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Constructeurs

Petite fugue avec Rémi Depoix

Publié le 16 février 2011

Par Alexandre Guillet
9 min de lecture
Rémi Depoix, président-fondateur du Festival Automobile International - Rémi Depoix est à la tête de Céréalis, la deuxième entreprise française exportatrice de blé vers l’Afrique, mais nous n’en parlerons pas. En voiture ! On s’échappe vers l’élégance automobile, en deux temps trois mouvements, on s’évade ! Le temps d’une petite fugue, d’un portrait-partition allegretto e cantabile !

Si c’était les premiers souvenirs automobiles…

“J’habitais à Saint-Cloud et à côté de la maison familiale se trouvait un garage Maserati et j’étais très attiré par les modèles de cette marque. J’ai baigné tôt dans une ambiance très italienne et j’ai eu la chance de monter très jeune dans de très belles voitures, avec mon père notamment. Par la suite, la passion ne m’a jamais quitté et je me suis aussi très vite intéressé au sport automobile. Avec Michel Hommell, nous avons ainsi créé les 24 Heures de Chamonix et c’est d’ailleurs ainsi qu’est né le Festival tel que nous le connaissons aujourd’hui”.

“Ma première voiture miniature, c’était une Mercedes 300 SL papillon et je rêve toujours d’en avoir une un jour ! La Type E bien sûr aussi ! Je suis né en 1956 et j’ai donc eu une chance incroyable car les voitures des années 50 et 60 étaient fabuleuses ! Sans nostalgie aucune, on peut dire que c’était une période dorée. Non seulement les voitures étaient souvent innovantes et très belles, mais on les voyait vraiment rouler dans les rues”.

“Ma première voiture, ce fut une Fiat 500 et ensuite je me suis laissé séduire par une Austin. Plus tard, j’ai pu m’offrir des voitures d’un autre registre, comme BMW, Mercedes, Jaguar… Je n’ai pas de collection particulière, mais il y a un modèle que je garde et avec lequel je roule de temps à autre, c’est la BMW Z8. Avec sa ligne intemporelle et ses performances, je pense que c’est un modèle qui fera date et qui deviendra un vrai collector”.

“Cette sensibilité artistique vient en fait de mon éducation. Très tôt, mon père, qui fut le patron de Christian Dior pendant 25 ans, m’a initié à la création au sens large. Avec un sens du raffinement prononcé”.

Si c’était des rencontres…

“La compétition m’a toujours plu, mais au fil de mes rencontres, de l’élargissement du jury, les rapports entre art et automobile sont aussi devenus mon violon d’Ingres. Le design, l’esthétique, la beauté, quel que soit le mot ou la notion, voilà ce qui m’importe. On est dans la sphère à la fois collective et intime de l’émotion automobile. Cette émotion, on la retrouve d’ailleurs fortement dans la compétition automobile”.

“La compétition m’a fait rencontrer beaucoup de monde, notamment des champions automobiles. J’ai toujours eu une réelle admiration pour les pilotes, de rallye ou de circuit. Ce sont des hommes, et parfois des femmes !, qui font valoir des qualités diverses, pointues et rares : l’audace, la mise au point, le courage, etc. Je crois qu’il est bon d’insister sur ce point par les temps qui courent car on a tendance à banaliser les choses. Or, s’il ne faut prendre qu’un exemple, parlons d’un départ de grand prix de F1 : c’est une incroyable somme de travail, une immense et complexe accumulation de détails issus d’un travail en équipe. Bref, pour moi, ces pilotes sont des personnes hors normes. J’ai la chance d’en côtoyer, comme Alain Prost, un symbole d’intelligence, de charisme et de persévérance. Il y a aussi Philippe Streiff, Jean-Pierre Jabouille et je ne peux pas tous les citer…”.

“Toujours au chapitre des rencontres, cette année, nous avons remis un prix spécial à Adrien Maeght, quelqu’un qui aurait pu se contenter de suivre les traces de ses parents, mais qui en plus de gérer la fondation, a créé beaucoup de choses dans l’automobile, la passion l’emportant parfois sur la raison ! C’est un homme merveilleux que j’ai toujours autant de plaisir à voir, au même titre que Georges Wolinski ou Hervé Poulain. Hervé m’a beaucoup appris et recentré sur les choix à faire dans le domaine de l’art et l’automobile. Jean-Michel Wilmotte est aussi devenu un ami proche, qui a l’immense qualité de savoir retenir l’essentiel de toutes les choses et c’est un conseiller précieux pour toute la mise en œuvre du Festival, au-delà de la seule scénographie. Il est vraiment doué d’une intelligence extrême et fine et en plus, c’est un grand travailleur ! Bref, ce n’est pas pour rien si c’est l’un des plus grands architectes au monde.

Jean-Claude Dassier a donné une forte impulsion médiatique au Festival et fait aussi partie du noyau dur, au même titre que Franz Olivier Giesbert ou Anne Asensio par exemple. J’aime le regard à la fois passionné et sans concession qu’Anne porte sur l’automobile. Michel Hommell reste bien sûr un ami car tout a débuté avec lui. Et je pourrais continuer, j’en oublie, j’en oublie, mais je vais m’arrêter car cela prendrait des heures !”.

Si c’était le Festival International Automobile…

“Le Festival est un peu une synthèse de tout cela. Par exemple, le sport, et notamment la Formule 1, sont régulièrement à l’honneur de la Palme d’or, quand les différentes dimensions esthétiques correspondent à des Prix.
Le Festival est désormais focalisé sur le design et ce sera encore le cas à l’avenir”.

“Dans les années 80, nous n’étions pas trop pris au sérieux… C’était une petite manifestation autour des 24 Heures de Chamonix où on parlait un peu d’art automobile… Des choses étaient déjà en germe cependant, César était ainsi venu avec des compressions ! Nous avions lancé l’élection de la plus belle voiture de l’année par le truchement du Minitel, mais l’écho était encore faible car à cette époque, les performances et les innovations techniques tenaient le devant de la scène. Il était plus facile de mettre en avant les chevaux, le Turbo ou la sécurité que le design. Mais j’ai toujours suivi mon chemin… j’étais persuadé que la beauté allait devenir, ou redevenir, centrale. La passion reste essentielle et un design réussi a d’ailleurs souvent son corollaire commercial. Aujourd’hui, cela paraît évident, mais cela n’a pas toujours été le cas dans les esprits, dans un monde industriel, un monde d’ingénieurs avant tout. Même si cela aurait pu être plus facile, nous ne nous sommes jamais orientés vers la technique. Depuis quelques années, nous avons créé le prix de l’environnement, qui nous éloigne un peu de la beauté me direz-vous… Pas tant que ça en fait, car ce nouvel enjeu porte en lui des possibilités d’évolution stylistique très significative avec de nouveaux modes de propulsion. En outre, c’est aussi et surtout une question de responsabilité qui vient questionner l’ensemble des activités et de la société”.

“Dès lors, quand je parle de Fashion Week, il ne faut pas y voir de coquetterie, de snobisme ou d’ambition démesurée, mais je pense que c’est la voie qu’il faut suivre. Paris demeure le centre mondial de la mode et Paris a aussi toute légitimité pour devenir le lieu où les designers viennent présenter en avant-première les nouveaux concepts. J’ai d’ailleurs été très touché cette année par la démarche de Mazda, dévoilant en avant-première un concept-car lors du Festival, alors que Genève intervient dans quelques semaines. Dans ce que l’on pourrait modestement appeler une aventure, c’est le prochain cap à passer”.

“Fashion Week, Césars, Oscars… des appellations différentes pour une même idée ! Même si Fashion Week me plaît le plus désormais, car elle évoque immédiatement et spontanément dans les esprits l’élégance dans une acception internationale”.

“Je crois que Jean-Pierre Ploué donne une impulsion remarquable et remarquée aux marques de PSA Peugeot-Citroën. C’est tout aussi remarquable de voir que les patrons du groupe l’écoutent et lui font confiance. ça n’a pas toujours été le cas dans l’automobile. Laurens Van Den Acker porte aussi beaucoup de promesses pour Renault. Il a d’ores et déjà su susciter l’attente. D’ailleurs, d’une manière générale, les Français sont au top niveau sur la scène internationale du design automobile ; c’est bien une discipline où nous n’avons pas à rougir de la comparaison avec les autres et où nous pouvons affirmer que nous sommes parmi les leaders !”.

“Mes enfants partagent ma passion. Oui bien sûr ! J’ai un fils qui est venu spécialement des Etats-Unis pour le Festival et qui n’a quasiment raté aucune édition de l’événement. Et oui, secrètement, j’aimerais bien qu’il reprenne le flambeau du Festival par la suite. En fait, toute la famille est investie dans l’événement, car mon épouse, qui est directrice générale de Ralph Lauren en France, m’aide aussi énormément pour des détails, la scénographie…”.

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ZOOM - Son musée imaginaire

“C’est une belle idée de mélanger dans un musée œuvres d’art et voitures d’exception… un musée où un dialogue passionnant et en mouvement s’instaurerait entre les œuvres d’art et les œuvres automobiles ! Je choisirais Matisse, Miro, Calder, Giacometti d’une part et d’autre part, des 300 SL, Lamborghini Miura, Type E, Bugatti Atlantique, 250 GTO aussi bien sûr… etc. On pourrait continuer longtemps”.

“Ma sensibilité artistique me porte principalement vers l’art moderne et contemporain. J’ai été bercé et reste impressionné par Miro, Braque, Giacometti, bien sûr, mais aussi Calder, Lichtenstein, Warhol… et plus récemment par un artiste comme Koons. Je suis très ouvert sur la production actuelle, même si mes préférences vont vraiment, intimement dirais-je, aux artistes du début du 20e siècle. Et d’ailleurs, ces artistes avaient souvent un lien fort avec l’automobile. Par exemple, Picasso avait une Bugatti !”.

“Je sais que l’art contemporain est parfois décrié et c’est vrai qu’on trouve des choses grotesques. Mais il y a des créateurs hors normes et le fait d’avoir des ateliers n’a rien de nouveau, pensez aux grands Flamands ou aux grands Italiens… irions-nous leur reprocher d’avoir eu des aides ??? C’est la même chose dans la mode, les créateurs ont de nombreux collaborateurs, qui réalisent certaines pièces, qui vont chercher des matières, qui brassent des sources d’inspiration, etc. Donc je ne vois pas ce qu’on peut reprocher à Jeff Koons par exemple, surtout qu’il agit en toute transparence. Damien Hirst fait aussi partie de cette dimension. Mais vous savez, dans l’histoire de l’art, des Miro, Matisse, Giacometti ont été jetés en pâture à leurs débuts…”.

“A titre personnel, il n’y a guère que la photographie que je pratique. Sans prétention, mais avec constance depuis l’enfance. J’avais même pris des cours et aujourd’hui, j’ai un petit Leica à focale fixe qui m’accompagne tout le temps, notamment pendant mes nombreux voyages. Je suis fasciné par la lumière et la captation de la lumière en particulier… Comme je suis incapable de peindre et que je suis moins sensible à la vidéo, je prends des photographies. Pour capter des moments, surtout des moments de lumière donc, et si je ne les garde pas, je suis malheureux !”.

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