Entretien avec Paul Barrocas, chef du département commercial et opérations réseau Audi France.
Journal de l'Automobile. Etes-vous satisfait par la performance d'Audi jusqu'ici ?
Paul Barrocas. En début d'année, Audi, comme d'autres constructeurs Premium, a pris une douche froide. Il faut être honnête, la déformation du marché a été plus importante que prévu. Après un premier semestre difficile, nous sommes repassés sur une tendance positive, sous l'effet notamment de l'Audi A4 qui rencontre un succès phénoménal. Modèle pour lequel nous avions un très gros portefeuille. Après un mois de septembre à + 16,5 %, nous sommes maintenant revenus à
- 1,5 % au cumul. Nous serons repassés en positif à la fin du mois d'octobre et nous espérons finir extrêmement bien l'année. Et peut-être même retrouver la place qui était la nôtre jusqu'à octobre 2007. C'est-à-dire la deuxième marque premium du marché. Soulignons que le siège, avec l'introduction de nouveaux moteurs notamment, a été extrêmement réactif après la mise en place de l'écotaxe.
JA. Pendant ce premier semestre délicat, avez-vous apporté un soutien financier au réseau ?
pb. Il n'y a pas eu de gros soutien financier car ce n'est pas une politique de la marque de dumper le marché. En revanche, il y a eu des actions de stimulation des vendeurs. Le portefeuille était très important mais le vendeur vit grâce aux livraisons donc, durant cette première partie de l'année, l'objet c'était vraiment d'absorber ce retard de commissionnement. Depuis le mois de juin c'est l'inverse !
JA. La répartition de vos ventes a-t-elle évolué depuis le début de cette année particulière ?
pb. La structure des ventes Audi est assez simple avec 52 % des ventes à particuliers. Les ventes directes à loueurs oscillent entre 7 et 8 %. C'est l'un des taux les plus faibles parmi les marques premium et nous n'irons pas au-delà. Les ventes flottes, loueurs longue durée, sociétés, représentent le reste. Audi est d'ailleurs leader sur le marché des loueurs longue durée. Il s'agit d'une politique relativement ancienne, d'un véritable travail de fond.
En revanche, nous avons un axe de progrès sur les sociétés dites "locales", c'est-à-dire les artisans-commerçants par exemple. Il y a eu beaucoup d'amélioration cette année, avec des taux à + 20 % dans le réseau, mais nous devons encore beaucoup progresser.
JA. Sous l'effet de l'écotaxe votre mix a-t-il évolué ? Y aura-t-il des conséquences sur votre rentabilité ainsi que sur celle de votre réseau ?
pb. Au sujet de la rentabilité d'Audi France, nous atteindrons les chiffres annoncés à notre maison mère. Avec l'effet CO2, nous avons pu noter que le taux de monte options était plus faible que par le passé. Quant au mix modèles, si effectivement le Q7 a reculé, il ne faut pas oublier non plus que notre SUV est sur le marché depuis 3 ans, cela a largement été compensé par le succès plus important que prévu de l'A4. Nous serons en ligne avec nos prévisions.
Pour le réseau, cette année ne sera pas différente des années précédentes. Le premier semestre est toujours inférieur de 50 % au résultat final. En 2007, le réseau exclusif, notre critère de mesure, était à 2,04 %. Cette année, nous estimons que sa rentabilité sera comprise entre 1,9 et 2 %.
JA. Respectez-vous votre feuille de route concernant le réseau exclusif ?
pb. Nous avançons à marche forcée. Nous ne demandons plus au réseau de marcher vers l'exclusivité, mais de courir ! Pas faire un jogging, mais un sprint. Avec les produits qui arrivent, ils les ont d'ailleurs vus, les showrooms seront physiquement trop petits pour exposer la gamme. Jusqu'à il y a peu, le réseau n'avait pas intégré cela au même titre qu'il n'avait pas réellement pris conscience du rythme de l'arrivée des nouveautés. Cette année l'accélération est réelle avec 25 projets qui devraient être achevés en 2008. Pour 2009, nous sommes même amenés à recruter des architectes supplémentaires. Le scepticisme de certains distributeurs semble avoir disparu car une fois de plus Audi a tenu ses promesses. Nous leur avions annoncé des ventes en hausse de 10 % pour 2008 et c'est d'ores et déjà le cas à fin septembre avec 10,2 % de progression.
JA. Un mot sur la résiliation de vos réparateurs agréés ?
pb. Tous les contrats de réparateurs agréés européens ont été résiliés en janvier dernier. C'était une nécessité vis-à-vis du client. Audi investit énormément dans les produits, le réseau dans les bâtiments et pourtant nous ne sommes pas bons en qualité de services. Il y a un décalage que le client ne peut plus accepter et à terme cela pourrait avoir une répercussion sur les ventes. L'idée étant de préparer le réseau, car il s'agit d'une résiliation à 2 ans, à correctement aborder l'arrivée de nouveaux véhicules, de nouvelles technologies dès 2010. Si pour l'acte d'achat, le client vient avec plaisir, ce n'est pas le cas pour l'après-vente. Il vient par obligation et le réseau sera, lui, face à une obligation de résultats. Il fallait réagir.
JA. Quels vont être les critères et qui va contrôler ?
pb. Il y a la certification mais il faut aller au-delà. Nous nous devons maintenant de mesurer le comportemental. Nous allons entrer dans un autre process de mesures, qu'il soit effectué par nous-mêmes ou par des intervenants extérieurs. Nous allons également multiplier les enquêtes de "clients mystères" afin d'être le plus proche possible des attentes des clients Audi.
JA.Quelles pourront être les clauses de résiliation ?
pb. Il y a des critères très précis comme notamment le retour atelier. Sans doute le plus important. Il n'y a rien de pire que de faire revenir un client parce qu'il y a eu un oubli. Cela mesure le soin du détail apporté par une équipe. Ensuite, il y a des aspects plus simples, comme la propreté de l'atelier, la rapidité d'intervention, etc. Nous avons une batterie d'indicateurs, mais le principal et celui qui permettra de parler de réussite, est indéniablement le retour atelier. Il est d'ailleurs en baisse constante depuis de nombreux mois, mais comme pour l'exclusivité du réseau, nous voulons forcer l'allure.
Il y a également un volet outillage et formation, cette dernière allant prendre une place très importante. A l'avenir, son coût sera beaucoup plus élevé faisant qu'un minimum d'entrées atelier sera nécessaire pour un distributeur. Si notre but n'est pas de réduire le nombre de réparateurs agréés, ce programme pourrait avoir une influence sur leur nombre.
JA. N'allez-vous pas perdre en représentativité ?
pb. La capacité des ateliers, du fait de la mise aux normes des sites, va augmenter. Ne rendant plus forcément nécessaire une capillarité née de surfaces productives limitées jusqu'alors. Cependant, une diminution n'est pas notre but, je le répète. Nous n'avons vraiment pas de logique de numerus clausus.
JA. Quel est votre sentiment pour l'année 2009 ?
pb. Le contexte législatif concernant le CO2 ne nous aide pas à réaliser d'éventuelles prévisions. M. Sarkozy a annoncé lui-même qu'il ne dévoilerait rien à l'avance et que lorsque la décision serait prise, l'application serait immédiate. Nous sommes en train de travailler sur différents scénarii. La seule chose que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que nous espérons une croissance raisonnable de nos ventes. La seule certitude est que les acheteurs ont pris conscience de l'aspect environnemental. Nous avons la chance qu'Audi s'y adapte très vite.
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