Entretien : Béatrice Foucher, directrice du produit chez Renault
...de ce tourbillon mondial qui a porté la Sandero en Europe et fait naître des ambitions en Inde.
Journal de l'Automobile. Renault regroupe aujourd'hui des marques vraiment différentes, comment appréhendez-vous chacune d'entre elles ?
Béatrice Foucher. L'approche est différente. Ainsi, pour Renault, nous regardons où nous devons gagner des parts de marché pour sa pérennité. Avec Dacia, ce n'est pas la même approche. Il s'agit d'une marque de croissance et de création en Europe, et pour cela nous augmentons le nombre de modèles et la part de marché.
JA. Qu'en sera-t-il avec Lada ?
bF. Avec Lada ce ne sera pas la même chose qu'avec Dacia. Renault apporte simplement un support technique et économique. Ce soutien consiste, pour ma partie, à les aider à construire un plan produits pour conforter leur part de marché et leur crédibilité, puis étendre leur offre face à une pression concurrentielle des voitures importées qui est de plus en plus forte en Russie. Nous travaillerons comme nous l'avons fait avec Nissan à l'époque, c'est-à-dire envoyer une équipe là-bas pour assurer ce support. Il faut rester propriétaire de ses idées pour être stimulé et motivé. Si l'une des entreprises impose ses idées à l'autre, cela ne fonctionne pas. Cela a fait ses preuves avec Nissan. Lada a certes une autre culture, mais nous travaillerons dans le même esprit.
JA. Renault et l'Alliance sont de plus en plus présents en Inde. Cette internationalisation toujours plus forte influe-t-elle sur votre travail ?
bF. Chaque année nous auscultons de façon formelle les marchés et leurs besoins. Bien évidemment nous ne sommes pas aveugles le reste du temps. Dans notre jargon, c'est du market understanding. Nous scrutons et analysons finement les évolutions des marchés. Par exemple, la croissance est-elle durable au Brésil ? Y aura-t-il sous peu des contraintes extérieures, comme des taxes douanières ou une réglementation sur le CO2 ? Nous regardons également si la classe moyenne est en croissance ou non. Donc s'il y a des opportunités pour nous. Ensuite nous bâtissons un plan produits pays par pays. Mais l'émergence d'un besoin au Brésil, donc la conception d'un produit pour ce pays, ne veut pas dire qu'il n'a pas de sens en Inde ou en Europe. On construit un plan avec des opportunités transversales.
JA. Sans la nommer, vous parlez de la Sandero, n'est-ce pas ?
bF. Oui, il s'agit de la Sandero. Après la crise économique, Renault, qui a une usine au Brésil, se demandait comment revenir sur ce marché avec une offre vraiment significative ? C'est l'histoire de Sandero. Puis nous avons vu que ce produit pouvait être opportun sur de nombreux autres marchés dans le monde.
JA. Avec la Sandero, n'y a-t-il pas un vrai risque de concurrence avec la Clio ?
bF. Sandero, avec ses 4 mètres, propose le même potentiel d'habitabilité, le même confort pour les passagers, une certaine forme de sérénité, mais en revanche certains équipements, que le client jugeait pas forcément utile au quotidien, ont été enlevés. Il faut la voir comme une offre complémentaire à la Clio et pas comme une concurrente. L'univers d'hésitation du client Logan ne se situe pas totalement chez Renault. On y retrouve d'autres marques mais aussi le véhicule d'occasion. Et puis Clio est une voiture forte sur son segment donc dans le ranking de prix, un client hésitera d'abord avec une Opel Corsa, par exemple, qui est un peu moins chère.
JA. Avez-vous la même approche dans le projet que vous menez avec Bajaj ?
bF. Ce projet est clairement une réponse au marché indien. Avec la Logan, nous sommes incapables de toucher 40 % des clients qui n'ont pas les moyens d'acheter cette voiture. Face à ce constat, nous réfléchissons : comment répondre à cette clientèle ? Le prix sera déterminant, mais nous nous situerons entre la Nano et la Logan.
JA. A quel horizon pourrait aboutir ce projet indien ?
bF. Un accord pourrait être signé dans l'année avec Bajaj. Nous travaillons encore sur la voiture et l'optimisation des coûts. La conception est pilotée par Bajaj avec le support technique de Renault et Nissan. Le plus gros enjeu de ce projet reste la consommation. Aujourd'hui, le marché indien est aux alentours de 20 km/litre. Gagner 1 km/litre serait déjà sensible. Il s'agit là d'un des enjeux majeurs de ce véhicule.
JA. La consommation est également un sujet sensible en Europe. Pourquoi Renault ne propose pas un hybride avec l'aide de Nissan ? La demande est-elle trop faible ?
bF. Ce besoin est identifié et scruté en permanence. Le critère est simple : nous regardons en permanence le coût de la fiscalité moyenne en Europe. Nous définissons alors la valeur du gramme de CO2. Ensuite, nous comparons ce chiffre au coût supplémentaire d'une technologie et nous en élisons une, seulement si le bénéfice est réel pour le client. Les possibilités sont nombreuses, rien n'est figé. Nous avons toujours de nombreuses technologies prêtes et avec Nissan, nous travaillons aussi sur d'autres pistes.
Photo : Le premier suv Renault, enfin de l'Alliance, débarque en Europe. Il est déjà commercialisé en Corée du Sud pour Samsung, sous le nom QM5.
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