Les réseaux européens à la diète
...de la carte.
"La fin du contrôle des constructeurs ?" Telle est la question que se pose l'étude réalisée par le cabinet d'analyses britannique HWB International qui a analysé l'évolution des réseaux de distribution en Europe occidentale de 1997 au 1er octobre dernier. Premier constat : le paysage de la distribution automobile européenne s'est considérablement modifié en l'espace de quelques années. De manière générale, les réseaux (points de vente, contrats, concessionnaires, agents...) n'ont pas été épargnés. La cure d'amaigrissement a bel et bien eu lieu. Philip Wade, l'auteur de cette étude, résume la situation : "Les constructeurs ont tout mis en œuvre pour que les réseaux soient en situation pérenne en souhaitant que leurs opérateurs gardent des showrooms exclusifs pour chacune des marques. Avec la diminution des marges et la croissance des coûts de l'après-vente, la meilleure solution reste d'augmenter la moyenne des ventes par investisseur. C'est pourquoi les constructeurs ont concentré leurs réseaux en l'espace de quelques années."
En janvier 2003, le nombre total de points de vente en Europe occidentale est tombé de 91 690 à 80 994, soit 12 % de moins que l'année précédente.
Une érosion qui a affecté particulièrement les plus grands marchés comme l'Allemagne, la France ou encore l'Italie. Ainsi, l'étude révèle que, rien que l'année dernière, pas moins de 7 000 points de vente ont mis la clé sous la porte dans l'ensemble des pays d'Europe occidentale. En Allemagne, où se concentrent 26 % du total des points de vente, 1 891 d'entre eux ont disparu uniquement entre 2002 et 2003. En outre, le réseau allemand reste caractérisé par la taille de ses affaires, bien en dessous de celles du reste de l'Europe : le ratio ventes VN/concession d'un distributeur allemand atteint 130, contre 173 en moyenne.
7 000 points de vente ont été fermés dans les principaux marchés d'Europe occidentale en l'espace d'une année
Ce n'est pourtant pas en Allemagne que l'on constate le plus de fermetures. La France a subi de plein fouet la restructuration des réseaux. Au total, 3 000 points de vente ont quitté les réseaux en l'espace d'une seule année. Depuis le 1er octobre dernier, les réseaux primaires et secondaires français ne totalisent plus que 12 250 points de vente. L'Italie a également été touchée par la "grande purge" puisque 2 000 fermetures y ont été recensées, pour un nombre total de 8 150 points de vente.
Certains réseaux ont d'ailleurs plus que d'autres réduit la voilure l'année dernière. C'est notamment le cas des trois constructeurs français, que l'on retrouve sur le podium des marques ayant le plus "dégraissé". Ainsi, Renault a supprimé 3 044 points de vente entre 2002 et 2003, Citroën 1 792 et Peugeot 972. En ce qui concerne les points services dont certains faisaient également de la vente, c'est encore Citroën qui a fait le plus grand "ménage" puisqu'il en a fermé 1 446 alors que Volkswagen, deuxième de la liste, en a supprimé 822, Ford fermant le trio de tête avec 809 de moins.
Des différences culturelles entre les pays pour expliquer la taille des réseaux
Si la plupart des pays européens ont connu des départs à grande échelle, le système de distribution britannique a, en revanche, été épargné par cette vague de restructurations. Seules 261 fermetures ont été recensées sur un nombre total de 5 833 points de vente. Philip Wade donne une explication à cela : "La grande différence entre le Royaume-Uni et les autres pays européens est essentiellement due au fait que la restructuration s'est pratiquée il y a quelques années, quand un nombre important de concessionnaires a été résilié."
L'auteur de l'étude relève par ailleurs des différences culturelles pouvant exister entre les principaux réseaux européens. Ainsi, on ne dénombre par exemple que 6 250 points services au Royaume-Uni, loin derrière l'Allemagne (22 801) ou la France (19 219), aux territoires nettement plus maillés. Selon l'auteur de l'étude, les clients allemands ne veulent pas seulement un service de proximité avec des enseignes locales, mais aussi un réseau national de marques. Une nuance qui permet d'expliquer le nombre si important de points services. En France, le paysage de la distribution se distingue : les concessionnaires sont situés dans les grandes agglomérations, et beaucoup de petites villes et villages disposent de points services pour des marques à grands volumes.
La solution est-elle dans les volumes ?
Au-delà des spécificités géographiques et culturelles, l'étude s'est également attardée sur les visages arborés par les différents réseaux des constructeurs. Au regard des nombreuses fermetures et résiliations, la vente moyenne par contrat de concessionnaire a considérablement augmenté dans certaines marques. "La solution est-elle dans les volumes ?", se demande Philip Wade. Certaines marques ont fortement restructuré, comme Ford ou encore Mercedes avec respectivement la suppression de 492 et 407 contrats. C'est d'ailleurs Mercedes qui possède la moyenne de ventes VN par contrat la plus élevée d'Europe (974 ventes VN/investisseur). "La performance de Mercedes est remarquable, relève l'auteur de l'étude, puisque la moyenne par contrat du réseau allemand en Europe est trois fois supérieures à celles de l'ensemble des marques sur le Vieux Continent (296)." La politique de filialisation du constructeur allemand, notamment dans les grandes métropoles, a conduit à ce résultat. Aujourd'hui, Mercedes contrôle 15 % de ses opérateurs sur les 1 732 en place. Un ratio largement supérieur à celui des autres marques qui contrôlent environ 4,2 % de leurs investisseurs, représentant un total de 2 305 opérateurs.
La dernière chance pour les constructeurs d'exercer un contrôle ?
Au regard de l'importante réduction des réseaux européens (- 27 000 points de vente et - 9 000 concessions principales en 7 ans), Philip Wade se pose la question quant au réel impact de ces restructurations. Si tout semble laisser croire que le nouveau règlement européen accentuera le contrôle des constructeurs sur leurs distributeurs, l'auteur récuse cette hypothèse. "Lorsque l'on observe les vagues de restructuration, la mise en place de nouveaux standards, la première impression peut sembler bonne, mais elle est aussi inexacte", constate Philip Wade. "En réalité, poursuit-il, le nouveau "block exemption" constitue la dernière chance pour les constructeurs d'exercer un contrôle sur leurs distributeurs." En d'autres termes, les constructeurs ont été le plus loin possible dans la mise en place de standards et de barrières exigeantes pour s'assurer un dernier contrôle sur la distribution. Et Philip Wade de conclure : "D'ici quelques années, face aux réalités commerciales, on assistera inévitablement à des adoucissements de ces standards européens, voire à un retour en arrière."
Tanguy Merrien
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