Garantie de non-concurrence
...constructeurs s'accordent un quasi-monopole en après-vente au cours des premières années de vie du véhicule.
On aura sans doute du mal à croire que l'allongement de la durée de la garantie, qui devrait être considéré comme un avantage considérable pour les consommateurs, s'accompagne d'une réduction de la concurrence dans le domaine de l'après-vente. Pourtant, il en est bien ainsi, et "nous l'allons montrer tout à l'heure", comme disait l'autre, qui parlait, lui aussi, d'un loup et d'un agneau. Je vais donc, "tout à l'heure", démonter un mécanisme intéressant qui produit un effet pervers. Non sans avoir auparavant exprimé un doute : cette fois-ci, je ne suis pas tout à fait sûr que les constructeurs l'aient fait exprès. A moins que…
Réparateurs agréés, réparateurs indépendants, garantie
On le sait, seuls les réparateurs agréés peuvent effectuer les opérations en garantie et les autres opérations gratuites (rappels, par exemple). Les réparateurs indépendants sont exclus de ce type d'interventions. Par conséquent, en allongeant la durée de la garantie, les constructeurs réduisent d'autorité le potentiel de marché des indépendants. Ainsi, avec une durée de cinq ans, les réparateurs indépendants ne peuvent s'occuper, pour l'essentiel, que du parc le plus ancien (six ans et plus). Le mix des pièces de rechange qu'ils pourront utiliser s'appauvrira, leurs marges aussi. On pourrait objecter qu'il leur est possible de réaliser des interventions non incluses dans la garantie, y compris sur le parc récent. C'est vrai. Mais on sait bien que la fréquentation obligatoire de l'atelier du réparateur agréé pendant cinq ans facilitera la tâche de ce dernier pour tout type d'intervention. La concurrence est donc faussée. Les réparateurs indépendants peuvent certes, s'ils le veulent, devenir réparateurs agréés, ce qui est une façon de ne pas être exclus du jeu. Mais il y a les critères qualitatifs…
Les critères "killer", clé de voûte du mécanisme
Les critères qualitatifs ne devraient pas, affirme la Commission européenne, limiter directement le nombre des réparateurs agréés. Le fait est, cependant, qu'ils en limitent absolument le nombre. Directement ou indirectement, cela ne change rien pour les consommateurs, ni pour les réparateurs indépendants qui se trouvent empêchés d'évoluer vers le statut de réparateur agréé.
Nous avons donc la situation suivante :
a) "grâce" aux critères qualitatifs, les constructeurs limitent fortement le nombre des réparateurs agréés ;
b) par l'allongement de la période de garantie, ils contraignent les réparateurs indépendants à ne s'occuper que du parc ancien, le moins rentable ;
c) les réparateurs agréés sont donc doublement protégés, à la fois contre de nouveaux entrants dans leur catégorie et contre la concurrence que pourraient leur faire les réparateurs indépendants ;
d) les consommateurs ne peuvent pas faire jouer pleinement la concurrence dans le secteur de l'après-vente ;
e) à moyen terme, le nombre des réparateurs indépendants, condamnés à se battre sur un marché restreint et relativement peu rentable (surtout si la durée de la garantie augmente encore), est destiné à diminuer progressivement, réduisant encore la pression concurrentielle sur le marché. Tel est le mécanisme.
Une solution possible
Non, il ne faut pas revenir en arrière sur la garantie. Mais il faut éviter que la concurrence soit muselée et que l'on arrive à une situation où le "choix" du consommateur soit restreint, dans la pratique, à… un ou deux réparateurs agréés. La solution réside d'abord dans une révision vers le bas des critères qualitatifs, ce qui permettrait d'ouvrir les portes aux réparateurs indépendants désireux d'évoluer vers le statut de réparateur agréé. La concurrence ne s'en trouverait pas mal. Les consommateurs y trouveraient leur compte. Ce passage d'un statut à l'autre est essentiel pour la bonne santé du marché, mais… qui obligera les constructeurs à revoir leurs critères ? Ceci, à long terme, sans doute, pour leur propre intérêt, parce que la chute des marges sur la pièce de rechange rendra plus difficile le maintien sur pied d'un réseau agréé affligé de surinvestissements… et concurrencé par ceux qui, parmi les indépendants, exploiteront professionnellement les créneaux concurrentiels disponibles, en jouant sur les prix. Il y a aussi la Commission européenne. Si les critères qualitatifs actuels limitent indirectement la concurrence (ce dont je suis convaincu), il faut s'attendre à ce qu'ils ne durent pas trop longtemps.
Ernest Ferrari, consultant
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.