Entretien avec Sandro Malatto, président de GM France : "En 2007, la rentabilité devrait être au rendez-vous"

...Journal de l'Automobile. Comment se porte General Motors France aujourd'hui ?
Sandro Malatto. La situation du groupe s'est améliorée et nous commençons à sentir les effets du plan de restructuration colossal mis en place aux USA et en Europe. Les résultats montrent, après six ans de pertes, une progression spectaculaire et un retour aux profits pour GM Europe. GM France profite également de la tendance. En 2007, la rentabilité devrait être au rendez-vous. Par ailleurs, nous avons une gamme de produits parmi les meilleures et les plus modernes. Nous avons enrayé la baisse des ventes de la Corsa, un problème qui nous a coûté cher. La nouvelle version est un très bon produit, bien accueilli en France, avec 3 000 unités vendues par mois depuis son lancement.
JA. Les problèmes de General Motors ont-ils eu une incidence sur les ventes en France ?
SM. Honnêtement, je ne crois pas qu'il y ait eu un impact direct sur les ventes et l'activité commerciale. Même si les mauvaises nouvelles ne font jamais de bien à l'image de marque d'un constructeur.
JA. Comment gérez-vous des entités aussi différentes que Opel, Saab et Chevrolet ?
SM. Nous avons une organisation dédiée à chaque marque, la plus importante étant bien sûr celle d'Opel. Celle qui s'occupe des véhicules utilitaires a réussi l'année dernière un record historique avec quasiment 13 000 véhicules vendus et ce, malgré un problème de disponibilité assez sérieux sur le Combo et le Vivaro. Le premier à cause d'un transfert de la production de notre usine portugaise en Espagne, ce qui a généré quelques difficultés de mise en place. Le second est victime de son succès. Ses ventes ne cessent d'augmenter. Enfin, pour Saab, nous avons une organisation plus restreinte, mais entièrement dédiée à la marque. Idem pour Chevrolet. Les différences sont uniquement d'ordre commercial, le back office restant commun aux trois marques.
JA. Quelles sont vos intentions concernant Chevrolet ?
SM. Chevrolet est sous les feux de l'actualité car les équipes de la marque vont s'installer au siège de GM France dès cet été. Mais si votre question suggère un rapprochement des marques entre elles, cela renvoie à des décisions organisationnelles au niveau mondial, et pour l'instant, nous n'avons pas d'informations à ce sujet. Ce qui est sûr, c'est que la stratégie des constructeurs consiste à être efficace aussi bien en bas de gamme qu'en moyen et haut de gamme.
JA. Quelle est l'image d'Opel en France ?
SM. Une enquête indépendante effectuée récemment sur tous les constructeurs, a montré que l'image d'Opel progresse chaque année. Nous attribuons cette évolution au renouvellement de la gamme et à une stratégie de communication différenciée. Cependant, il faut du temps pour changer une image de marque.
JA. Quel est le produit qui a fait basculer l'image ?
SM. C'est difficile à dire. Il est certain que les derniers-nés de la gamme, Zafira, Astra et maintenant Corsa, ont considérablement rajeuni l'image d'Opel. Une image longtemps basée sur la solidité et la fiabilité, mais dans laquelle il y avait peu de modernité et d'innovations. Une image peu "sexy" en quelque sorte. Nous avons fait, par rapport à cela, des progrès importants. Nos moteurs sont également très performants, tout comme les toits ouvrants panoramiques, qui témoignent d'une véritable prime donnée à l'innovation. Que l'on ne me dise pas que des voitures comme la Tigra, l'Astra coupé ou la GT ne sont pas des voitures modernes, sportives et résolument sexy.
JA. Quelle est l'image de marque de Saab ?
SM. Saab a une très bonne image que nous devons absolument protéger : une suédoise, très stylée, racée et de bonne qualité. Je ne vois pas de signe de changement dans la mentalité de la clientèle potentielle. Le succès de la Sport-Hatch a renforcé cette image. Elle n'est ni révolutionnaire, ni très classique, ce n'est pas une berline typique. Le break de Saab se rapproche de l'Alfa 156 Sport Wagon, tout en cultivant ses différences.
JA. Avez-vous une recette magique pour en vendre encore plus ?
SM. Il n'y a pas de recette magique. C'est toujours une question de positionnement de produit et de prix. Et le prix, pour un produit d'une telle qualité, n'est pas en cause. Pour vendre plus, il faut donc compléter la gamme. C'est la seule chose qu'il reste à faire.
JA. La Saab est plus chère que les voitures de sa catégorie ?
SM. Non, en terme de prix, Saab se positionne entre Audi et Volvo. Ce n'est pas une voiture bas de gamme, c'est vrai. Mais la qualité coûte chère. Pas plus chez nous qu'ailleurs.
JA. Pour revenir sur Opel, il semble que la rentabilité pour les distributeurs ne soit pas au rendez-vous ?
SM. En France, l'activité du concessionnaire, toutes marques confondues, n'est pas très rentable. Dans la meilleure des hypothèses, il peut faire 2 %. C'est d'ailleurs l'objectif. Je ne renie pas le fait que l'année passée ait été difficile et que nos distributeurs aient eu plus d'efforts à fournir. Cependant, la situation s'est beaucoup améliorée, grâce à la solidité retrouvée de l'entreprise et au lancement de la nouvelle Corsa. Je ne suis pas convaincu qu'il faille faire des investissements spécifiques en France au niveau de la distribution, hormis le renouvellement de la signalisation et de l'organisation des VO. Nous avons d'ailleurs un programme européen à mettre en place dans ce domaine.
JA. Finalement, les distributeurs Opel ont-ils participé à l'effort de guerre ?
SM. Pas seulement le réseau Opel. Lorsqu'un groupe doit faire face à de sérieuses difficultés, tous
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JA. Quels sont les produits, hors vente de produits neufs, à mettre en avant auprès des distributeurs ?
SM. Pour développer un réseau profitable, il faut plusieurs choses. Une gamme de produits efficaces par exemple, et des supports à la vente compétitifs. Il y a beaucoup de domaines sur lesquels nous devons travailler. Mais aujourd'hui, un distributeur Opel a les moyens d'être compétitif dans tous ces domaines.
JA. Les ventes flottes ne risquent-elles pas de nuire à la rentabilité globale ?
SM. Les ventes aux flottes correspondent à plusieurs marchés. Il y a les flottes, les véhicules de démonstration et les loueurs. Nous avons 6 % de parts de marché, ce qui me paraît très convenable. En ce qui concerne les véhicules de démonstration et les véhicules collaborateurs, nous avons considérablement baissé les ventes, et leur volume est aujourd'hui inférieur à celui de nos concurrents directs. Pour les ventes aux loueurs, je ne pense pas que notre volume soit trop élevé, car on oublie trop souvent que, dans les chiffres officiels de ce segment, on intègre la courte durée, la longue durée, et la location effectuée par les concessionnaires eux-mêmes. Il y a enfin les petites sociétés de location mais ce sont de petites flottes locales prêtées par le réseau qui correspondent à 9 000 voitures. J'estime que c'est un très bon résultat entre une politique saine sur la courte durée, et une politique efficace dans les autres segments du marché.
JA. Quel regard portez-vous sur les réseaux Opel et Saab ?
SM. En ce qui concerne Opel, le nombre de distributeurs est tout à fait satisfaisant et je n'ai aucune intention d'en accroître le nombre. Il faut, cependant, dans certaines régions, en Ile-de-France notamment, augmenter les points de vente. C'est le résultat d'une évolution de notre politique. Il y a désormais de nombreux opérateurs qui ont plusieurs contrats avec nous. Si le nombre de points de vente n'a pas véritablement bougé, le nombre de distributeurs a baissé pour sa part. La situation de Saab est un peu différente. La marque a démarré, avec une cinquantaine de distributeurs il y a 2 ou 3 ans. Aujourd'hui, nous en sommes à soixante et nous poursuivons nos efforts. Ce nombre est encore insuffisant pour couvrir un pays comme la France. Il faut environ doubler ce chiffre.
JA. Quel sera l'élément différenciateur d'Opel sur le marché français ?
SM. Chaque ligne a son élément différenciateur. Cela dépend aussi de l'évolution du marché. Mais une chose me semble très importante. Le marché français a montré des mutations dramatiques dans la segmentation. Il y a eu une baisse énorme sur les segments M1 et M2, ce dernier a perdu quasiment 40 % en 5 ans. C'est une chute colossale. Ces changements nous obligent à réfléchir en permanence sur notre stratégie.
JA. Quelle est votre position par rapport aux problèmes énergétiques ?
SM. Nous avons l'opportunité d'y souscrire grâce à Saab et l'éthanol, qui nous donnent une longueur d'avance sur tous nos concurrents. En Suède, 80 % des Saab sont vendues avec des moteurs fonctionnant à l'éthanol. Ces moteurs sont très efficaces. Ils permettent une économie très importante, surtout pour les sociétés. Evidemment, cela est lié à la disponibilité du carburant et à la politique gouvernementale incitative. Je pense aux aides fiscales notamment, aux parkings gratuits pour ces véhicules… Il me semble que le gouvernement français s'est engagé précisément sur le sujet, donc on verra… Mais chaque semaine, une pompe voit le jour. La diffusion s'ouvrira progressivement.
JA. D'autant qu'aux Etats-Unis, GM a tenu le même discours, notamment à Detroit…
SM. Malgré ses difficultés, GM n'a pas cessé d'investir dans cette politique environnementale. Jusqu'à 8 ou 9 milliards de dollars ont été injectés, dont une grande partie dans la technologie hybride. Les ingénieurs ont développé un moteur électrique, l'e-flex, qui peut être alimenté par n'importe quelle source, même l'énergie solaire. Outre les difficultés techniques à surmonter, il y a également la capacité de produire ce genre de véhicules à des coûts abordables. Il y a donc encore beaucoup de chemin à faire, mais la technologie existe.
JA. Quels sont les produits qui vous manquent ?
SM. Des produits qui nous permettent de finaliser notre couverture de tous les segments de marché. Nous devons notamment être plus présents sur le segment des 4x4, qui a doublé ses ventes depuis 5 ans. Nous lançons le mois prochain l'Antara. Puis, l'année prochaine, une nouvelle version de l'Agila. Nous sommes bien positionnés sur le segment des compacts et des monospaces. Malheureusement, les ventes de ce segment ont baissé. Nous avons également conforté notre place sur le segment des monospaces grâce au Zafira et au Meriva. Et nous sommes désormais assez forts sur les citadines, grâce à la nouvelle Corsa. Il nous manque encore une "micro citadine". Nous y allons progressivement. C'est une révolution tranquille.
Propos recueillis par
Hervé Daigueperce
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