Entretien avec Didier Pedelmas, Directeur général de Land Rover France et directeur général de Jaguar : "Nous cherchons l'efficacité et l'échange d'expériences"
...Journal de l'Automobile : Dans la nouvelle organisation du groupe Ford, vous conservez la direction de la marque Land Rover et vous avez également la responsabilité de la marque Jaguar. Cette démarche est plutôt inhabituelle ?
Didier Pedelmas : J'ai en effet une double casquette. Je conserve la direction générale de la marque Land Rover et j'ai pris la responsabilité de la marque Jaguar pour laquelle nous avons des ambitions importantes. Nous avons beaucoup de concessionnaires communs, ce qui justifie cette organisation. Ainsi, sur 37 concessions Jaguar, 18 font également Land Rover. Nous travaillons les synergies dans tous les domaines qui ne sont pas visibles du client et notamment au niveau de l'après-vente. Les processus d'optimisation de la qualité sont communs à 90 % aux deux marques. Cette nouvelle organisation dans le cadre de FMC Automobiles s'est mise en place de manière progressive entre le 1er juillet 2003 et le 1er octobre 2003.
J.A. : Vous cherchez à partager les coûts et à réduire les moyens ?
D.P. : Ce n'est pas directement notre but. Nous cherchons à faire de la croissance efficiente. Depuis le 1er janvier 2002, le groupe Ford a mis en commun un certain nombre de moyens dans les domaines de l'après-vente, de la finance, de la représentation réseau et de la logistique, et nous sommes sur le même site depuis le 1er juillet 2002. Nous cherchons l'efficacité et l'échange d'expériences.
J.A. : Au moment de la signature des nouveaux contrats le 1er octobre 2003, où en était la séparation des réseaux Rover et Land Rover ?
D.P. : Sur 130 sites, 30 % de nos concessionnaires Land Rover distribuent également Rover. Je vous rappelle qu'en 2000, lors de la scission, nous avions 119 concessionnaires communs. A l'époque, la majorité des concessionnaires avaient accepté le transfert de leur contrat et conservé les deux marques. Nous avions résilié avec un préavis de deux ans ceux - ils étaient une trentaine - qui
CURRICULUM VITAEDidier Pedelmas est directeur général de Jaguar et vice-président de FMC Automobiles depuis le 1er octobre 2003. Il a troqué la présidence de Land Rover France (depuis août 2000) pour la direction générale de la marque le 1er octobre 2003. Titulaire d'une maîtrise de droit et d'un diplôme d'avocat, il a effectué l'intégralité de sa carrière chez Ford. Entré dans l'entreprise en 1978, il a occupé différents postes dans la branche PL avant de rejoindre la direction commerciale. Après avoir été directeur des ventes de pièces détachées, il continue son parcours comme brand manager de la gamme VP. En 1992, il est nommé directeur du marketing de Ford France, puis directeur général des ventes en 1994, avant d'accéder aux fonctions de P-dg de Ford Suisse en 1997. |
Par la suite, nous avons étudié le réseau et les capacités commerciales et financières de chaque concessionnaire. Entre mars et septembre 2002, nous avons fait de nouvelles résiliations avec là encore un préavis de deux ans. Les derniers arriveront à échéance en septembre 2004. Au final, nous conservons 25 concessionnaires issus du réseau Rover.
Nous avons agi de manière pragmatique, sans faire de chasse aux sorcières, mais en cherchant quels étaient les bons candidats pour le développement de la marque. Cela s'est plutôt bien passé.
J.A. : Comment se passe la collaboration avec les concessionnaires en préavis ?
D.P. : Ce n'est pas toujours facile. Certains manquent clairement de motivation. Mais la plupart, environ 70 % des personnes concernées, adoptent une attitude positive. Pour eux, il est plus logique de maximiser leurs ventes pour garder leurs clients et valoriser au mieux leur fond de commerce. C'est une question de réalisme.
J.A. : Cela a-t-il pesé sur le développement de la marque Land Rover dans certains secteurs ? Quel volume avez-vous perdu ?
D.P. : S'il y a eu un impact négatif, cela a concerné des petits et moyens secteurs. Vous ne travaillez pas de manière aussi efficace avec un réseau à deux vitesses qu'avec un réseau au futur à 100 % clair. Mais il est très difficile de chiffrer une éventuelle perte de volume, peut-être 5 %. Le 1er octobre 2004, nous aurons un réseau clair à 100 %.
J.A. : Plus petit, le réseau Jaguar a une histoire plus paisible. A quel stade en est son réseau ?
D.P. : Nous sommes plutôt en phase d'expansion. Nous avons 37 concessions pour 45 sites. Notre objectif est de faire 4 700 voitures en 2004.
J.A. : La réglementation prévoit une limite quantitative aux réseaux. Quel sera le numerus clausus pour les deux marques que vous dirigez ?
D.P. : Nous n'avons pas encore finalisé notre numerus clausus. Nous serons entre 65 et 75 opérateurs pour Land Rover et entre 37 et 45 pour Jaguar.
Nos contrats ont été inspirés d'un contrat-cadre du groupe Ford et nous avons travaillé avec les représentants des réseaux. Les discussions se sont faites en bonne intelligence sur les contrats et les standards.
Nous avons des standards communs entre Jaguar et Land Rover, et également avec Volvo. L'audit que nous avons fait courant août et septembre a montré que plus de 70 % des concessionnaires étaient au niveau de ces standards.
J.A. : Dans quelles conditions allez-vous gérer la mise aux normes ?
D.P. : Nous mettons en place des plans d'action avec des délais en fonction des items. Un certain nombre de procédures existent mais ne sont pas écrites. Dans ce cas, la mise aux standards n'est qu'une simple formalité. En mars 2004, nous devrions avoir atteint l'essentiel, avec une date butoir au 30 juin 2004. Pour ceux qui doivent faire des investissements, les montants restent très raisonnables. Nous ne cherchons pas à mettre nos concessionnaires en difficulté.
J.A. : Les showrooms du type de Land Rover Center, c'est fini ?
D.P. : Ce concept importé des Etats-Unis n'est en effet plus d'actualité. Dans les années 1998, 1999, l'idée était de promouvoir des constructions d'un certain style, ce n'est plus le cas. Nous ne souhaitons pas que le style des concessions soit trop marqué, ce qui les rend difficilement convertibles. Compte tenu de la nouvelle réglementation et du réalisme que nous devons avoir, nous utilisons des structures normales avec une décoration typique à la marque.
J.A. : Comment gérez-vous le problème des contrats après-vente ?
D.P. : Nous avons 25 agents Land Rover dont certains pourront devenir réparateurs agréés. Certains anciens concessionnaires également souhaitent être réparateurs. Nous leur demandons d'être équipés des outils de diagnostic, de l'outillage, de respecter nos process et de suivre les formations. Nous avons également un réseau de réparateurs de deuxième niveau.
J.A. : Que pensez-vous du développement du multimarquisme souhaité par la Commission européenne ? Craignez-vous la suppression de la clause de localisation après 2005 ?
D.P. : Le multimarquisme existe déjà au sein du groupe entre les marques Jaguar, Land Rover, Volvo, Ford et Mazda. Selon sa capacité financière, le concessionnaire peut avoir une palette plus ou moins large. Mais la gestion physique des marques constitue une limite. Le concessionnaire fait un travail de proximité vis-à-vis de sa clientèle. Il doit associer les techniques de vente de biens de luxe avec des méthodes industrielles à travers les organisations et les hommes.
Même après 2005, le respect des standards exigera des investissements et tout ne sera pas possible. Il faudra un retour potentiel non négligeable que l'harmonisation des prix rendra moins évident. Chez Jaguar et Land Rover, nous harmonisons progressivement nos prix en Europe. Le prix HT du Range Rover, par exemple, est identique dans tous les pays de l'Union européenne.
Il y a toujours un risque qu'un distributeur Land Rover vienne s'installer en face d'un Land Rover existant. Mais il aura des coûts, des investissements en hommes et il n'est pas assuré de prendre du volume. Nous pensons que sur des marques comme les nôtres, l'effet sera marginal.
J.A. : Depuis le début de l'année, les ventes de Jaguar sont en recul, comment l'expliquez-vous ?
D.P. : Nous sommes à - 16 % à fin septembre. Dans l'absolu, nos ventes sont en baisse, mais notre part de marché reste stable. A fin août, le segment de référence de la X-Type essence avait chuté de 37 %. Avec 523 X-Type à fin août, notre part de marché est de 16 %. De même, le segment de référence de la S-Type a chuté de 18 %. Nous faisons 30 % de ce marché et nous sommes en légère progression. Depuis le 18 septembre, la X-Type Diesel va nous permettre de gagner des volumes plus importants. Nous devrions faire 2 300 véhicules en 2003 et notre objectif 2004 est d'atteindre 4 500 unités, grâce au Diesel et à la version break.
J.A. : Pour Land Rover, les ventes sont stables sur un segment pourtant en hausse. Pourquoi ?
D.P. : Le changement de modèle du Freelander qui représente 50 % de nos ventes a affecté nos volumes. En 2003, nous devrions livrer 7 500 véhicules dont 300 Defender à l'Etat. Notre objectif est d'atteindre 8 000 unités en 2004.
Propos recueillis par Florence Lagarde
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