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Constructeurs

Le parti pris du Premium

Publié le 17 juillet 2009

Par Alexandre Guillet
10 min de lecture
Articulé autour de trois marques, le groupe mise essentiellement sur l'expansion du Premium dans le monde, notamment sur les marchés dits émergents. Et récession durable ou sortie de crise, Norbert Reithofer s'arc-boute sur l'indépendance...
...du groupe et sur un dessein formalisé dans la stratégie 2020 "Number One". Repères.

Un portefeuille produits exclusivement Premium

Au-delà du piteux et coûteux épisode Rover, le groupe BMW s'est construit un portefeuille de marques très cohérent et délibérément positionné sur le haut de gamme au cours des années 90. En bas de la pyramide, on trouve Mini dont les tarifs restent néanmoins élevés. C'est précisément la clef du succès d'un revival qui n'était pas sans péril au départ. Au niveau du style, les équipes du groupe ont su jouer habilement la carte du changement dans la continuité, en s'inspirant notamment de la méthode de Porsche pour les 911. En revanche, du point de vue du marketing et de la communication, l'univers Mini a été radicalement réorienté vers des codes contemporains et des cibles socioprofessionnelles très précises. L'identité de la marque est très forte et le cas Mini est aujourd'hui enseigné dans bien des écoles de commerce et de communication. D'ailleurs, les équipes Mini avaient elles-mêmes été dépassées par le succès du modèle au début des années 2000 et avaient fait appel à un prestataire extérieur (Executives Online) pour réduire les coûts de production et améliorer la gestion des ressources humaines, afin de pouvoir répondre à la demande dans le respect du cahier des charges financier. Toutefois, plusieurs questions restent en suspens par rapport à l'avenir de Mini, qui vient de fêter ses 50 ans sur le mode en vogue de la communauté qui n'est pas sans rappeler la stratégie de Fiat avec la 500. La juste mesure de l'élargissement de la gamme reste difficile à trouver, le modèle Porsche conversant avec celui de Smart. Toutefois, l'émergence brutale de problématique environnementale dans la société ouvre de nouvelles perspectives à la marque. Selon toute vraisemblance, elle va se diversifier vers des solutions urbaines qui lui correspondent, notamment des micro-citadines mues par une propulsion électrique. La E-Mini, en test aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, représente l'amorce d'un programme plus vaste baptisé i - véhicule Megacity. Norbert Reithofer, président du directoire de BMW, a confirmé en mai dernier que "la commercialisation de ce type de véhicule verrait le jour dans la première moitié de la décennie à venir". La partie centrale de la pyramide est représentée par la gamme très homogène de BMW. A ce propos, il convient de saluer la stratégie de diversification pilotée par Helmut Panke (Série 1, X5 puis X3), et aujourd'hui poursuivie par Norbert Reithofer. Sans oublier l'ambitieux chantier mené à bien sur le front du design par Chris Bangle qui vient de passer le relais à Adrian van Hooydonk. Fidèle à ses valeurs traditionnelles (robustesse, confort, sportivité…), la marque est passée maître dans l'art de gérer l'introduction des innovations. Le programme Efficient Dynamics en est sans doute la plus remarquable illustration. Et comme l'après-vente, certes perfectible, n'en reste pas moins au diapason, la fidélisation des clients se révèle très efficace. Dans les études d'ISC, la marque est ainsi toujours bien placée, même si Toyota et surtout Lexus restent régulièrement devant. Mis à part Lexus, BMW croise surtout le fer avec ses meilleurs ennemis, Audi et Mercedes-Benz. La compétition avec Audi est volontiers mise en avant par les dirigeants des deux marques et le lancement de l'A1 pourrait bien bousculer la donne dans les années à venir, d'autant qu'il devient difficile de trouver des lacunes dans la gamme BMW. Enfin, au sommet de la pyramide, on retrouve Rolls-Royce. Extrêmement élitiste, la marque a su retrouver un nouveau souffle, notamment par l'intermédiaire d'une évolution stylistique conservant les silhouettes et les volumes tout en modifiant radicalement la perception produits. Comme l'ont démontré les résultats commerciaux de 2008, la marque sait pouvoir tirer actuellement profit de l'ouverture de nouveaux marchés, notamment l'Inde et la Chine, comme en témoigne aussi l'actualité de sa distribution. Tom Purves, président-directeur général de la marque, a d'ailleurs choisi le Salon de Shanghai pour dévoiler le nom de la nouvelle gamme RR4, un tantinet plus accessible, à savoir "Ghost".

Face à la crise

Après plusieurs années records, le groupe n'a naturellement pas été épargné par la crise. "Au second semestre 2008, les effets négatifs de la crise économique et financière sur les volumes, les prix et l'activité leasing se sont fait sentir. La situation s'est dégradée mois après mois et au 4e trimestre, nous avons pu mesurer toute l'ampleur de la crise", commentait récemment Norbert Reithofer. Les ventes se sont maintenues à un niveau élevé (1,43 million d'unités, 2e meilleure performance de l'histoire du groupe avec des records pour Mini et Rolls-Royce) et le groupe est resté profitable. Cependant, les résultats financiers ont nettement fléchi : chiffre d'affaires en baisse de 5 % par rapport à 2007, à 53,2 milliards d'euros, et bénéfice net en chute libre de 90 % par rapport à l'exercice précédent, à 330 millions d'euros. Des éléments extraordinaires, à hauteur de 2,4 milliards d'euros, expliquent aussi ce recul (provisions pour se prémunir contre le risque des valeurs résiduelles et des pertes crédit et programme de compensation GRH). "Chacun sait que nous avions des objectifs beaucoup plus ambitieux, mais je tiens à souligner que nous résistons beaucoup mieux que la plupart de nos concurrents", martèle Norbert Reithofer qui met aussi en avant la solidité financière de groupe. A fin 2008, BMW disposait de 8,1 milliards d'euros de liquidités, niveau porté à 10 milliards à la fin du 1er trimestre 2009, et son cash-flow demeure aussi positif, environ 220 millions d'euros. Soulignons encore qu'il n'y a pas de problème de dette. Pour affronter la crise, le groupe recueille aussi les fruits de son plan de réduction des coûts amorcé dès la mise en œuvre du plan Stratégie Number One. Les coûts fixes étaient d'ores et déjà moindres en 2008 qu'en 2007 et l'effort se poursuit bien entendu cette année. La réduction des coûts fournisseurs va bon train et l'objectif d'une économie de 4 milliards d'ici 2012 sera dépassé. Ce qui inspire cette formule à Norbert Reithofer : "Nous tuons deux oiseaux avec une seule pierre : d'une part, nous optimisons notre structure de coûts et d'autre part, nous préparons des bases saines pour notre profitabilité dans les années à venir". Enfin, comme tous les constructeurs, BMW a dû prendre des mesures drastiques sur l'emploi et le coût des effectifs. Chômage technique pour adapter la production à la demande et déstocker et plan de suppressions d'emplois. En une année, les effectifs du groupe ont diminué de 7 498 salariés pour une économie future estimée à 500 millions d'euros par an.

Des ventes mondiales en baisse de 19,5 % au 1er semestre 2009

Si le groupe peut se féliciter d'avoir rapidement réagi face à la crise, Norbert Reithofer ne cache pas pour autant qu'il "est encore beaucoup trop tôt pour apercevoir le bout du tunnel". Ainsi, sur les six premiers mois de l'année, les ventes du groupe ont baissé de 19,5 %, à 615 454 unités (contre 764 874 au 1er semestre 2008). BMW recule de 19,4 % (513 591/637 569), Mini de 19,9 % (101 534/126 810), tandis que Rolls-Royce dévisse de 33,5 % (329/495). Cependant, en juin, l'érosion de l'activité commerciale a été moins abrupte pour BMW (- 13,4 %) et Mini (- 8,9 %) et Ian Robertson, directeur ventes et marketing de BMW AG et membre du board du groupe, estime que "les nouveaux modèles comme la Série 5 Gran Turismo et le X1 vont générer un nouvel élan au 2nd semestre, d'autant que les débuts du nouveau Z4 et de la nouvelle Série 7 sont prometteurs". Si le marché français reste en berne, BMW et Mini ont progressé en Allemagne en juin (+ 15,4 % à 30 032 véhicules, ce qui permet de juguler la baisse sur le 1er semestre à 8,8 %), notamment grâce à la Série 1 et la Série 5. Aux Etats-Unis, si les volumes s'affaissent (- 27,6 % au 1er semestre), BMW et Mini grignotent des parts de marché. "Pour la première fois, nous sommes passés devant Lexus cette année et nous nous affirmons comme le leader des marques Premium. C'est un marché capital pour notre groupe et il recèle encore un fort potentiel. C'est pourquoi nous y investissons fortement. 750 millions de $ sont alloués à l'extension de notre usine de Spartanburg et nous y produirons le X3. Parallèlement, notre réseau prévoit un investissement total de 300 millions d'euros cette année", souligne Norbert Reithofer (voir aussi l'entretien exclusif de Ian Robertson p 32-33). Par ailleurs, la Chine s'affirme comme un foyer de croissance, d'autant plus fécond que les volumes du groupe demeurent modestes (37 627 ventes au 1er semestre à + 24,1 %). "En Chine, le segment Premium ne représente pour l'heure que 2 % du marché. A nous de capitaliser sur nos forces pour aider au développement de ce segment", commente Norbert Reithofer. Enfin, le groupe poursuit la construction de ses fondations en Inde et au Brésil (avec respectivement + 11,8 % à 1 747 unités et + 28,1 % à 1 832 unités au 1er semestre).

D'Efficient Dynamics aux énergies alternatives

A cette période charnière de l'industrie automobile, la projection vers l'avenir ne se limite pas au gigantesque enjeu commercial des pays émergents, mais comprend bien entendu le sensible volet des énergies alternatives et des nouveaux modes de mobilités en gestation. Jadis à la traîne dans les classements environnementaux, BMW avait déjà frappé les esprits avec Efficient Dynamics, prenant notamment un - petit - coup d'avance par rapport à ses concurrents directs. Les différentes équipes commerciales et marketing surent transformer l'essai auprès des flottes. En Allemagne par exemple, la consommation moyenne des véhicules BMW et Mini s'affiche à 5,9 l/100 km pour des émissions de 158 g/km. 49 modèles BMW et Mini satisfont d'ores et déjà aux normes Euro 5. "Nous devons capitaliser sur Efficient Dynamics pour encore nous améliorer, tandis que nous devons simultanément nous positionner sur les nouveaux concepts de mobilités et les nouvelles technologies. Cette problématique inclut l'hybridation, le véhicule électrique, mais aussi des solutions pratiques liées aux usages dans les mégapoles. Sans oublier, à plus long terme, l'hydrogène", indique Norbert Reithofer. Avant la fin de l'année, BMW proposera un mild hybride avec la Série 7 et un full hybride via le X6. Volumes réduits mais symbole fort, notamment par rapport à Lexus sur le marché nord-américain. Sur le front du VE, le groupe communique avec force sur la E-Mini qui n'est pourtant pas promise à une commercialisation intensive. D'ailleurs, Norbert Reithofer tient à recadrer le débat : "La mobilité électrique suscite de formidables attentes, mais il convient de rester raisonnables car il faudra encore beaucoup d'années avant que les véhicules électriques soient une chose ordinaire sur les routes. D'une part, le VE ne répond pas exhaustivement à toutes les demandes de mobilité. D'autre part, de nombreux problèmes doivent encore être résolus : les coûts, les batteries, les infrastructures, mais aussi la construction d'une filière et la fiabilisation des process…". Réaliste, mais déterminé puisque Norbert Reithofer annonce les premières applications concrètes du projet i - Megacity Véhicule à un horizon 2011-2015. Dans une perspective à beaucoup plus long terme, le groupe travaille aussi sur l'hydrogène, ayant choisi la voie de l'hydrogène liquide, sans doute la plus complexe… Ce qui reporte aux calendes grecques, voire aux oubliettes, les applications concrètes. Mais dans ce domaine, bien des partenariats sont encore à naître.

Photo : Norbert Reithofer n'est pas forcément d'accord avec Sergio Marchionne : "Un groupe de grande taille n'est pas la garantie du succès. On a d'ailleurs vu des groupes produisant des millions de véhicules s'effondrer comme des châteaux de cartes. Notre objectif est clairement
de rester indépendant".

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