Entretien Jean-Marc Andre, exécutive vice président Electronics & Drivetrain division Siemens VDO
...ne sont encore résolus. Jean-Marc André revient sur ces enjeux et leurs conséquences permettant de mieux cerner l'avenir.
Journal de l'Automobile. Pourriez-vous nous expliquer la démarche de Siemens sur cette technologie hybride ?Jean-Marc Andre. Nous sommes effectivement très intéressés par cette technologie. Au-delà de l'effet de mode, il est évident qu'au vu des prix du pétrole, cette technologie va se développer. Le tout est de savoir à quelle échéance le marché va véritablement décoller. Aujourd'hui, seuls les constructeurs japonais font rouler dans nos rues de tels produits et les autres veulent combler leur retard. Toutefois, cette volonté ne va pas pour autant créer un marché de masse pour 2007 ou 2008. Ils veulent être prêts. Dans cette optique, Siemens VDO a été contacté pour réaliser des études, fournir des prototypes, développer des systèmes en vue d'une industrialisation qui se situerait entre 2007 et 2010.
JA. A quel stade de développement en êtes-vous aujourd'hui ?
J-MA. Nous avons déjà des projets avancés, mais cela dépend en fait des constructeurs eux-mêmes. Certains souhaitent une perspective série en 2007, d'autres en 2009 et cela sur toute la gamme hybride, c'est-à-dire micro, mild ou full hybride. Nous travaillons ainsi sur l'ensemble des visions constructeurs et force est de constater qu'elles sont plutôt hétérogènes. Une diversité qui s'explique en partie par l'effet régional. Par exemple, la technologie leader aux Etats-Unis, vraisemblablement du full hybride, ne le sera pas en Europe où le mild et le micro hybride devraient dominer. Une situation qui oblige Siemens VDO à être global technologiquement afin de pouvoir répondre à l'ensemble des technologies en fonction des pays et des constructeurs. Par conséquent, nous développons un ensemble de "briques technologiques" qui nous permettra de bâtir très vite, en fonction de l'évolution de marché, la bonne technologie au meilleur coût. De plus, nous développons l'ensemble des technologies à la fois sur les machines électriques, sur les technologies d'assemblages électroniques et sur les fonctions systèmes.
JA. Avec votre système de "briques technologiques", voulez-vous développer une technologie capable de passer d'un degré d'hybridation à un autre rapidement ?
J-MA. Ce n'est pas aussi simple que des legos ! En fait, il faut ramener cette réflexion au niveau de tension que demande un système hybride. Avec nos briques, nous allons avoir l'ensemble des technologies d'assemblages électroniques et des composants électroniques pour pouvoir bâtir un calculateur électronique à la tension souhaitée. L'électronique en elle-même n'est pas un problème, en revanche faire de l'électronique de puissance à un bas coût, en grand volume avec la fiabilité attendue par le public automobile, ça n'existe pas aujourd'hui. Le challenge actuel pour l'industrie automobile est le même que celui qu'a été l'injection électronique il y a 25 ans.
JA. La technologie hybride est-elle une première marche vers d'autres systèmes comme la pile à combustible ?
J-MA. D'une part, il faut effectivement accepter que le pétrole va devenir cher, mais nous ne sommes pas encore prêts d'avoir épuisé les ressources, donc le moteur thermique a encore de beaux jours devant lui. D'autre part, la technologie de la pile à combustible et tous systèmes à base d'hydrogène vont nécessiter des infrastructures que personne est à même de payer pour l'heure. Tant que nous sommes dans une situation combinant un pétrole cher et une technologie pile à combustible aux applications encore lointaines, 2020-2025, l'hybride va pouvoir être une technologie extrêmement intéressante.
JA. Quel que soit le système hybride, sera-t-il adaptable aussi bien aux mécaniques essence que Diesel ?
J-MA. Adapter notre technologie sur ces différentes mécaniques ne constitue en aucun cas un problème. Il s'agit vraiment du choix du constructeur. Il faut y voir d'avantage un problème de coût. On peut aborder le sujet sous plusieurs angles. Certains constructeurs considèrent que l'hybride n'a de sens qu'avec un moteur essence car le coût d'un moteur Diesel est déjà trop important pour y ajouter une nouvelle technologie et réussir à la vendre. D'autres, notamment les français, disent que si l'on veut atteindre les niveaux de consommations annoncés, de l'ordre de 3 à 3,5 litres aux 100 km, la seule solution est d'associer un moteur Diesel et un électrique. Nous fournirons la technologie souhaitée par le constructeur.
JA. Les surcoûts Diesel et l'électrique faisaient partie du discours de PSA il y a encore quelques années, qu'est-ce qui les a poussés à changer d'avis selon vous ?
J-MA. Ce n'est pas un réel changement, car il y a trois ou quatre ans, ils avaient déjà un projet hybride Diesel-électricité. Le problème a été de trouver l'adéquation entre le coût du système et le volume du marché. Au départ du projet, les volumes semblaient suffisants mais le jour de la mise en série, après trois années de développement, leurs études montraient que finalement dix fois moins de pièces seraient produites par jour. Le coût du système est devenu prohibitif.
JA. Si l'on part de l'hypothèse que Toyota perd de l'argent sur la Prius, quel est le surcoût que le marché pourrait tolérer ?
J-MA. Ce que fait Toyota aujourd'hui, à savoir mettre un surcoût sur le véhicule et le financer, peu de constructeurs peuvent se le permettre. Il semble donc que le surcoût synonyme d'acceptance du marché n'ait pas encore été trouvé. De plus, il y a un énorme problème dont personne ne parle aujourd'hui ouvertement : la durée de vie des batteries. Un véritable développement de l'hybride ne sera possible que le jour où la technologie des batteries sera telle que l'on pourra avoir une durée de vie suffisante pour couvrir la durée de vie du véhicule. Il ne faut pas se voiler la face, les batteries seront le facteur déclenchant. Nous pourrons lire cette technologie batterie à travers la vitesse de démarrage du marché.
JA. Concernant les batteries, quelle technologie semble aujourd'hui la plus à même de convenir à ce marché ?
J-MA. Nous n'avons pas encore tranché le débat. Toutefois une chose est claire, chez Siemens VDO nous cherchons des partenaires. Je reviens une nouvelle fois sur le fait qu'il faudra arriver à une durée de vie au coût acceptable pour le marché. Le problème des batteries aujourd'hui est qu'elles n'ont pas une durée de vie suffisante et qu'il faut les changer, donc cela représente un coût qui n'est pas acceptable.
JA. Avez-vous déjà planifié des dates de commercialisation pour vos systèmes hybrides ?
J-MA. Oui, nous nous sommes déjà fixé des objectifs. Ceci étant, nous pensons que le véritable essor du marché de l'hybride prendra forme en 2009. Par véritable essor, j'entends quelques % de parts de marché global.
JA. Certains constructeurs affirment que l'hybride a de bonnes performances commerciales sur les marchés qui refusent le Diesel. Que pensez-vous de cette affirmation ?
J-MA. Il est vrai que cette réflexion semble valable aux Etats-Unis. Ils découvrent aujourd'hui le problème du prix de l'essence mais ils n'ont pas les infrastructures pour développer fortement le Diesel. De là à sauter immédiatement à l'hybride, je ne sais pas. En France et en Europe, la problématique est différente. Le Diesel possède des parts de marché énormes et il est rentable pour les constructeurs. Aujourd'hui, les drivers sont effectivement le Japon et les Etats-Unis mais également un pays que l'on oublie : la Chine. En effet, ce pays a un énorme problème énergétique. Le gouvernement chinois est extrêmement directif dans ses grands choix industriels et pousse beaucoup la recherche sur ce type de véhicules et sur la pile à combustible.
Propos recueillis par Christophe Jaussaud
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