L'électrique laissera des traces
S'il est clair que la montée en puissance des véhicules électriques aura un coût financier élevé, comme l'a souligné le 20 mars 2019 un rapport parlementaire français, elle pourrait aussi avoir un coût humain important. En effet, en Allemagne, à l'occasion de la présentation des résultats financiers, la quasi-totalité des constructeurs ont annoncé réduire la voilure. Certes, il n'y aura pas de licenciements secs dans la plupart des cas mais les départs en retraite ne seront pas compensés.
Les plans d'économies sont de retour. A Wolfsburg, Stuttgart, Munich ou Ingolstadt, sièges respectifs de Volkswagen, Daimler, BMW et Audi, les messages diffèrent peu : les investissements requis pour développer les véhicules électriques et autonomes sont très lourds et le contexte peu favorable, entre stagnation du marché, conflits commerciaux et Brexit.
Ainsi, BMW a annoncé un plan de 12 millions d'euros d'économies d'ici 2022. La marque VW, en plus d'un plan global d'efficience, ne devrait pas renouveler 5 000 à 7 000 postes d'ici 2023. Depuis 2016, plus de 18 000 ont déjà disparu. Le but étant toujours le même : retrouver une rentabilité plus élevée afin d'avoir les moyens d'investir dans cette transformation de l'industrie automobile. Daimler, après une "année difficile" selon son patron Dieter Zetsche, prévoit également une série de "contre-mesures" pour doper la rentabilité, qui devraient être précisées au printemps.
S'y ajoutent des coupes chez Ford (5 000 emplois en Allemagne), Opel et les équipementiers, dont les 2 000 suppressions de postes annoncées le 18 mars 2019 chez l'allemand Leoni, alors que l'industrie menace depuis des mois de devoir sacrifier des dizaines de milliers de postes sur l'autel de la transition électrique, sur les 800 000 du secteur en Allemagne. La question se posera aussi en France d'ici peu.
Cette branche reine de l'industrie allemande s'engage donc à marche forcée dans l'électrification des motorisations, contrainte de réduire rapidement ses émissions de CO2 pour respecter des limites imposées par l'Union européenne à partir de 2020 et encore durcies à l'horizon 2030, sous peine de pénalités financières. Pour échapper aux amendes, les ventes de voitures électriques doivent décoller sur les principaux marchés européens. Mais cette nouvelle direction s'annonce comme un long chemin semé d'embûches. D'autant plus que "les subventions actuelles, les plans de développement des infrastructures de recharge et le cadre réglementaire actuel ne suffisent pas pour atteindre les objectifs environnementaux européens et allemands", selon un document interne de Volkswagen, que l'AFP a pu consulter.
"Les nouveaux concurrents aux Etats-Unis et en Chine accélèrent énormément", a concédé mercredi 20 mars, le patron du groupe VW, Herbert Diess, devant des employés à Wolfsburg. "Quand je reviens en Allemagne, je sais que nous ne sommes pas encore assez préparés", a-t-il lancé. "Ça me fait peur." C'est justement la fuite, en début de semaine, du document interne de VW qui a ouvert un conflit, inhabituellement public, entre constructeurs et équipementiers.
Herbert Diess y réclame un changement de position de la puissante fédération des constructeurs automobile allemands (la VDA) qui se dit pour l'heure ouverte à toutes les technologies : électrique, hybride, gaz naturel, hydrogène, mais aussi les moteurs diesel... tout est bon tant que baissent les émissions de CO2. Mais pour Volkswagen, tous les efforts doivent se focaliser sur la voiture électrique. "Il ne faut pas confondre la stratégie d'un seul groupe avec celle de toute la branche", a rapidement répondu le patron de l'équipementier ZF dans une interview au quotidien Tagesspiegel.
Le premier groupe automobile mondial propose plus précisément de concentrer les subventions sur les plus petites voitures électriques. Ce qui reviendrait à subventionner la gamme VW, peste une source munichoise. De manière générale, la concentration sur les voitures électriques au détriment des autres solutions n'est pas la bonne, a riposté de son côté le patron de BMW. Les constructeurs qui ne poursuivent pas la piste de l'hydrogène, par exemple, prennent le risque de se voir exclus de certains marchés, a-t-il expliqué. Pour tenter de désamorcer le conflit, les trois patrons et le président de la VDA ont prévu une conférence téléphonique. (avec AFP)
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