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Constructeurs

Kaizen : le bon sens près de chez… Ford

Publié le 21 janvier 2005

Par Tanguy Merrien
6 min de lecture
Basé sur l'amélioration continue, le système Kaizen a fait ses preuves dans les entreprises japonaises. Aujourd'hui, ses fondements sont appliqués dans certaines sociétés occidentales, dont Ford, qui a toujours cherché à optimiser sa productivité. "En réalisant quelques aménagements...
Basé sur l'amélioration continue, le système Kaizen a fait ses preuves dans les entreprises japonaises. Aujourd'hui, ses fondements sont appliqués dans certaines sociétés occidentales, dont Ford, qui a toujours cherché à optimiser sa productivité. "En réalisant quelques aménagements...

...ici et là, vous pourriez augmenter votre productivité de 40 %." En entendant ces mots, Henri Halais, directeur du Centre national logistique pièces de rechange de Ford à Estrées (60), s'est demandé à qui il avait affaire. Depuis trois jours, une équipe de l'Institut Kaizen observait en effet chaque fait et geste des employés du centre. Chaque mouvement, déplacement et autres habitudes de vie ont été étudiés à la loupe, le but du jeu étant de comprendre la manière dont les salariés travaillaient individuellement et collectivement. C'était en 2001. Depuis, le système Kaizen fait partie intégrante du site qui emploie 195 personnes sur une surface de 36 000 m2, détient 33 000 références et travaille avec 350 clients. "Avec l'aide de l'Institut, explique Henri Halais, nous avons entrepris au sein du site un véritable travail collectif, en plusieurs étapes. Nous avons mis en place un certain nombre de réunions au cours desquelles chacun pouvait s'exprimer : expliquer son travail, ce qui lui faisait perdre du temps, les conséquences sur le travail des autres… Une communication s'est établie entre toutes les personnes, et il a fallu peu de temps pour que des suggestions simples fusent de la part des employés, soit pour eux-mêmes, soit pour leurs collègues." Rapidement, les managers et les salariés ont pu constater de nettes améliorations au quotidien. Quelques exemples ? La zone de stockage des pièces est un espace où circulent et se croisent en permanence, à pied ou sur des chariots élévateurs pour transporter la marchandise, une dizaine de salariés, caristes, metteurs en casiers… Des quais permettent aux transporteurs de charger et décharger leurs marchandises. Ces quais sont surmontés d'une lettre (A, B, C…) visible en hauteur, ce qui permet à la personne devant vérifier le stock de ne plus chercher le camion par sa plaque d'immatriculation (gain de temps). Certains bureaux au sein de la zone ont été déplacés et regroupés à un endroit spécifique, simplement pour améliorer la vision et la communication, ce qui permet de résoudre les problèmes plus rapidement et de dégager de la surface pour accueillir d'autres activités supplémentaires, dédiées notamment à la promotion et à la communication de la marque. Les chariots de récupération marchandises sont pré-triés, avec un système de lettres permettant un repérage plus rapide pour y disposer les lots (gain de temps, moins d'erreurs et de casse). Les exemples sont nombreux et l'on ne peut s'empêcher de penser… qu'il suffisait justement d'y penser.

Vers une amélioration continue

"Les solutions que nous avons mises en place viennent des employés eux-mêmes et relèvent toutes du bon sens", lance Henri Halais, qui poursuit : "Nous oublions trop vite ce qu'est le bon sens dans nos entreprises, tant nous sommes habitués à travailler d'une certaine manière, depuis longtemps, et surtout sans se poser de questions ?" En effet, les exemples cités précédemment font partie d'une liste plus longue de choses anodines appliquées ici et là, mais dont la somme globale concourt à améliorer continuellement la productivité. "Et sans investissements lourds", tient à souligner le directeur du site, qui s'explique : "Nous n'avons pas eu besoin d'automatiser le site avec du matériel dernier cri et coûteux. Cela ne nous empêche pas d'être très bien informatisés par ailleurs, mais nous mettons la technologie là où il faut. Nous la maîtrisons." Pas de scanner par exemple comme les collègues allemands, anglais ou espagnols, mais "une force au moins équivalente à tous ces systèmes, à savoir une réponse humaine et organisationnelle. Les autres systèmes sont rigidifiants. Pour preuve, notre taux de service est supérieur aux dépôts source qui tournent pourtant avec 130 000 références". Les fondements du Kaizen reposent sur plusieurs concepts très actuels dans nos sociétés : qualité totale, production en juste à temps, projets d'équipe… L'Institut Kaizen - qui existe en France depuis dix ans - entreprend un travail sur le long terme avec les entreprises. Un travail de longue haleine, basé sur l'amélioration continue et qui peut par conséquent durer plusieurs années. Son but est de supprimer le gaspillage, autrement dit tout ce qui n'apporte pas de valeur ajoutée, et de mettre en place des standards définissant la manière la plus facile et la plus sûre d'accomplir une tâche. La philosophie doit être comprise et acceptée de tous, chacun apportant sa pierre à l'édifice. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, le Kaizen n'est pas réservé au seul secteur industriel, mais est applicable dans tous les domaines, y compris les services comme les banques.

Toyota comme exemple

Comment l'Institut Kaizen a-t-il pu investir Ford ? Henri Halais répond : "A cette époque - en 2001 - une de nos managers au niveau européen venait tout droit de chez Toyota. Fervente pratiquante du système Kaizen, elle était convaincue des bienfaits du système. Elle a donc entrepris de l'appliquer chez nous." La clé de la compétitivité japonaise s'est donc introduite dans les rouages du constructeur américain. D'ailleurs, Ford s'est fixé un objectif de taille pour arriver à un résultat optimal : atteindre le niveau de Toyota, grand pratiquant de la méthode depuis plus de trente ans. Modeste, le site d'Estrées reconnaît être encore loin des résultats obtenus par le constructeur japonais. Réalistes, les dirigeants avouent également que Toyota va très loin dans l'application du système et qu'il serait impossible, culturellement parlant, d'en faire autant en Europe. Cependant, n'est-il pas ironique de penser que l'un des précurseurs de la productivité optimisée à outrance dans les années vingt aux Etats-Unis, grâce à la taylorisation des chaînes de fabrication, ce fordisme tant décrié dans les "Temps Modernes" de Charlie Chaplin, applique aujourd'hui certains préceptes japonais pour s'améliorer encore et toujours ? Oncle Sam au pays du Soleil Levant… Seule différence si l'on devait comparer les deux, le facteur humain chez Kaizen est pris en compte car ce dernier participe activement au succès du concept. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le site d'Estrées obtient les meilleurs résultats en taux de service (98,8 %), a augmenté sa productivité globale de 20 % en quatre ans, a gagné dans ses temps de réception marchandise 45 %, près de 400 m2 sur cette zone, et réduit de 28 % son taux d'erreur dans cette activité. Les autres sites de Ford Europe adoptent progressivement le système et l'expérience a également été tentée chez un concessionnaire de la marque…

Muriel Blancheton

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