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Constructeurs

Patrick Gruau, président-directeur général du groupe Gruau

Publié le 23 avril 2010

Par Alexandre Guillet
6 min de lecture
"Nous n'avons jamais eu à ce niveau de responsabilité une personne qui aime et qui défende autant l'automobile "Alors que les secteurs de la carrosserie industrielle et du VU ont été brutalement touchés par...
...la crise, Patrick Gruau, dont le groupe vient de bénéficier d'un investissement du FSI, revient en notre compagnie sur la pertinence de l'intervention de l'Etat et sur le défi d'avenir de la compétitivité industrielle française.

Journal de l'Automobile. Au premier chef, que vous inspire l'élection de François Fillon ?
Patrick Gruau. Je pense que le jury a fait un très bon choix. Tout simplement parce que nous n'avons jamais eu à ce niveau de responsabilité une personne qui aime autant l'automobile et qui ait autant défendu ce secteur. A cet égard, les Etats généraux de l'automobile en mars 2009 ont eu valeur de symbole et ce souvenir reste présent dans mon esprit. Il convient de ne pas oublier que l'industrie automobile était alors vraiment, au creux de la vague. Le discours prononcé par le Premier ministre traduisait un réel engagement et à son terme, tous les dirigeants présents sont sortis avec une volonté et des convictions renforcées. Ensuite, les paroles ont été suivies d'actes et le soutien du gouvernement dans son ensemble ne s'est pas démenti. Par ailleurs,et dans un tout autre domaine, il faut quand même aussi rappeler que si les 24 Heures du Mans existent toujours aujourd'hui, c'est en grande partie grâce à François Fillon. Il fut l'un des acteurs majeurs du sauvetage de cette grande manifestation. Ce n'est pas si anecdotique car, qu'on le veuille ou non, et au-delà de toute considération régionale, les 24 Heures sont l'un des fleurons du patrimoine du Sport Automobile.

JA. Vous évoquiez "le creux de la vague" et on sait que votre secteur a été violemment touché par la crise l'an passé. Quel est actuellement votre niveau d'activité ?
PG. 2009 a été une année très difficile pour la carrosserie industrielle avec un effondrement des marchés. Gruau a réussi à tenir le coup grâce à une stratégie de multi-spécialisation et parce que nous avons su activer rapidement un mode "survie". Mais pour les acteurs du VI et de la semi-remorque, un secteur qui était en sur-régime depuis deux années et où le décrochage fut donc de l'ordre de - 50 %, la situation était vraiment complexe. D'autant que les exportations ont aussi décroché, notamment avec le Royaume-Uni et l'Espagne. Actuellement, si nous ne sommes plus au creux de la vague, nous évoluons sur de la "tôle ondulée" avec d'importantes variations selon les activités. Nous savons que 2010 sera encore un exercice difficile. Et nous savons aussi que la reprise à proprement parler sera lente et qu'elle interviendra d'ici deux à trois ans.

JA. Quelles raisons mettez-vous en avant pour expliquer un recul aussi abrupt de vos marchés ?
PG. La principale explication réside tout simplement dans notre économie. L'activité du VU est directement liée aux indicateurs de l'économie. Prenons l'exemple des loueurs courte durée, qui sont un peu "l'intérim" du VU. Face à la baisse des carnets de commandes, les entreprises n'ont plus fait appel à leurs services et se sont reposées sur leur parc en propre. Par conséquent, certains loueurs ont même dû dé-flotter ! Par ailleurs, dans la dynamique des aides, les concessionnaires se sont concentrés sur la vente de VPN, ce qui est logique, mais ce qui a forcément un peu nui aussi au VU. Sur ce segment, les seuls points positifs ont été les lancements de nouveaux produits, Master ou Doblo  par exemple.

JA. Revenons à l'intervention de l'Etat. Elle n'est pas toujours accueillie avec une telle bienveillance par les grands dirigeants d'entreprises, n'est-ce pas ?
PG. Tout d'abord, il ne faut par perdre de vue le caractère exceptionnel et brutal de la crise. Ensuite, deux choses méritent d'être distinguées. D'une part, on trouve les aides ponctuelles. Il y a un an, l'Etat prêtait de l'argent aux constructeurs nationaux ce qui était nécessaire car ils rencontraient des problèmes de paiement qui pouvaient déstabiliser toute la filière. Bref, l'action du gouvernement a été juste et rapide, il n'y avait pas à ergoter. D'autre part, le gouvernement a manifesté la volonté de rendre l'industrie française plus compétitive. On en revient aux Etats généraux de l'industrie. C'est remarquable car on a posé les bonnes questions et des jalons opérationnels pour améliorer nos performances. Sans oublier le crédit impôt recherche, la prise en charge du chômage partiel et de la formation des personnels pendant les périodes creuses, etc.

JA. A l'instar de nombreux dirigeants, préconisez-vous désormais un allègement des charges ?
PG. Les charges sur les salaires sont effectivement trop élevées en France. Par conséquent, les coûts de production se trouvent pénalisés par le coût de la main-d'œuvre. Même si je n'aime guère cette expression, la "TVA sociale" peut être une des réponses. Donc pour être vraiment compétitifs, allégeons les charges sur les salaires car pour le reste, R&D, productivité, etc..., nous sommes à un très bon niveau.

JA. Votre dossier a récemment été retenu par le FSI, comment appréhendez-vous cette opération ?
PG. La mise en place du FSI traduit encore les efforts et l'engagement du gouvernement. Toujours pour rendre l'industrie plus compétitive en renforçant notamment les capitaux propres dans les entreprises. Le FSI s'intéresse aux entreprises qui ont un projet et une bonne position sur leur marché. C'est le cas de Gruau qui malgré la crise, a continué d'investir et de se projeter vers l'avenir. D'une manière générale, il y a aussi une volonté de rendre les ETI plus performantes. En France, on recense 4 700 ETI contre 10 000 au Royaume-Uni ou 11 000 en Allemagne. Le gouvernement veut combler ce retard surtout qu'au niveau des grands groupes et des PME-TPE, il n'y a aucun problème. Le développement des ETI achoppe souvent sur les écueils des fonds propres, du financement de l'innovation et de la croissance externe. Avec l'appui du FSI, ces entreprises peuvent passer un cap. D'autant que son action s'étend à moyen et long terme. Donc à un temps adapté à l'industrie et à ses cycles. Chose qui n'était plus disponible sur le marché...

JA. Est-ce une litote pour stigmatiser le comportement des banques ?
PG. Dans ce domaine, il y a sans nul doute des progrès à faire... En somme, parfois, mieux vaut ne pas avoir besoin d'elles...

JA. L'Etat français s'engage aussi dans la promotion et le développement du véhicule électrique, un axe stratégique que vous retenez aussi. Cependant, les prévisions liées à ce marché offrent des deltas considérables : quelle hypothèse privilégiez-vous ?
PG. Si le marché du VP électrique ne concerne pas complètement Gruau, il en va tout autrement pour le VU. Sur ce segment, la propulsion électrique a assurément un potentiel très important. La politique de nombreuses villes, pour les livraisons et le transport de personnes en hyper-centre, et de nombreuses entreprises en témoigne. Dès lors, l'hypothèse haute, 10 % du marché en 2020, est envisageable. Et même si ce n'est pas le cas, si la pénétration se limite à 5 % par exemple, c'est intéressant pour Gruau. Car nous venons toujours en complément de gamme des constructeurs et que le groupe est devenu un spécialiste des petites séries. Bref, il s'agit effectivement d'un axe stratégique pour le groupe et c'est de surcroît un défi passionnant qui renvoie plus largement à un changement radical de la mobilité dans les villes à l'avenir.

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