Entretien avec Harry Salamon, directeur général Services de DaimlerChrysler France.
...avec son véhicule et d'autre part, l'apport commercial via la vente d'heures et de pièces. Avec sa courtoisie et son sens de l'analyse habituels, Harry Salamon nous fait visiter le temple de l'après-vente.
Journal de l'Automobile. Quel bilan dressez-vous de l'année écoulée sur le poste Pièces&Accessoires ?
Harry Salamon. 2006 a été une bonne année puisque nous avons progressé sur ce poste, toutes activités confondues. Nous avons ainsi enregistré une croissance de 1,3 % au niveau du VP et de 2,6 % au niveau du VI. En rentrant dans le détail des résultats des autres marques, vous constatez que Smart progresse de 8,8 %, Mitsubishi Canter de 25 %, tandis que Chrysler, Jeep et Dodge restent stables. Voilà pour les chiffres. Sous l'angle de l'analyse, cette performance est très intéressante car avec la fin de nos soucis de qualité, nous pouvions nous attendre à une moindre consommation de pièces. D'ailleurs, en début d'année, beaucoup de membres du réseau craignaient cet effet mécanique et une baisse des entrées atelier. Nous avons réussi à corriger cette apparente logique, principalement grâce aux efforts convergents de DaimlerChrysler France, mais également du réseau pour conquérir et reconquérir des clients. C'est donc une année très satisfaisante dans les chiffres et dans l'esprit de la bonne relation avec notre clientèle. En 2007, nous comptons encore progresser en suivant les évolutions de notre parc en volume et en continuant nos efforts de reconquête.
JA. Peut-on en conclure que la baisse des opérations de "garantie" a été compensée au niveau du chiffre d'affaires Pièces ?
HS. Oui. Mais vous savez, la garantie est un chiffre d'affaires artificiel puisque nous nous achetons en fait les pièces à nous-mêmes. La diminution des budgets de garantie est donc une bonne chose. D'un point de vue plus général, nous gérons dans ce domaine des budgets validés en Allemagne et il n'y a donc pas d'impact financier sur DaimlerChrysler France. En revanche, les économies réalisées profitent à la R&D, à l'investissement dans les sites de production et à la politique qualité par exemple.
JA. A propos de qualité, on a le sentiment qu'on parle encore beaucoup de l'épisode Classe E alors que vos problèmes sont aujourd'hui révolus, n'est-ce pas ?
HS. Je vous remercie de le dire, et c'est vrai ! Toutefois, il faut bien comprendre que la qualité nécessite une vigilance constante. Par exemple, il suffit qu'un fournisseur connaisse une défaillance, que deux ou trois composants électroniques ne communiquent plus au sein du système et vous retombez sur un problème. Bien souvent, ce n'est pas un problème mécanique, mais électronique. Avec des soucis d'interconnexion dans la chaîne d'information. Le véhicule peut alors se mettre en mode secours, suivant en fait un simple principe de précaution. Par le passé, nous sommes parfois
CURRICULUM VITAEIngénieur commercial et titulaire d'une licence en finances et en informatique, Harry Salamon débute sa carrière dans un laboratoire pharmaceutique avant de rejoindre Mercedes-Benz Belgique en 1983 en tant que responsable de l'organisation et des services informatiques. Par la suite, il pilotera plusieurs projets internationaux au sein du groupe. En 2000, il intègre DaimlerChrysler France comme directeur général Services. Toujours à ce poste, ce passionné de véhicules anciens et ce fervent promoteur de l'après-vente est aussi devenu membre du directoire de DaimlerChrysler France. |
JA. Quelle est la contribution de l'après-vente au niveau des Réparateurs Agréés ?
HS. Il est difficile de chiffrer cette contribution car les valeurs diffèrent naturellement en fonction des sites et de leur structuration. Cependant, il est évident que l'après-vente reste un point d'ancrage essentiel pour les distributeurs et les réparateurs agréés, notamment en termes d'absorption des frais fixes et de rentabilité. Par ailleurs, c'est l'élément moteur de la satisfaction clients. Etant entendu qu'on ne peut pas faire que de la conquête, surtout sur un marché très concurrentiel, l'après-vente offre donc l'opportunité de s'inscrire dans un cercle vertueux, via la fidélisation aux marques pour l'entretien comme pour les rachats de véhicules.
JA. On sait que le taux de service PR est très bon chez Mercedes, mais qu'il posait récemment plus de problèmes chez Chrysler et Smart, avez-vous réussi à inverser cette tendance ?
HS. Oui. Par exemple, pour Chrysler, nous avons redressé le cap en changeant de système, c'est-à-dire en passant d'un stock centralisé européen qui livrait tous les pays à une structure articulée autour de deux sites logistiques en France : Etoile sur Rhône et Valenciennes. Nous avons donc considérablement amélioré notre proximité ainsi que notre prévision de la demande, en anticipant mieux et en gérant mieux les éventuels stocks de sécurité. Cela s'est traduit par un important gain de temps, car les pièces Chrysler viennent des USA, et par de meilleures performances. En ce qui concerne Mercedes-Benz, nous restons au top niveau avec un taux de service PR de plus de 95 %.
JA. Toujours au chapitre des pièces, ne craignez-vous une dégradation de la qualité moyenne des pièces avec l'arrivée de nouveaux acteurs sur ce marché par le biais de la globalisation ?
HS. C'est un risque. On le voit dans l'ensemble de l'industrie, avec beaucoup de copiage notamment. Avec la globalisation, nous allons assister à des dérives qu'il faudra combattre et expliquer. Nous le faisons déjà, comme tous les constructeurs, lors de salons comme Equip'Auto par exemple. Une fois ce constat établi, que faut-il faire ? Primo, respecter la loi, le statut des pièces dites de qualité équivalente et la liberté de choix du client. Secundo, notre devoir de constructeur est d'informer le réseau, les réparateurs indépendants et le client final sur la pièce conforme à l'origine, ses avantages et ses spécificités. Dans une optique business, cela permet de justifier certains écarts de prix. Mais bien entendu, quand les écarts de prix sont très importants, c'est qu'il y a un problème de qualité quelque part et que le fabricant fait des économies à un moment ou à un autre du process notamment lors de phases de test ou la qualité intrinsèque des matériaux.
JA. Question d'actualité, pensez-vous que la "nouvelle" distribution de la pièce, avec des plates-formes d'un nouveau genre et sans doute des équipementiers en appui, représente un schéma économique viable ou est-ce un simple effet de mode ?
HS. Je pense que celui qui se focalise sur un nombre limité de pièces très courantes peut réussir. C'est le business facile, sans aucun jugement de valeur. Là, il y a de la place. Le problème, c'est que les acteurs vont se multiplier sur le marché et que l'acheteur va se noyer en appelant untel pour les filtres, untel pour les plaquettes, encore untel pour l'embrayage, etc. Cependant, cette concurrence existe bel et bien : elle fait partie du paysage de l'Après-Vente. Mais, la concurrence est une forme de compétition où il s'agit d'être le meilleur : avoir l'ensemble des pièces disponibles de façon uniforme, être le plus rapide et le plus précis. Et ces qualités ont leur coût. En somme, je pense qu'il va y avoir une vague de ce vous qualifiez de nouvelle distribution, mais ensuite, comme les clients vont en demander toujours plus, nous assisterons à une sélection via les investissements logistiques notamment. En outre, ce métier est bien plus complexe qu'il n'y paraît et exige un haut niveau de professionnalisme.
JA. Vous n'êtes donc pas inquiet ?
HS. Même si nous prenons toujours la concurrence au sérieux, non. Nous fidélisons notre réseau en dépassant le simple prix et en intégrant notamment la variable "temps consacré" dans le périmètre prix. Et nous avons la force de nos centres logistiques, de notre relation commerciale fiable avec le réseau, de notre hot-line constituée d'une vingtaine de personnes et dédiée au conseil technique pour ceux qui nous achètent des pièces. Bref, nous avons des atouts pour fidéliser, mais aussi pour conquérir des clients. Ainsi, cette année, avec le réseau, nous allons démarcher les indépendants qui réparent nos véhicules, mais qui ne veulent pas être réparateurs agréés pour faire plus de business avec eux. Nous devons intégrer les réparateurs indépendants dans le jeu. Je dis bien avec notre réseau, car c'est lui qui concrétisera le business.
JA. Pour conclure sur la pièce, quel regard portez-vous sur la libéralisation du marché des pièces de carrosserie, alors que les premières décisions devraient être validées en mars à Bruxelles ?
HS. Nous confirmons ce que nous avons déjà dit, à savoir que le constructeur doit quand même bénéficier d'un droit par rapport à son investissement en coût de développement et aux contraintes d'amortissement. La Propriété Intellectuelle reste une réalité à considérer et à gérer correctement.
JA. Que répondez-vous aux assureurs qui estiment que l'inflation du prix des pièces devient inacceptable et qu'elle explique en partie les coûts de réparation élevés ?
HS. Les assureurs ont une problématique de profitabilité légitime, mais il faut constater une situation hyper-concurrentielle sur le marché de la Pièce de Rechange. Cette situation ne permet pas de marge abusive. Au sein du groupe, nous contrôlons les pratiques de notre réseau par le biais de nos visites mystères. Le nombre d'heures est vérifié par nos temps techniques standards. Les factures sont vérifiées, notamment le poste pièces. Et il ne faut pas oublier qu'il y a un dialogue avec les clients sur le sujet des pièces, car le client, surtout avec notre gamme élargie, intègre des considérations budgétaires dans ses choix. Les taux horaires sont en général comparables, car c'est un prix facial pour le client et qu'on ne peut pas faire n'importe quoi face à la concurrence.
JA. Passons au volet des services, quelles sont les forces et les faiblesses de votre offre dans ce domaine ?
HS. Nous visons l'excellence et le réseau partage cet objectif. Même si nous sommes très performants, nous ne l'avons pas encore atteint sur tous les plans. Nous cherchons à améliorer trois fondamentaux. La compétence technique, qui doit être réactualisée en permanence avec un investissement dans les formations techniques. La disponibilité du réseau en termes de postes de travail pour gérer au mieux les délais de rendez-vous. Nous voulons atteindre 3 jours de délai de rendez-vous moyen en 2007. Enfin, l'utilisation optimisée des postes de travail. De même, il faut vérifier qu'on dispose bien des pièces pour réparer avant de démonter. Voici les trois axes de travail prioritaires pour 2007. Dans le futur, nous devrons certainement veiller à renforcer notre proximité vis-à-vis du client.
JA. Quels sont vos résultats d'Indice de Satisfaction Clients et comment expliquez-vous votre piètre classement, pour presque toutes les marques, dans les études JD Power ?
HS. Nos résultats ISC ont progressé. Entre 2003 et 2006, nous sommes passés de 80 % de satisfaits à 87 % pour Mercedes-Benz VP. De 81,5 % à 84,7 % pour Smart. De 83 % à 88 % pour Chrysler-Jeep-Dodge. De 75 % à 88,5 % sur le VUL et enfin, de 74 % à 86 % sur le VI. Ces progressions s'expliquent par le fait que nous avons des réseaux très performants sur l'après-vente, avec une compétence technique de haut niveau et notamment une grande aptitude à bien réparer dès la première fois. En revanche, nous devons nous améliorer dans les domaines du relationnel, de l'attitude et du comportement. C'est d'ailleurs ce qui nous handicape dans les études inter-marques de type JD Power. Nous sommes clairement mécontents de nos classements dans ces études. Nous allons donc lancer une vaste action pour redresser la barre en appliquant, en plus de nos propres critères, ceux de JD Power au réseau. Il faut travailler sur l'écoute du client, et sur la perception que le client peut avoir de nos prestations. Un projet "attitude et comportement" sera déployé dans le réseau dès 2007.
JA. Pour conclure, pouvez-vous nous dire quel est votre taux de pénétration de services sur 2006 ?
HS. En VP comme en VI, nous nous situons à 55 % de taux de pénétration, ce qui est un bon résultat, mais nous pouvons faire mieux. Ce sera un objectif pour 2007. Il existe un gros potentiel de reconquête de clients propriétaires de véhicules âgés de 6 à 7 ans. Bref, les challenges sont passionnants, le travail, la motivation et la persévérance seront les clés du succès pour nos clients, notre réseau et DaimlerChrysler France.
Propos recueillis par
Alexandre Guillet
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