"L’équilibre des ventes met notre marque à l’abri des fluctuations"
Journal de l’Automobile. Où en est-on dans l’épopée de Kia ?
Benny Oeyen. Je dirais qu’il y avait l’ancien Kia et, depuis la révolution de 2006, il y a le nouveau Kia. Avant nous avions une technologie médiocre, un design qui ne valait guère plus, tout cela à un prix vraiment dérisoire. Nous avons changé grâce à des produits comme le Sorento, la Venga ou le Sportage et poursuivrons avec la commercialisation des nouvelles Picanto et Rio. Nous sommes à mi-parcours de notre plan produits.
JA. Comment cela se traduit-il sur le plan comptable ?
BO. Commercialement, cette transformation a été une réussite, permettant à Kia de doubler sa part de marché en Europe, à 2 %. Et elle croît toujours. Il y a six ans, la marque vendait 1 million de voitures, autant que Mazda. En 2010, nous avons dépassé les 2 millions d’unités. Cette solide progression s’observe sur de multiples marchés. Les constructeurs sont souvent très forts sur leur marché domestique et les exportations ne représentent qu’une petite partie de leur volume. Chez Kia, nous avons vendu, en 2010, 480 000 unités en Corée, 360 000 en Chine, près de 400 000 en Europe, Russie incluse, et environ 400 000 en Amérique du Nord. Un équilibre qui met notre marque à l’abri des fluctuations de telles ou telles zones commerciales.
JA. La prochaine marche se gravira-t-elle à la force d’un partenariat ?
BO. Je ne voudrais pas paraître présomptueux, mais le groupe Hyundai-Kia n’a nul besoin de se rapprocher d’un autre constructeur. En tant que 5e constructeur mondial, nous avons les ressources nécessaires sur le plan de la recherche et du développement et mettons au point nos propres technologies. Nous réalisons nos propres moteurs, qu’ils soient essence ou Diesel, atmosphériques ou turbocompressés. Nous avons également les compétences en matière d’organes électriques et d’hybridation. Sur le plan marketing, nous voulons poursuivre notre démarche qui consiste à positionner Kia comme une marque proche du sport, notamment du football. Nous avons à ce titre prolongé nos accords avec l’UEFA et la Fifa, afin d’assurer notre visibilité respectivement jusqu’en 2016 et 2022. Cette stratégie coûte cher mais les retours sont évidents, d’autant que la notoriété de la marque reste encore à asseoir.
JA. Vous évoquez votre avancée dans les technologies d’avenir, qu’est-il prévu pour l’Europe ?
BO. Nous pensons que les technologies dépendent avant tout des marchés. Ainsi, aux Etats-Unis, il est pertinent de commercialiser des modèles hybrides, ce que Kia s’est décidé à faire avec l’Optima Hybrid. En Europe, le Diesel continue de dominer les ventes. Les gens ne veulent pas une technologie pour ce qu’elle est mais pour ce qu’elle apporte. Les clients veulent des moteurs peu gourmands, aux émissions faibles, mais surtout à prix réduits. Des exigences qui trouvent une réponse dans l’hybridation aux Etats-Unis et dans la diésélisation en Europe.
JA. Une auto comme l’Optima Hybrid n’apporterait-elle pas néanmoins un soutien marketing ?
BO. Assurément, elle aurait un impact. Nous réfléchissons sérieusement à l’importer, ce qui ne serait pas compliqué. Cependant, le Diesel a encore une belle marge de progression sur le plan des émissions et fait encore concurrence à l’hybride, plus cher en prix facial.
JA. Qu’en est-il des ventes à sociétés ?
BO. C’est un des axes de progression de la marque. Nous vendons aujourd’hui près de 90 % de nos produits à des clients particuliers, contre 50 % en moyenne sur le marché. Nous devons donc faire des efforts sur le canal B2B. Kia se heurte à une barrière culturelle : dans les différents pays, les sociétés privilégient les constructeurs nationaux. En Allemagne, Bosch fait appel à des marques allemandes. En France, EDF donne l’avantage à Renault. Notre stratégie de ventes flottes en Europe se concentrera donc sur les TPE et PME. Kia a maintenant une gamme compétitive, composée de produits qui répondent aux besoins des entreprises, du simple employé aux cadres. Je pense donc qu’à la fin de cette année nous serons en mesure d’investir ce créneau.
JA. Que vous manque-t-il dans la gamme ?
BO. Ma fonction m’offre une visibilité sur le plan produits et sur la communication. Si la communication est importante, le produit doit garder la priorité. Il nous manquait jusqu’à présent un modèle compétitif sur le segment B, ce qui est préjudiciable quand on aspire à accroître les volumes. A plus long terme, il nous faudrait sûrement une voiture sportive, porteuse d’une image forte. Nous devons proposer des voitures qui suscitent l’émotion. Pour marquer les esprits, il faut un cabriolet séduisant, un coupé ou une version sportive d’un modèle de la gamme. Nous devons aussi sortir des produits, comme un monospace compact, qui nous fera accéder au rang de généraliste. Mais pour le moment, chez Kia, l’heure est à l’optimisme et à la consolidation de nos acquis sur les segments A, B, C et D.
JA. Quel est le mot d’ordre pour les concessionnaires ?
BO. Le développement des réseaux est laissé à l’appréciation des filiales. Avec quelque 2 000 points de vente en Europe, nous estimons que notre couverture a atteint un seuil acceptable. En France, l’objectif est de compter 200 concessions. Deux sujets restent à traiter. D’abord, la représentativité dans certaines zones laissées désertes. Ensuite, la qualité des affaires. Trop de concessionnaires n’ont pas suivi notre montée en puissance. Ils sont à l’image de l’ancien Kia que j’évoquais en préambule. Ils manquent d’espaces d’exposition, ils n’ont pas les bonnes attitudes, ni les méthodes de travail. Pour passer un cap, il nous faudra des concessionnaires disposés à nous accompagner, sinon il faudra s’en séparer.
JA. Les standards traduisent-ils ces exigences ?
BO. Au fil du développement du plan produits, nous anticipons les futures exigences dans les standards. La gamme s’allonge et les showrooms doivent s’adapter. Là encore, ce sont les filiales qui auront la charge de faire appliquer le plan.
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