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Constructeurs

"Nous devons arrêter de nous focaliser uniquement sur l’étalon Premium allemand"

Publié le 26 mai 2011

Par Alexandre Guillet
8 min de lecture
Stefan Jacoby, président et CEO de Volvo Car Corporation - Savant mélange de rigueur allemande et de style direct à l’anglo-saxonne, Stefan Jacoby tire des bords au carré pour jalonner la progression de Volvo. Une marque qu’il veut multinationale dans tous les sens du terme.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Vous avez récemment glissé que Volvo ne devait plus se focaliser uniquement sur l’étalon Premium allemand, qu’entendez-vous vraiment par là ?
STEFAN JACOBY.
Tout d’abord, je tiens à souligner que cette course-poursuite a un coût non négligeable et qu’il faut se garder de toute surenchère au niveau du ticket d’entrée. Volvo fait valoir une identité Premium très spécifique et cela doit devenir son principal atout, plutôt qu’un handicap. D’autant que le contexte nous est favorable car la simplicité, la faculté à épurer sont des composantes de plus en plus importantes dans le domaine du luxe. C’est la voie à suivre car elle nous permettra de nous différencier clairement des constructeurs allemands. Le chantier est lancé et il passe notamment par le design, l’argument environnemental, la mise en avant de l’intuition dans le véhicule pour devenir vraiment humain-centrique. La sécurité reste bien sûr capitale, loin de moi l’idée de dire le contraire, mais nous devons aussi investir plus fortement d’autres valeurs.

JA. Le concept-car Universe que vous présentez à Shanghai préfigure-t-il cette nouvelle orientation ?
SJ.
Tout à fait, c’est un concept qui inaugure un langage stylistique d’un nouveau genre que vous retrouverez à l’avenir sur nos modèles. Il met en avant la notion de simplicité scandinave tant en termes de style que d’intégration des fonctions. Ce dernier point est essentiel et nous comptons nous inspirer du modèle iPhone dans le traitement des interfaces. J’insiste sur le fait qu’il faut devenir plus humain-centrique, avec simplicité, convivialité et une forte propension à la personnalisation. Par ailleurs, le concept Universe explore de nouvelles dimensions et annonce une nouvelle plate-forme.

JA. Quand doit-on attendre son application de série ?
SJ.
Le concept Universe peut annoncer plusieurs modèles de série et pas forcément un seul… Plusieurs silhouettes sont aussi envisageables sur cette base. De même, s’il est présenté à Shanghai, cela ne signifie pas qu’il s’adresse exclusivement à une clientèle chinoise. Ses dimensions de grande berline, mais en deçà de la Classe S par exemple, lui ouvrent des débouchés worldwide. Surtout que le marché américain demeure primordial pour la marque. Actuellement, nos performances n’y sont guère satisfaisantes, mais nous travaillons pour corriger le tir. Enfin, pour répondre précisément à votre question, cette plate-forme sera opérationnelle en 2014 et c’est donc le repère que vous pouvez prendre pour le lancement des produits.

JA. Votre référence au “worldwide” peut-elle être interprétée comme une foi dans les produits mainstream, voire dans la voiture mondiale ?
SJ.
Même si de nouveaux marchés émergent, avec des différences, c’est effectivement un concept à retenir, dans une logique de maîtrise des coûts notamment. Pour parvenir à la bonne alchimie, il est donc important de suivre les tendances partout dans le monde. Des tendances qu’on retrouve dans la mode, le design, l’art… Le spectre s’est vraiment élargi et il est indispensable de bien prendre la mesure du fait que tout ne provient plus de l’Europe et des Etats-Unis, mais aussi de l’Inde, de la Chine, du Brésil, etc. Cependant, il existe aussi des spécificités régionales. Par exemple, la demande en véhicules allongés est très forte en Chine, et dans toute l’Asie d’ailleurs. Il faut donc y répondre et nous irons dans ce sens.

JA. Quels sont vos projets d’extension de gamme et notamment d’incursion dans le périmètre des véhicules sportifs ?
SJ.
Ce n’est pas la priorité, même si nous étudions plusieurs possibilités et que nous avons toujours un véhicule sportif dans un coin de notre tête. L’essentiel consiste à consolider la marque pour la rendre durablement stable et profitable. Or, si notre niveau de ventes est satisfaisant, notre bilan financier reste encore trop fragile. Nous avons de grandes ambitions, mais nous avançons progressivement et une grande part de nos investissements se concentre sur l’extension de notre outil industriel.

JA. Toujours au chapitre du produit, la C30, dans le positionnement qu’on lui connaît, restera-t-elle votre entrée de gamme ?
SJ.
Cela va rester notre entrée de gamme, ancrée dans le territoire Premium. Toutefois, on parle bien de territoire et de positionnement car une remplaçante de la C30 pourrait naturellement être conçue très différemment ! D’une manière générale, nous réfléchissons intensément sur le segment des compactes. Eu égard aux contraintes environnementales, ce segment est tout simplement névralgique.

JA. Quels sont les piliers de votre stratégie “produits” ?
SJ.
Les berlines et les SUV sont les piliers de notre stratégie. Si vous prenez l’exemple de la famille XC, vous constatez que nous sommes d’ores et déjà à la limite de nos capacités de production. Je vous confirme aussi que le XC90 sera remplacé. Ces deux axes sont légitimes car ils correspondent à la problématique worldwide que j’évoquais précédemment. J’insiste d’ailleurs sur le fait que Volvo est une marque globale et non une marque chinoise comme on l’entend parfois ces derniers temps. Au-delà du travail naturel de chaque groupe sur l’identification des zones stratégiques à potentiel de croissance, nous considérons donc tous les marchés : Europe, Etats-Unis, Chine et Asie en général, Amérique du Sud et Brésil en particulier.

JA. Le fait d’être intégré dans un groupe chinois a-t-il néanmoins engendré des modifications de méthodes ou d’approche du business ?
SJ.
D’une part, il n’y a pas eu de révolution de palais, comme vous avez pu le constater et d’autre part, à titre personnel, je ne note pas de différence majeure avec ce que j’ai pu connaître auparavant. Les dirigeants du groupe se caractérisent par un formidable esprit d’entreprise et une grande capacité d’adaptation, ce qui se traduit notamment par de grandes qualités de flexibilité. Mais sur le fond, on peut dire qu’ils ont une approche tout à fait anglo-saxonne des résultats et de la rentabilité.

JA. Vous évoquiez le développement de votre outil industriel comme “La” priorité du groupe : où en sont vos projets en Chine et notamment une seconde usine ?
SJ.
Nous commençons à vendre beaucoup de véhicules en Chine et nous avons sur ce marché un gros potentiel de croissance. Par conséquent, il est logique que nous cherchions à augmenter nos capacités de production aujourd’hui limitées. Nous avons déjà annoncé la construction d’une usine à Chengdu, qui sera opérationnelle dès 2013, avec une capacité de production de l’ordre de 100 000 véhicules par an. Nous étudions actuellement l’opportunité d’ouvrir une seconde usine à Daqing, dotée d’une capacité de production annuelle grosso modo similaire, mais à l’heure où je vous parle, rien n’est arrêté. C’est une nécessité car nous confirmons notre ambition de vendre 200 000 voitures en Chine à l’horizon 2015 (N.D.L.R. : 30 500 ventes en 2010). Mais comme nous sommes une marque globale et mondiale, les autres marchés ne seront pas délaissés pour autant et nos usines historiques, en Suède ou en Belgique notamment, n’ont pas d’inquiétude à avoir. Nous avons prévu d’investir huit milliards d’euros dans les cinq ans à venir pour remplir l’objectif du doublement de nos ventes mondiales, de près de 400 000 à 800 000 en 2020.

JA. A plus court terme, prévoyez-vous d’augmenter votre production, notamment sur le segment des SUV ?
SJ.
Nos efforts vont dans ce sens et dès l’an prochain, ce sera une réalité. Nous estimons que nous devons pouvoir produire environ 3 500 véhicules supplémentaires par semaine.

JA. En Chine, comment prévoyez-vous de développer votre distribution pour pouvoir accompagner la hausse programmée de votre production ?
SJ.
Nous nous appuyons aujourd’hui sur 110 distributeurs et nous comptons doubler notre réseau d’ici 2015. Cela concerne aussi naturellement la force de vente, l’après-vente et les services. C’est d’autant plus important que la concurrence est de plus en plus âpre et ne se limite pas aux constructeurs allemands.

JA. Le fait d’appartenir à un groupe chinois peut vous aider à doubler vos ventes, n’est-ce pas ?
SJ.
Effectivement, cela peut forcément nous faciliter les choses. Mais c’est surtout valable pour les ventes aux collectivités et aux flottes. En revanche, pour le client particulier, Volvo reste Volvo, une marque étrangère, scandinave même ! Les choses ne sont donc pas aussi simples. Surtout que nous prenons soin de bien cloisonner les territoires entre Geely et Volvo : à chacun ses segments !

JA. Pour conclure, que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de casser les prix en Chine et est-ce une stratégie envisageable ?
SJ.
Nous ne cassons pas les prix en Chine ! C’est faux, inepte même, car cela ne servirait vraiment pas nos intérêts à long terme. Si nous avions une capacité de production illimitée pour inonder le marché, certains pourraient émettre cette hypothèse, mais vu que ce n’est pas le cas, c’est vraiment une ineptie.

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