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Constructeurs

Les secrets d'un partenariat réussi selon Carlos Ghosn

Publié le 15 juillet 2014

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
C'est sur LinkedIn Influencer que Carlos Ghosn a choisi d'écrire une tribune sur les six prérequis fondamentaux qui permettent d'envisager une alliance avec succès.

En préambule, Carlos Ghosn souligne que "les joint-ventures, les partenariats, les alliances ou les fusions sont devenus chose courante dans le monde du business et ce, pour une bonne raison : en principe, ces opérations permettent aux entreprises de taille plus réduite de réaliser des économies d'échelle tandis que les grands groupes trouvent ainsi un levier pour s'adresser à des marchés de niche ou à de nouvelles régions. Si la conduite de ces opérations est correctement exécutée, un gain d'efficacité et de qualité est obtenu par les deux parties, et chacun apprend de l'autre".

Toutefois, il relève qu'en pratique, nombre de ces opérations s'achèvent par un divorce, particulièrement dans l'industrie automobile. Peu de partenariats multiculturels entre grands constructeurs ont ainsi survécu à plusieurs cycles de business.

Renault-Nissan + Daimler

Plus tôt dans l'année, Carlos Ghosn se souvient avoir rencontré dans une prestigieuse université des étudiants qui étaient à mi-parcours de leur MBA et qui l'ont interpellé sur la question suivante : pourquoi le partenariat entre le Français Renault et le Japonais Nissan fonctionne-t-il et comment parvenez-vous à collaborer en plus avec le groupe allemand Daimler ? Et Carlos Ghosn de répondre : "Cette question est particulièrement pertinente aujourd'hui, alors que nous nous apprêtons à lancer nos projets les plus significatifs avec nos homologues allemands, à savoir le co-développement de modèles compacts Premium qui seront assemblés dans la nouvelle usine d'Aguascalientes, au Mexique. La production de ces nouveaux véhicules Infiniti et Mercedes-Benz va créer 5700 emplois et l'usine disposera d'une capacité de production annuelle de 300000 unités d'ici 2021." Quelle est donc la recette d'une collaboration féconde et réussie ? Carlos Ghosn met en exergue six ingrédients clés à ce succès.

Partir sur les bases du respect et d'un état d'esprit ouvert

"Dieter Zetsche, patron de Daimler, et moi-même partageons un vrai respect mutuel, nourri par les challenges assez similaires que nous avons relevés au cours de nos carrières respectives. Nous nous attachons à avoir une grande transparence, selon le principe du 'tout est sur la table'. Pas de tabous ni de vaches sacrées. Quand nos équipes nous proposent un projet, nous lançons derechef une étude de faisabilité et nous examinons à l'aune de données très objectives l'opportunité d'aller plus avant ou non."

Trouver des bases communes

"Avec Dieter, nous nous sommes rencontrés au début des années 1990, lorsque nous dirigions tous les deux, en tant qu'expatriés, des business-units internationales aux Etats-Unis. J'étais à la tête de Michelin Amérique du Nord et Dieter présidait l'unité PL Freightliner de Daimler. Dieter, qui était un client de Michelin dans le cadre de ses fonctions, a accepté mon invitation d'intervenir en tant que Keynote Speaker lors d'une de nos conventions. Depuis lors, nous avons développé une approche de notre industrie assez similaire, ce qui nous permet de partager les mêmes points de vue sur la plupart des défis et des problématiques qui nous sont proposés."

Se focaliser sur le mode "projets" et sur la performance

"La plupart des gens sont très réticents à l'idée de partager des informations avec des concurrents. Il n'est pas naturel de travailler avec ou de diriger une équipe composée de collaborateurs de différentes entreprises, avec des langues différentes, des décalages horaires et des objectifs de performance différents. Pour venir à bout de ces obstacles, il faut toujours se focaliser sur des projets concrets avec des jalons, des objectifs et un planning précis. Et ne jamais perdre de vue le véritable enjeu : créer un produit avec une meilleure valeur ajoutée pour le client final."

Etre discipliné. Ce n'est pas magique, c'est méthodique !

"Un 'comité de coopération', comprenant des dirigeants de Renault-Nissan et de Daimler et souvent les deux Pdg, se réunit une fois par mois. Les comités à l'échelon inférieur se réunissent plus régulièrement. Et les équipes impliquées sur les projets ont des contacts quotidiens. Nous utilisons fréquemment la visio-conférence, mais nous organisons aussi de temps à autre de vraies rencontres au siège de l'un des groupes. Cela nous permet de mieux nous comprendre et de mieux appréhender la culture spécifique de Yohohama, Stuttgart ou Paris."

Insister sur la notion de projets "gagnant-gagnant"

"Après qu'une région ou qu'une business-unit ait proposé un projet, nous lançons donc des études de faisabilité, rigoureuses et transparentes. Si nous arrivons à la conclusion que les deux groupes ont à y gagner, nous allons plus loin. Mais si une partie estime que le projet n'est pas valable, nous nous arrêtons dès cette étape, sans animosité ni dramaturgie. Nous nous projetons alors directement, avec beaucoup de pragmatisme, sur la prochaine opportunité."

Se prémunir contre les projets "gagnant-perdant" est essentiel

"Si Dieter, ou moi-même, venait à forcer nos équipes à travailler sur un projet qu'elles ne jugent pas équilibré ou porteur, le partenariat entre nos deux groupes pourrait finalement s'achever. Les psychologues appellent cela le 'negativity bias' (NDLR : que l'on peut traduire par "polarisation négative" ou "préjugé négatif"), un phénomène où les impressions et les souvenirs négatifs sont bien plus forts que les impressions et souvenirs positifs. Dans le milieu du business, de nombreux dirigeants ont tendance à oublier cet aspect fondamental de la nature humaine, alors que cela peut conduire au désastre."

Et Carlos Ghosn de conclure : "Les partenariats réussis peuvent être des cercles vertueux. Créée en 1999, l'Alliance Renault-Nissan développe de fortes compétences avec des équipes et un management multiculturels. Et notre entente va s'intensifiant quand nous travaillons avec Daimler ou d'autres partenaires comme DongFeng en Chine, Mitsubishi au Japon ou Ashok Leyland en Inde. La collaboration entre Renault-Nissan et Daimler a débuté en 2010 autour de trois projets, concernant initialement principalement l'Europe. En l'espace de quatre ans, notre portefeuille s'est élargi à douze projets de premier ordre sur trois continents. Depuis Paris et Yokohama jusqu'à Stuttgart et Aguascalientes maintenant, nos équipes connaissent la force et la vertu de stimulation des partenariats, ainsi que le défi qu'ils représentent."

Traduit depuis l'anglais par Alexandre Guillet

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