage de l'hydrogène. Nokia prépare d'ailleurs un téléphone à pile à combustible, sur ce principe.
ZOOMMazda Le constructeur nippon a choisi d'explorer deux voies. D'une part, la piste de la PAC, testée sur la Premacy et la Demio, et, d'autre part l'utilisation de l'hydrogène comme carburant dans son fameux moteur rotatif avec la RX-8. Le véhicule est déjà disponible en LLD au Japon, pour presque 3 000 euros mensuels. |
JA. Alors, quelles sont les limites du développement de l'hydrogène ?
PB. Bien entendu, le principal problème est le réseau de distribution… L'hydrogène à la pompe, soyons lucides, ce n'est pas pour demain. Il faudra attendre de véritables décisions politiques fortes, traduisant elles-mêmes des choix technologiques que personne n'a encore officiellement pris… Sur le plan technologique, même si les travaux avancent, nous rencontrons encore quelques problèmes de jeunesse, notamment sur la pile elle-même… Ainsi, les ions hydrogène sont très acides, ils rongent tout, donc problème de fiabilité et d'usure. Nous travaillons également sur les coûts, aujourd'hui environ trois fois supérieurs à ceux d'un moteur à combustion interne. Enfin, l'ensemble de l'industrie du moteur à combustion interne voit l'hydrogène et la pile à combustible d'un mauvais œil. Cela remet en effet en cause l'ensemble de leur activité. Aux Etats-Unis, on pense également que les mentalités au sens large, seront le frein le plus important au développement de l'hydrogène.
ZOOMMercedes Mercedes est sans doute le constructeur le plus impliqué dans le développement des énergies alternatives, et plus particulièrement de l'hydrogène. L'aventure a débuté en 1994, avec la série des Necar-1, 2, 3, et 4. Même les utilitaires du groupe auront droit à leur version proto à hydrogène ! La dernière version, née en 2003, est une classe A baptisée F-Cell, dotée dune PAC de 72 kW, alimentée par un réservoir d'hydrogène gazeux à 350 bars. La consommation de ce modèle équivaut à 3 litres de gasoil aux 100 km ! La firme allemande a également présenté en 2005 HYgenius, un véhicule utilisant une PAC de 85 kW, mais cette fois avec de l'hydrogène à 700 bars, ce qui porte l'autonomie à près de 400 km. Un exploit. Enfin, notons que Mercedes annonce une Classe B F-Cell pour 2010… |
JA. Comment faire sauter tous ces verrous ?
PB. En tout premier lieu, pour rouler à l'hydrogène avant que le réseau de distribution soit mature, il existe la solution du reformage, avec des solutions industrialisables dans les cinq ans à venir. Cette technologie consiste à produire son propre hydrogène à bord, en utilisant du carburant fossile, n'importe lequel. Le gros intérêt, c'est que l'on consomme deux fois moins, car le rendement de la pile à combustible est très supérieur à celui d'un moteur à combustion. On réduit donc d'autant les émissions de CO2. Quand je travaillais chez Renault, nous avons monté le système sur un Scenic prototype, c'est-à-dire un moteur électrique alimenté en courant par un reformeur, lui-même fonctionnant avec le carburant standard contenu dans le réservoir. Nous faisions 1 500 km avec un plein !
Enfin, en ce qui concerne les mentalités, je pense qu'il faut que la technologie démarre sur d'autres secteurs que l'automobile. Des secteurs moins capitalistiques, moins impactés, comme la production d'électricité, le remplacement des batteries sur les chariots élévateurs, le chauffage… La pile à combustible en mode stationnaire est plus facile à travailler, c'est intéressant sur le plan économique et ça donne une image écologique, donc les industriels devraient se laisser convaincre à court terme.
ZOOMNissan En 1997, Nissan étudiait le reformage du méthanol, mais, sous l'impulsion de Renault, le japonais se lancera dans l'alimentation directe par hydrogène. Le résultat prend alors la forme du X-Terra SUV, qui effectuera de nombreux tests. Puis Nissan vole de ses propres ailes et travaille sur le X-Trail FCV, qui verra se succéder plusieurs versions… En 2005, la première PAC "maison" voit le jour, tout comme le réservoir innovant, capable de stocker l'hydrogène à 700 bars. Ainsi, le nouvel X-Trail FCV annonce une autonomie de 500 km, tout en revendiquant une vitesse maxi de 500 km/h. |
JA. Pouvez-vous nous donner votre vision du calendrier de l'hydrogène à compter d'aujourd'hui ?
PB. La suppression du pétrole n'arrivera pas d'un coup. Nous parlons là de l'horizon 2050. Car, si certaines mutations technologiques sont très rapides (common rail, téléphone portable), on observe qu'elles prennent en général entre 20 et 30 ans. Mais je crois aux facteurs d'accélération. Le développement, je le répète, est lié à l'appréhension de cette technologie par la Chine et l'Inde. S'ils s'y mettent, ça précipitera les choses. Car ces pays émergents représentent les plus grosses demandes en énergie dans l'avenir. Leur décision conditionnera la volonté des occidentaux de se lancer corps et âme. Je vois une vraie explosion vers 2020.
Je pense que, quand la pile à combustible va apparaître, l'accélération sera phénoménale, malgré les investissements. A ce sujet, les États-Unis ont évalué que la mise en place de l'hydrogène coûterait le prix de la conquête spatiale de la lune, soit une centaine de milliards de dollars. Ce qui est peu de chose, au regard du déploiement des technologies et du réseau de téléphonie mobile par exemple, qui est revenu à 300 milliards de dollars au monde, depuis 15 ans !
ZOOMLada La marque travaille bien sûr l'hydrogène ! L'Antel-2 a été dévoilée en 2003, sur la base d'un break 111. Le véhicule utilise une PAC de 90 kW et revendique une autonomie de 350 km, pour une vitesse maxi de 100 km/h. Lada envisage même de lancer une offre en 2010, avec, cependant, des performances revues à la hausse. |
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