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Constructeurs

Oussama Kaddoura, président du groupement des concessionnaires Smart en France

Publié le 27 novembre 2009

Par David Paques
8 min de lecture
"Je suis le benchmark de la distribution Smart"Pionnier de la représentation Smart, Oussama Kaddoura revient sur l'histoire de son partenariat avec...
...la marque, décortique les raisons de son succès et répète l'efficience de son système alors que le constructeur a des envies d'essor. L'opérateur jette un regard optimiste, mais pragmatique, sur l'avenir de la marque.

Journal de l'Automobile. Vous avez été l'un des premiers à croire en la marque. En 1998, vous avez ainsi investi 33 millions de francs (5 millions d'euros) pour l'ouverture de 2 Smart Centers à Paris. Qu'est-ce qui vous avait séduit à l'époque ?
Oussama Kaddoura. Il y a dix ans, j'ai vu une petite voiture urbaine, idéale pour Paris. Je suis allé à Francfort la voir, lorsque ce n'était encore qu'un prototype. Je l'ai essayée et j'ai de suite été séduit par sa mobilité. A l'époque, j'ai rencontré chez Smart un esprit qui n'existait pas encore dans le monde automobile. D'ailleurs, personne ne croyait au projet. De nombreux confrères avaient même parié que je me casserais la figure. Les choses m'ont donné raison et j'ai continué à me développer. Depuis 1998, j'ai ainsi investi 13 millions d'euros dans la représentation de la marque.

JA. N'avez-vous jamais eu de doute quant au potentiel de Smart ?
OK. Les débuts ont été difficiles. C'est vrai. Quand Smart est arrivée sur le marché, elle avait connu, comme la Classe A de Mercedes, quelques soucis au niveau du test d'élan. Qui plus est, au lancement, elle coûtait 60 000 francs ! Il a fallu surmonter ces obstacles. Et cela a finalement bien fonctionné car dès la première année de commercialisation, nous avons vendu 700 voitures, grâce à nos deux sites de Bercy et du Trocadero.

JA. Comment expliquez-vous le succès que vous avez rencontré ?
OK. L'atout principal a été ce site du Trocadero. Au départ, il a donné au véhicule le petit plus qu'il n'avait pas. L'emplacement est en effet prestigieux. C'est l'un des plus beaux de Paris et même de France. C'était une ancienne concession Peugeot. Mais quand nous l'avons racheté en 1997, les locaux étaient vides depuis 6 ou 7 ans. Bien nous en a pris. Nous avons créé un concept open space et avons privilégié le recrutement de femmes pour les postes de consultants. Ce n'était pas très courant à cette période.

JA. Vous parlez de "votre concept". C'est-à-dire ?
OK. Nous n'avons jamais commandé des véhicules de base. Nous ne prenions que des toutes options ou très bien équipées, car nous voulions afficher un positionnement premium. Contrairement aux Allemands qui avaient la volonté de faire de la Smart un véhicule "pas cher". Nous, nous avons bâti la marque sur des notions de mobilité urbaine, de mode et de haut de gamme. Cela nous a ramené une clientèle premium. Souvent, la Smart était le 3e ou 4e véhicule de la famille. Mais jamais il n'y a eu de lien avec Mercedes que nous représentions par ailleurs. Smart était traitée comme une marque, pas comme un modèle. Cette exclusivité est à la base de tout.

JA. Côté produits, comment avez-vous vécu les relatifs échecs de la Forfour et du roadster ?
OK. Je pense qu'il s'agissait là de très bons produits, mais qu'ils souffraient tous les deux d'une mauvaise analyse de marché. Il n'y avait tout simplement pas la place à ce prix-là. Fort heureusement, cela n'a rien remis en cause.

JA. Quel est le taux de pénétration de smart à Paris et comment se situe-t-il vis-à-vis de celui des autres capitales européennes ?
OK. Durant les huit premières années, nous avions 32 % des parts de marché sur notre segment dans Paris intra-muros. Ce qui était le plus fort taux de pénétration de la marque dans le monde. Le 2e, c'était Rome, avec 22 %. Depuis l'arrivée de la Mini, la Fiat 500, puis dernièrement, l'IQ, notre pénétration du segment est autour de 18 % dans Paris, puis de 7 % en Ile-de-France. Cela reste très élevé. Je rappelle que la part de marché France de la marque sur son segment est de 6 %. Un marché sur lequel on a les Twingo, les 107, C1, Aygo, Ka… Bref, du beau monde. Mais nous sommes les premiers à avoir joué la carte de la clientèle "fashion et VIP". Avec l'arrivée des concurrentes, en terme de positionnement, tous nos collègues européens ont ressenti des baisses comparables à la nôtre.

JA. N'avez-vous jamais eu l'envie de prendre en charge la distribution de la marque dans d'autres grandes agglomérations françaises ou européennes ?
OK. Si. J'ai eu cette envie. Mais notre stratégie de distribution ne me permettait pas de sortir d'Ile-de-France. J'ai donc préféré rester fidèle à notre modèle.

JA. Le modèle Como ?
OK. Pour la distribution de Smart, comme pour les résultats, je suis toujours le benchmark au niveau européen. Nous distribuons Smart de manière exclusive. Nos clients ne sont pas traités comme des clients d'une marque secondaire et nous donnons au client des équipes et des surfaces dédiées. Les choses évoluent aussi dans ce sens en Allemagne et désormais pour Daimler, Smart est une marque à part entière, pas un modèle. Tant mieux, car si demain Smart devient un modèle de la famille Mercedes, les ventes baisseront de 30 à 40 %. Et là, l'usine d'Hambach ne pourra plus tourner.

JA. Vous être président du groupement des concessionnaires Smart en France et vice-président du groupement européen. Vos confrères partagent-ils votre vision des choses ?
OK. En France, il y a 15 sites exclusifs. En Allemagne, il y en a 35 et en Italie 39. Il y a plus de 90 sites dédiés en Europe. Chaque investissement dépasse 1,5 million d'euros. Ce qui nous donne des investissements cumulés de près de 120 millions d'euros. Alors oui, ils partagent cette vision.

JA. Quel regard portez-vous sur l'aventure Smart aux Etats-Unis ?
OK. Pour le moment, c'est un échec. C'était un succès au départ. Mais la crise est passée par là. Les ventes se sont logiquement écroulées.

JA. Où en êtes-vous personnellement aujourd'hui ?
OK. Aujourd'hui, 163 personnes travaillent pour Smart au sein du groupe Como. Nous comptons neuf sites et avons enregistré près de 2 500 immatriculations de Smart l'an dernier, pour un chiffre d'affaires de 60 millions d'euros. Cette année, nous devrions atteindre les 2 000 véhicules neufs et 1 400 véhicules d'occasion. Soit une baisse de 20 % de nos activités, comme la marque au niveau national.

JA. Le marché évolue justement vers les petits véhicules. Cela ne vous est-il pas favorable ?
OK. Je pense que le marché va se stabiliser. Et puis, le gâteau n'augmente pas vraiment. Il se divise. Je ne pense donc pas que nous puissions un jour atteindre les 2 700 unités par an car le marché est désormais saturé par les nouveaux intervenants. Ce qui veut dire que nous ne pourrons pas augmenter nos ventes autrement qu'en attirant une autre clientèle, comme celle des deux roues. Mais il y a une deuxième incidence à cette évolution du mix. Il y a aujourd'hui une surproduction de petites voitures qui vont inonder le marché à des prix déraisonnablement bas. Ce qui va inciter certains constructeurs à tirer l'offre vers le bas. Face à cela, smart doit rester un haut de gamme accessible. Un peu plus cher que la moyenne, mais abordable. Il n'y a pas la place pour le low-cost chez Daimler. Je pense d'ailleurs que le constructeur est piégé côté prix. Parce que nous n'avons pas le volume permettant de baisser le prix à 7 000 euros, mais aussi parce que notre concept et notre positionnement demandent un prix élevé. La Smart doit donc demeurer entre 10 et 11 000 euros.

JA. Quelle est la contribution de chaque métier au chiffre d'affaires Smart ?
OK. Sur les 60 millions d'euros atteints l'an dernier, 50 % provenaient du commerce VN, 25 % du VO et 25 % de l'après-vente.

JA. Comment jugez-vous l'apport de l'après-vente dans ces résultats ?
OK. Cela peu paraître peu, mais c'est essentiel. Notre clientèle est exigeante. Il faut aller vite. Nous ne pouvons pas négliger l'après-vente. Nous avons quand même un parc roulant de 30 000 Smart sur Paris et sa région. L'an dernier, nous avons ainsi enregistré 39 000 entrées ateliers. Il nous faut donc de la place. Ce qui est un luxe à Paris. Dans le groupe, nous avons pourtant 11 000 m2 de surface dédiée à l'après-vente Smart. C'est énorme. Notre taux de couverture des frais fixes par l'après-vente n'est donc pas très élevé. Il ne dépasse pas les 50 %.

JA. L'an prochain, le constructeur va lancer son expérimentation avec la Smart électrique 2e génération (200 véhicules en flottes) dans les filiales. Cela vous chagrine-t-il de ne pas y prendre part ?
OK. Nous sommes l'un des rares à être prêt pour un tel challenge, pour la simple raison que nos sites sont déjà idéalement installés. Les clients n'auront pas besoin de faire beaucoup de kilomètres pour recharger leurs batteries. Notre investissement initial continue donc à être porteur.

Photo : Oussama Kaddoura représente 30 % des volumes annuels de la marque en France. C'est encore aujourd'hui le plus important distributeur smart en Europe. Chaque jour, 345 personnes entrent dans les affaires du groupe.

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