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Constructeurs

Les défis qui attendent Ola Källenius à la tête de Daimler

Publié le 22 mai 2019

Par Christophe Jaussaud
4 min de lecture
Le Suédois, nouveau président de Daimler après 13 ans de règne de Dieter Zetsche, prend la tête d'un groupe redevenu solide mais confronté, comme d'autres, à la nécessité de lourds investissements pour entrer dans une nouvelle ère.
Dieter Zetsche et Ola Källenius, le 22 mai 2019, lors de l'assemblée générale des actionnaires de Daimler.

 

Ola Källenius, suédois de 49 ans, directeur de la recherche qui supervise à ce titre depuis 2017 le développement de la voiture électrique ou autonome, est devenu mercredi 22 avril 2019, à l'issue de l'assemblée générale des actionnaires, le premier patron non-allemand de Daimler en cinq décennies.

 

Pour le groupe, le départ de Dieter Zetsche, 66 ans, marque aussi la fin d'une ère : le plus célèbre patron moustachu d'Allemagne a orchestré le difficile divorce avec Chrysler et mené le constructeur à la tête du marché mondial de l'automobile haut de gamme, via des restructurations parfois douloureuses pour l'emploi. "Sans M. Zetsche, Daimler n'existerait plus", tranche l'expert allemand en automobile, Ferdinand Dudenhöffer. "Il l'a sauvé de l'insolvabilité."

 

Mais son successeur reprend la barre en pleine tempête : le bénéfice a reculé de 30 % en 2018, les ventes déçoivent, le groupe reste englué dans le scandale des moteurs diesel truqués. Daimler a dû rappeler des centaines de milliers de voitures l'année passée et reste visé par des enquêtes et menacé par une amende anticartel, même si le groupe clame son innocence.

 

Après l'ingénieur de formation connu pour présenter les nouvelles Mercedes en jeans, baskets et sans cravate, Ola Källenius, au style vestimentaire plus traditionnel, doit incarner le renouveau écolo. Avec deux masters en finance, comptabilité et management obtenus à Stockholm et en Suisse, il a grimpé en 25 ans les échelons chez Daimler, en passant par les bolides de McLaren et de AMG pour accéder en 2015 au directoire, en tant que responsable des ventes de Mercedes.

 

Avant même l'annonce du retrait de Dieter Zetsche en septembre 2018, le groupe avait choisi Stockholm l'an dernier pour présenter sa première Mercedes entièrement électrique EQC, amorçant son tournant nordique. "La Suède sait faire plus que vendre des meubles, nous avons d'autres talents que les boulettes de viande ou Abba", avait alors écrit Ola Källenius sur le blog du groupe.

 

Plus récemment, l'honneur lui revenait de détailler l'ambition écologique de Damler : 50 % des recettes issues des modèles électrifiés d'ici 2030, et des usines européennes neutres en émissions de CO2 d'ici 2022. Réputé plus réservé que son prédécesseur, M. Källenius était aussi aux premières loges pour une alliance inédite entre rivaux. En effet, BMW et Daimler ont mis en commun l'année passée leurs services de mobilité, dont l'autopartage, et ont annoncé le développement en commun des prochaines technologies de conduite autonome. Le départ des Smart de leur berceau historique français au profit d'une alliance avec le chinois Geely, dont le président Li Shufu est actionnaire de Daimler, a également été attribué par les observateurs à l'influence du suédois, moins fan que Dieter Zetsche des "Bonzai Benz", ces petites citadines peu rentables.

 

Le nouveau patron sera surtout attendu dès les prochains mois pour détailler un programme d'économies similaire à ceux en vigueur chez le géant Volkswagen, où des milliers d'emplois seront supprimés, et BMW. "Les nouvelles technologies ont leur coût, la mobilité du futur deviendra plus chère et notre mission est de limiter l'impact pour les clients", a expliqué Dieter Zetsche devant les actionnaires. "Nous devons réduire les coûts et augmenter l'efficacité dans tout le groupe", a encore expliqué le président sortant, "pas satisfait" du "niveau actuel de rentabilité." Rappelons que Daimler vise une marge entre 8 % et 10 % d'ici 2021 pour sa division automobile, alors qu'elle était de 7,8 % en 2018 et devrait ressortir "entre 6 % et 8 %" cette année.

 

Car d'un constructeur à l'autre, les messages diffèrent peu : les investissements requis pour développer les véhicules électriques et autonomes sont très lourds et le contexte peu favorable, entre stagnation du marché et conflits commerciaux. "C'est la même chose pour tout le secteur : le monde n'est plus si beau qu'avant", résume Ferdinand Dudenhöffer auprès de l'AFP. Le virage électrique s'impose pourtant pour échapper à de lourdes amendes européennes en cas de dépassement des strictes limites d'émission de CO2 dès 2020 et les allemands tentent de rattraper la concurrence chinoise et américaine.

 

Une vaste réorganisation du groupe en trois entités distinctes, pour permettre "plus d'agilité", devrait notamment être votée et permettre "d'attirer de nouvelles sources de capital", même si le groupe dément vouloir mettre certaines activités en Bourse. Désormais, au sein de Daimler AG, Mercedes-Benz AG regroupera les voitures et les utilitaires, Daimler Truck AG les poids-lourds et Daimler Mobility AG les services financiers et offres de mobilité, comme l'autopartage.

 

"Beaucoup de choses ont été préparées" par Dieter Zetsche, estime Ferdinand Dudenhöffer. Sur certains points, comme la décarbonisation et l'électrification, "il faut juste accélérer". (avec AFP).

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