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Constructeurs

Entretien avec Patrick Gourvennec, directeur de la marque Alfa Romeo France : "Ce que nous vendons c’est de l’émotion. Nous avons un vrai pouvoir de séduction à travers le design Alfa Romeo"

Publié le 22 juin 2007

Par Tanguy Merrien
9 min de lecture
Retrouver un maillage de 200 points de distribution, relancer la relation client, redorer la notion de service, c'est la tâche qui incombe à Patrick Gourvennec pour arriver aux 30 000 véhicules vendus en 2011. En s'engouffrant aussi sur de nouveaux segments. Journal...

...de l'Automobile. Quelle est votre ambition pour la marque Alfa Romeo ?
Patrick Gourvennec. Il y a seulement deux mois que je suis arrivé, et je peux surtout donner ma perception de la marque Alfa Romeo qui est très loin des marques asiatiques dont je m'occupais jusqu'à présent. Alfa Romeo est une marque qui a une dimension émotionnelle extrêmement forte. Ce qui présente une plus-value assez extraordinaire sur le marché. Ce côté "émotion" est perceptible au quotidien et au travers des études qui ont été réalisées.


JA. C'est donc une marque facile à vendre ?
PG. Il y a toujours un revers. Ce qui manque un peu à la marque aujourd'hui c'est justement cette dose de rationnel qui permettrait de modifier la perception que les gens ont du haut de gamme, inaccessible. Rendre la voiture accessible, pousser les gens à passer ce cap, c'est ce qu'il y a de plus simple à faire ou de moins compliqué. Il est beaucoup plus difficile de construire une image, de créer une émotion autour d'une marque que d'apporter des arguments rationnels.


JA. Sur quels critères allez-vous vous appuyer ?
PG. Aller chercher plus de rationnel autour de la marque passe par le service et par tous les domaines d'activité d'une distribution. Globalement, c'est l'atmosphère autour de la marque qu'il va falloir travailler dans les semaines et les mois qui viennent.


JA. Aujourd'hui, où en est la marque Alfa Romeo ?
PG. La marque par elle-même se porte plutôt bien, par rapport à l'environnement du marché qui est très compliqué. Nous allons assister à quelques animations autour de nouveaux produits qui vont enrichir la gamme, comme l'arrivée du Diesel sur la Spider, le Q2 sur la 147, et de nombreuses innovations technologiques. Dans ce contexte-là, en l'absence de nouveaux lancements de véhicules en 2007, nous allons conserver à peu près les mêmes chiffres que l'année dernière. Nous espérons réaliser une légère progression mais cela entrera dans un environnement de 15 000 voitures.


JA. Alfa Romeo serait-elle le parent pauvre du groupe qui voit un grand lancement de produits tant chez Fiat que chez Lancia ?
PG. Nous avons aussi un gros plan produits qui démarre avec Junior. C'est un vrai plan-produits en ce sens que ce sont des voitures qui vont s'inscrire sur des segments sur lesquels nous ne sommes pas aujourd'hui. Il ne s'agit pas de renouveler un segment C, ou un segment D et de se rengorger sur la beauté et la qualité de son véhicule. Il s'agit d'étendre notre rayon




CURRICULUM VITAE

  • Nom : Gourvennec
  • Prénom : Patrick
  • Age : 46 ans

    Directeur de la marque depuis le 12 mars 2007. Marié et père de deux enfants, commence sa carrière en 1985 chez Fiat Auto France, et quitte en 1992 son poste de responsable après-vente Lancia pour rejoindre le groupe Sonauto. Il y occupe les fonctions de responsable après-vente pour Hyundai avant de prendre la direction du service pour les marques Hyundai, Porsche et Mitsubishi. En 1998, il devient directeur commercial, marketing et service de Hyundai France jusqu'à son retour dans le groupe Fiat.

  • d'actions avec du B qui est le segment français par excellence, également avec un SUV. Nous devrions le lancer d'ici deux à trois ans, et bénéficier ainsi d'une grande opportunité de croissance.


    JA. Quels sont vos objectifs pour 2010 ?
    PG. Il est encore trop tôt pour vous parler des produits. En revanche, nous avons une vision claire des volumes que nous voulons atteindre et de la place de la marque en France. L'ambition de la marque, c'est de doubler les ventes. Nous devrions être autour de 27 000 voitures en 2010, 30 000 en 2011. Et ce n'est pas seulement parce qu'on l'a décidé, c'est aussi parce qu'il y a des véhicules à volumes qui vont arriver et qui vont repositionner la marque Alfa de manière un peu plus large, qui vont attirer plus de clients qu'il y en a aujourd'hui. Nous devrions couvrir plus de 70 % des segments.


    JA. A qui allez-vous prendre des parts de marché, et quels atouts avez-vous pour y arriver ?
    PG. Nous allons prendre des parts de marché mécaniquement parce que nous allons nous positionner sur de nouveaux segments. Cependant, dire à qui nous allons prendre des parts de marché est très difficile. Lors du lancement de l'Alfa GT, nous avions du Scénic en reprise, ce qui n'était pas du tout attendu, ni là où nous voulions aller. Pour revenir sur le lancement de la Junior qui est l'événement majeur de la marque Alfa l'année prochaine, nous devrions marquer très vite des points. Ce qui détermine la marque Alfa Romeo, en dehors des valeurs de sportivité, c'est le design, et avec la Junior, nous avons une très belle voiture, un véhicule racé, soigné, élégant. C'est pourquoi, nous pouvons prendre des parts de marché à de nombreux constructeurs, sans en définir un en particulier.


    JA. C'est reprendre l'idée de la Mini ?
    PG. C'est effectivement un concept concurrent. Nous présentons une voiture qui a un design qui rappelle les valeurs du passé et qui est dotée d'une forte personnalité. Nous ciblons une clientèle un peu généraliste pour l'entraîner sur un segment B, B+ un peu haut de gamme. L'idée est de leur proposer un véhicule comme la Mini avec un prix un peu plus attractif et un design frappant. En fait, une voiture qui a une "gueule". De ces voitures qui ont marqué dans le passé avec de vraies valeurs, du design, des rondeurs, qui ne sont pas d'ailleurs sans rappeler des éléments de la 8 C.


    JA. Vous évoquez des prix accessibles, qu'entendez-vous par là ?
    PG. Les prix sont stabilisés depuis quelque temps aujourd'hui, un segment B sera moins cher qu'un segment C que l'on a aujourd'hui. Toutes les versions haut de gamme des constructeurs généralistes sont en voie de disparition. Il vaut mieux payer une version moindre d'une marque qui a une image, que payer une grosse finition d'une marque qui n'a pas de prestige et qui a des difficultés aujourd'hui.


    JA. Qu'est-ce que vous vendez aujourd'hui ? Une voiture de sport, de prestige ?
    PG. Le positionnement d'Alfa Romeo, ce n'est pas la voiture de sport. C'est une voiture qu'on aime et qui nous plaît. Et c'est d'ailleurs toute la question des prix : lorsqu'on n'aime pas une voiture, c'est un achat rationnel, et on essaie de tirer les prix, d'obtenir des avantages etc. Nous, ce que nous vendons, c'est de l'émotion, c'est une image qu'on veut faire véhiculer autour d'une voiture que l'on possède. Quand on voit la 159, tout le monde s'accorde à dire que la voiture est belle. Nous avons un vrai pouvoir de séduction à travers le design. En ce qui concerne la motorisation, nous aurons toujours dans la gamme des moteurs qui tireront les modèles.


    JA. Aujourd'hui quel est le parc roulant Alfa Romeo ?
    PG. Cela tourne entre 120 et 130 000 voitures. Le renouvellement est en moyenne sur quatre ans. En 2001, nous avons eu un pic de volume lié au lancement de la 147 et avons atteint les 19 000 voitures. Depuis, le volume est de l'ordre des 15 à 16 000 voitures.


    JA. Quels leviers allez-vous utiliser pour passer à 30 000 voitures, soit 10 % des volumes espérés pour Alfa dans le monde ?
    PG. Pour passer de 15 000 voitures à 30 000, nous avons identifié neuf gros chantiers qui vont du VO à la logistique en passant par les pièces de rechange, le marketing, l'assistance technique, le commercial, les ventes aux entreprises et bien sûr le réseau. Pour ne citer qu'un exemple, nous nous sommes rendus compte que les prix des Alfa Romeo constatés par le réseau étaient sous-évalués. C'est à nous de communiquer davantage à ce sujet. Le VO, c'est la clé de voûte de la partie commerciale du financement et nous voulons vraiment construire une image autour du VO qui soit en ligne avec les marques premium, et bénéficier d'une meilleure valorisation à la revente.


    JA. Quelles sont les actions que vous allez réaliser afin de relancer les ventes d'Alfa ?
    PG. Le réseau se constitue de 175 distributeurs. L'idée c'est de renforcer le maillage Alfa Romeo. Et d'abord d'aller chercher là où il y a du parc. La problématique d'Alfa Romeo c'est donc d'aller vers les secteurs, les milieux automobiles quasi naturels. Notre objectif est d'avoir 200 distributeurs. Nous nous appuyons également sur une centaine d'annexes.


    JA. Vous comptez sur un regroupement avec Lancia ?
    PG. Ce que je souhaite c'est créer une exclusivité de contact avec le client. Que la personne de l'après-vente, celle du commerce, celle du VO soient exclusivement Alfa Romeo. Bien sûr, la marque Lancia va apporter ce qui est nécessaire pour passer le cap de la rentabilité. Tout doit être piloté par la rentabilité réseau. Cependant, cela n'empêche pas que le client Alfa Romeo doit entrer dans un univers Alfa Romeo, que son contact VO et après-vente soit identifié comme étant Alfa Romeo et sache de quoi il parle, reconnaisse son client, parle de sa voiture. En clair, je ne veux pas que le client soit le numéro 947 sur la liste d'attente d'un mega dealer. Je veux travailler sur cet aspect de la relation client, de la dimension humaine de l'après-vente. Qu'elle soit rattachée à un coût ou pas, c'est un deuxième problème. Ce que je veux, c'est réinstaurer un climat ou un univers Alfa Romeo où justement le client se reconnaisse. Cela passera aussi par la formation, par l'assistance technique, et également par un minimum de standards techniques chez les réparateurs, etc. Tous les distributeurs que j'ai rencontrés sont très motivés par la marque parce qu'ils n'ont pas choisi Alfa Romeo par hasard. Ce ne sont pas forcément de grosses affaires, mais des entreprises pilotées par des gens passionnés, proches des clients et désireux d'apporter le meilleur service. Et nous allons les y aider.


    Propos recueillis par
    Hervé Daigueperce


     

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