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Constructeurs

Koolicar : "PSA nous demande des clés de compréhension"

Publié le 19 décembre 2016

Par Gredy Raffin
9 min de lecture
Symbole d'un PSA qui prépare son avenir, Koolicar nourrit des projets à foison, à conjuguer au futur proche. Le président-fondateur, Stéphane Savouré, a ouvert les portes de son siège parisien en travaux d'agrandissement pour nous les détailler. Entretien.

 

JOURNAL DE L'AUTOMOBILE. Koolicar est impliqué, depuis quelques jours, dans une opération baptisée "2 mois sans ma voiture" à Grenoble, pouvez-vous nous en dire davantage ?

 

STEPHANE SAVOURE. Il s'agit d'un projet, à Grenoble mais aussi à Dijon, qui réunit l'ensemble des acteurs locaux de la mobilité. Nous essayons ensemble de promouvoir la mobilité partagée, aux dépends de la propriété. Nous cherchons des volontaires qui acceptent de lâcher leur voiture pendant deux mois et de se déplacer grâce aux nouvelles solutions, dont Koolicar, l'autopartage, le vélo ou encore les transports en public.

 

JA. Quels sont les indicateurs clés ?

 

SS. Le résultat de l'opération est atteint si une majorité des 130 volontaires concluent la période avec la satisfaction d'avoir pu se déplacer sans difficulté. De manière plus concrète, à la fin, nous allons les voir en leur proposant, au choix, de récupérer les clés de leur voiture personnelle ou de la céder contre un chèque. L'an passé, nous avions initié ce projet à Bordeaux et Niort. Nous n'avons pas encore les statistiques définitives, mais sept personnes se sont débarrassées de leur voiture et seulement seize se sont montrés réfractaires à céder leur automobile.

 

JA. Que cela traduit-il ?

 

SS. Nous essayons de démontrer qu'il n'y a pas de perte d'autonomie. Nous confirmons l'évolution des comportements : l'usage l'emporte sur la propriété désormais. En revanche, le passage à l'acte n'est pas encore évident, en dépit de la bonne perception. Nous cherchons à identifier les meilleurs éléments incitatifs, notamment en suivant de près les volontaires engagés dans nos programmes. Nous voudrions avoir une palette de solutions d'approche, afin de séduire chacun en fonction de ses attentes.

 

JA. Quel est le profil des utilisateurs ?

 

SS. ll n'y a pas vraiment de profil type. Le client de Koolicar appartient à la catégorie des CSP+. Il y a plus de femmes, à hauteur de 60%. L'âge moyen des inscrits est de 38 ans, avec toutefois des personnes de plus de 80 ans, en majorité des propriétaires. On observe que les personnes âgées apprécient Koolicar pour le sentiment de se rendre utile en partageant sa voiture, pour le lien social et pour l'appropriation de l'univers digital dont elles se sentent trop souvent exclues.

 

JA. Quel type de voiture trouve-t-on désormais ?

 

SS. Tous les segments sont représentés. En raison des critères d'éligibilité, les véhicules ont moins de 8 ans, mais avec la Maif et IMA, nous sommes en train de préparer l'ouverture à ceux de plus de 10 ans.

 

JA. Quelles seront alors les nouvelles conditions ?

 

SS. Les voitures de moins de 120000km pourront être inscrites et nous accepterons qu'elles roulent jusqu'à 150000km. Au-delà, elles sortiront du service pour garantir la qualité de Koolicar.

 

JA. Comment se passent les relations avec PSA ?

 

SS. En 2011, quand nous démarchions les constructeurs avec notre technologie, les portes restaient closes. Les investissements de PSA prouvent que les temps ont changé. Je pense quand même qu'ils sont particulièrement en avance dans le rapport à entretenir avec les start-up. Il y a encore quelques jours, Carlos Tavares (président de Groupe PSA, NDLR) nous a rendu visite avec plusieurs questions. Il cherche à évaluer comment des modèles d'affaires comme le nôtre vont impacter le sien ou encore comment ses clients traditionnels conçoivent la mobilité. PSA ne nous demande pas de rapport d'activité, mais des clés de compréhension.

 

JA. Et selon vos convictions, vers quoi se dirige-t-on ?

 

SS. La mobilité sera logée dans un smartphone, et on commandera au besoin un véhicule qui sera autonome et optimisera ses trajets en fonction de la demande. Imaginez ce que cela veut dire pour un constructeur : l'automobile aura toujours un rôle à jouer, mais le client sera un opérateur de mobilité et non plus un particulier. Et je pousserai la réflexion encore plus loin en imaginant que le service sera gratuit, financé par d'autres moyens, dont la publicité. Cela soulève plusieurs questions sur les modèles économiques et l'impact sociétal.

 

JA. Cela fait peser un risque sur votre propre système qui est fondé sur la propriété du véhicule à partager ?

 

SS. Non, car notre service n'est qu'une étape vers quelque chose de plus drastique, à savoir la mobilité autonome. Pour être prêt à jouer un rôle majeur, il faut avoir appris le métier de la mobilité. Effectivement, on vend des services à des locataires, mais si, demain, il faut être propriétaire des véhicules à mettre à disposition, alors on prendra les mesures qui s'imposent.

 

JA. Vous êtes entrés dans le réseau Peugeot, imaginez-vous les concessionnaires devenir les propriétaires inscrits sur la plateforme de Koolicar ?

 

SS. Oui, très clairement. Nous sommes en train de concevoir des services qui vont dans ce sens. D'ailleurs, d'autres marques que Peugeot peuvent avancer dans cette voie avec nous. Je pense que les métiers de la distribution et de la réparation mutent, certains se montrent visionnaires et se rapprochent de nous. Je reste convaincu qu'ils sont les mieux placés pour faire la promotion de nos solutions de mobilité auprès du grand public.

 

JA. Peut-on en savoir davantage ?

 

SS. Non, car, pour le moment, nous sommes en phase de design. Ces idées se trouvent sur des planches à dessin.

 

JA. A fin 2016, pouvez-vous nous donner des chiffres d'activité ?

 

SS. Il y a plus de 200000 membres inscrits sur la plateforme, soit quatre fois plus qu'il y a un an. 40000 véhicules sont disponibles, dont 1300 sont déjà équipés avec une de nos Box. A fin 2017, nous pensons qu'ils seront entre 500000 et un million, et nous les aurons, car il y a une appétence du marché qui joue en notre faveur.

 

JA. Sur le tableau derrière nous, il est justement inscrit "Growth hacking" en titre. Quelle est votre ligne stratégique pour augmenter la taille de la communauté ?

 

SS. La croissance passera par un réseau de 2000 centres PSA en charge de l'installation des boîtiers. Plus tard, nous travaillerons sur une expansion internationale, par forcément qu'en Europe, car l'Asie et l'Amérique du Nord pourraient nous intéresser. Nous voulons aussi rendre le service addictif par une expérience client exceptionnelle, grâce à une interface ultra-simplifiée développée à Montréal.

 

JA. Comment allez-vous encore améliorer l'expérience ?

 

SS. Nous avons entamé des travaux afin d'ajouter un boîtier qui va apporter des éléments nouveaux aux clients de Koolicar. Celui-ci permettra de récupérer plus de données du véhicule, de les remonter vers le smartphone et de les traduire dans un tableau de bord, mais également de faire des recommandations.

 

JA. De quelle sorte ?

 

SS. Nous allons utiliser la géolocalisation pour aider les propriétaires à optimiser la mise à disposition. Notre rôle consiste à rapprocher l'offre et la demande. Parfois, il suffit de stationner la voiture quelques rues plus loin pour augmenter le taux de location.

 

JA. Allez-vous changer de fournisseur ?

 

SS. En fait, nous préparons la prochaine génération, qui doit être moins chère. Les boîtiers proviennent de cinq sources différentes.

 

JA. Kuantic prétend être entré en négociation avec vous, qu'en est-il ?

SS. Comme d'autres, Kuantic figure dans une liste de fournisseurs avec lesquels nous discutons des accords, en vue de les rendre compatibles avec le logiciel de Koolicar. Notre ambition étant de nous embarquer d'origine dans le véhicule. Il faudrait qu'à la livraison d'une voiture, le client soit informé de la disponibilité du service et invité à valider l'activation sur la plateforme, comme on télécharge une application dans un smartphone à la sortie de son emballage.

 

JA. A quand cette concrétisation ?

 

SS. Nous pensons y parvenir entre 2017 et 2018. Ce sera une fenêtre de tir très importante à bien des égards. Il y a une véritable émulation sur le marché.

 

JA. L'économie du partage intéresse le politique, est-il possible de nous éclairer sur la situation ?

 

SS. C'est un véritable sujet de réflexion. Le président de la République a mandaté le député de l'Ardèche, Pascal Terrasse, pour réaliser un rapport. Ses recommandations finales sont extrêmement pertinentes et nous déplorons que les projets de lois en discussion aujourd'hui, notamment au Sénat, n'en tiennent pas compte. Ce qui est d'autant plus regrettable que, dans le secteur des transports, qui est le nôtre, la France a une véritable avance à l'échelle mondiale grâce aux investissements réalisés et au support apporté aux jeunes entreprises.

 

JA. Que trouviez-vous de si pertinent ?

 

SS. Il était rappelé que l'économie du partage touche tous les secteurs, sans exception. Que dans le cas de la mobilité et des transports, l'enjeu va bien au-delà du partage des coûts, puisque la notion de développement durable entre en ligne de compte. Il faut considérer tous les bénéfices et encourager les démarches. Il faut donc une loi pour encadrer l'économie collaborative et appliquer des décrets secteur par secteur.

 

JA. Reconnaissez-vous néanmoins la complexité du dossier pour des non-initiés ?

 

SS. Nous sommes dans le partage de frais. Il faut définir si le membre de notre communauté s'inscrit pour partager ses frais de possession d'un véhicule ou s'il vient tirer profit d'un système. Le législateur a tendance à croire que la deuxième option fait état de règle, sous forme d'activité professionnelle déguisée. Partager de façon régulière, c'est beaucoup mieux que de manière occasionnelle, et cela ne doit pas être systématiquement assimilé à une quête de profit. Pascal Terrase a très bien cerné le sujet et a suggéré d'encadrer la traduction des montants pratiqués.

 

JA. Il vous appartient de participer de la clarification…

 

SS. Seul le bénéfice est à taxer. La plateforme aura un rôle de tiers de confiance qui aide à définir le prix juste.

 

JA. Qu'en est-il du rapport avec le CNPA ?

 

SS. Rien n'est encore défini, nous discutons simplement. Nous apprenons à nous connaître. Il s'intéresse à notre activité de partage de la mobilité. Notre intérêt serait de pouvoir accéder à des réseaux ou à des politiques, pour plaider notre cause.

 

JA. Cela ouvre le champ des possibles. Que se dessine-t-il en termes d'écosystème de services ?

 

SS. Nous voulons ajouter des services divers comme le convoyage, l'entretien, des jockeys… A partir du moment où nous avons la technologie qui permet d'ouvrir une voiture à distance, nous pourrions proposer du nettoyage, de la réparation de carrosserie ou de l'entretien mécanique, le tout facturé directement sur Koolicar. Ce qui apparaitra en 2017 ou 2018, au terme de la phase de test que nous menons avec des vrais membres, en région parisienne.

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