Entretien avec Daniel Coppens, Président du directoire du groupe Volkswagen France s.a.
...restant la pierre angulaire de la garantie de pérennité de cette position.
Journal de l'Automobile. Comment conciliez-vous le développement des 5 marques du groupe, Volkswagen, Audi, Skoda, Seat et Volkswagen Utilitaires ?
Daniel Coppens. Il est certain que chaque marque a son profil bien spécifique. Nous les gérons donc à l'intérieur de la stratégie de marques qui a été établie par la maison mère, comme le sont aussi leur notoriété ou leur image. A l'intérieur du groupe Volkswagen, chaque marque a sa place dans le marché. Notre philosophie est d'afficher devant le client le plus de différenciation possible et derrière "le rideau", ce qu'on appelle en anglais le back office, de bénéficier d'un maximum de synergies. Par ailleurs, chaque marque a ses objectifs chiffrés en fonction de ses modèles et il n'est pas dans notre politique d'en privilégier certaines par rapport à d'autres.
JA. Qu'est-ce que vous répondez quand on parle de "sous marques", de voitures identiques mais à des prix différents en fonction de la marque envisagée ?
DC. Avec l'arrivée du Docteur Pischetsrieder, nous ne parlons de groupe de marques qu'en interne. Nous l'évoquons au niveau des échanges en production, en Recherche et Développement, en développement. En revanche, ce concept n'existe pas au niveau de la distribution, nous avons bien cinq marques indépendantes.
JA. En France, par exemple, quel est le développement que vous avez donné aux grandes marques de luxe ?
DC. Quand vous parlez de luxe, vous évoquez Bugatti, Lamborghini ou Bentley, qui sont des marques du Groupe mais qui ne sont pas distribuées par Volkswagen France et qui bénéficient d'un traitement particulier. Leur système de la distribution est totalement différent puisque c'est le client qui vient vers la marque de luxe et non l'inverse. En revanche, que ce soit pour Bentley ou Lamborghini, nous avons assisté à une véritable envolée des volumes de vente pour des marques qui souffraient beaucoup. C'est grâce à la force et aux synergies d'un groupe comme Volkswagen AG que nous avons pu "sauver" des marques pareilles. Cela montre également le savoir-faire de notre groupe dans le domaine du Premium.
JA. Comment se situe le groupe Volkswagen aujourd'hui en France ?
DC. Nous sommes le premier importateur en France avec une pénétration de presque 11 %. Même la marque VW, prise isolément, se place comme le premier importateur en France. Un véhicule sur dix est donc un véhicule de notre groupe, nous nous portons plutôt bien !
JA. Parmi ces cinq marques, quelles sont celles qui fonctionnent le mieux en France ?
DC. En volume, la marque VW est la plus importante avec 140 000 véhicules commercialisés par an. Audi marche très bien aussi dans son segment puisque nous sommes deuxième devant la marque BMW, avec des ventes qui tournent autour de 44 000 véhicules par an. La marque qui a la plus forte progression est Skoda. Il y a deux, trois ans, Skoda vendait 10 000 véhicules/an, aujourd'hui, elle en vend 17 000. Et puis Seat, avec 34 000 unités, est une marque bien présente. Enfin, avec 14 000 ventes d'utilitaires légers, on peut dire que, globalement, les cinq marques se portent bien.
JA. Votre ambition pour les cinq marques ?
DC. A la fin 2005, nous avons battu des records pour les marques Audi, Skoda et VW Utilitaires, en termes de volume. Notre ambition est de continuer un peu notre progression bien que, avec une pénétration qui se situe autour de 11 %, je pense que nous avons atteint notre position sur le marché français, un marché qui reste stable autour de 2 millions de véhicules particuliers immatriculés par an.
JA. Que représente le marché français pour le groupe ?
DC. Nous vendons 5,2 millions de véhicules dans le monde et 250 000 en France, soit 5 %. En Europe, la France se place derrière l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie.
JA. Pourriez-vous définir les atouts de vos 5 marques sur le marché français ?
DC. Il y a un atout qu'elles ont vraiment en commun, c'est la qualité du produit. Les normes et les standards peuvent être différents mais ils sont, de toutes les façons, très élevés. Pour revenir sur les atouts, la Golf est devenue un mythe en France extrêmement porteur en termes d'image. C'est un avantage énorme, reconnu par tout le monde. Audi est une marque qui, en très peu de temps, est parvenue à se créer une image de Premium, tant au niveau du design, de la qualité que de la technicité du produit.
Skoda, sans doute la marque la plus sympathique pour ceux qui la connaissent déjà, est aussi la marque qui manque un peu de notoriété et souffre encore de préjugés. Elle joue la carte "value for money" et, aujourd'hui, avec le lancement du Roomster, elle va bénéficier d'une petite touche de personnalité. Autant l'Octavia est rationnelle, autant le Roomster jouera sur l'émotion. La marque est vraiment sur la bonne voie pour se développer. Seat a un historique complètement différent, c'est une marque beaucoup plus émotionnelle. Elle joue l'émotion et surtout chez les jeunes, c'est une marque un peu rebelle.
JA. Pourquoi cette marque souffre-t-elle en France ?
DC. Je pense qu'elle manque encore un peu de notoriété. Il a été plus difficile de positionner la marque en France parce que Seat était connue par les français comme une marque appartenant à Fiat, alors qu'elle était inconnue dans les autres pays européens. Pour les français, Seat est synonyme de ce qui se faisait il y a 20 ans, il faut donc du temps pour que les gens découvrent aujourd'hui que Seat ne fait plus partie du groupe Fiat mais du groupe VW et jouit de ses normes de qualité.
JA. Et la cinquième marque ?
DC. Chez nous, les utilitaires sont les véhicules légers (jusqu'à 4,6 tonnes) avec trois gammes de produits. Leur force réside dans le fait qu'ils sont proches des VP. C'est une force et peut-être un handicap en même temps pour certains clients. Nous misons énormément sur la sécurité, sur un bon équipement et un intérieur proche du VP, ce qui plaît aux uns et en éloigne d'autres. En effet, nous manquons encore de réseaux de vente auprès des professionnels pour les 3,5 tonnes. Nous devons donc nous rapprocher de distributeurs poids lourds qui ont besoin de nos produits en complément de gammes.
JA. La concurrence est forte en France par la prédominance des constructeurs français, par la montée en puissance de Toyota et sa communication sur son usine française... Sur quels atouts allez-vous vous battre pour maintenir votre part du marché ?
DC. Puisque nous sommes le premier importateur, je pense qu'il est normal que Toyota exploite le fait d'avoir une usine en France. En revanche, pour progresser dans un marché et s'établir, il faut plus que cela. En premier lieu, il faut des produits. Dans un deuxième temps, il faut des réseaux de service, des réseaux de distributeurs qui soient capables d'entretenir les véhicules tout en répondant aux exigences du client. Je crois que dans un monde européen, de plus en plus global aujourd'hui, même s'il reste une portion de chauvinisme, les gens regardent quand même ce qu'ils achètent. Les clients sont extrêmement bien informés et savent très bien ce qu'ils veulent. Si nous pensons progresser en France, c'est à travers la qualité de nos produits et d'un réseau qui soit vraiment aussi à la hauteur et qui répondra aux attentes du client.
JA. Comment se porte votre réseau ?
DC. Globalement, les volumes sont au rendez-vous pour tous les distributeurs et c'est un point très important pour eux compte tenu des investissements qu'ils font. En un second temps, nous devons, en tant qu'importateur, soutenir au travers de nombreux programmes, les distributeurs pour qu'ils réussissent à satisfaire leur clientèle. C'est un peu notre cheval de bataille parce que je suis convaincu que la "pièce" se joue chez le distributeur. Je sais très bien qu'on n'y arrive pas tous les jours, mais notre objectif est vraiment de tout faire pour que le distributeur puisse satisfaire le client que ce soit pour l'achat d'un véhicule, pour l'entretien ou une réparation.
JA. En ce sens, quels sont les principaux services que vous apportez, ce sont les financements par exemple ?
DC. Nous parlons plutôt de système et d'état d'esprit qui président aux différents services, qu'ils s'appellent package financement, package entretien et réparation, garanties de contrats bien remplis, assurance d'obtenir les pièces de rechange au bon moment ou encore "technical call center", un centre d'appel technique pour aider les mécaniciens. Les véhicules sont de plus en plus complexes et les mécaniciens ne peuvent pas suivre toutes les formations que nous mettons en place. C'est pourquoi nous avons fait ce centre d'appel. Nous gérons beaucoup plus que dans le passé les exceptions, autrement dit, si 90 % des clients sont satisfaits, nous nous focalisons sur les 10 % qui ne le sont pas. C'est cela, notre état d'esprit.
JA. En termes de maillage, pensez-vous que vous avez un nombre suffisant de concessions par marque actuellement pour développer vos ventes ? Par ailleurs, où en est votre politique de filialisation ?
DC. Pour les marques Volkswagen et Audi, nous avons atteint le maillage que nous souhaitions. Pour Seat, il reste encore des zones non couvertes, notamment à Paris. Pour Skoda,outre Paris, il reste encore une dizaine, voire une quinzaine de points sur la France que l'on aimerait voir combler. En ce qui concerne la politique de filialisation que vous évoquez, nous n'avons pas d'objectif qui consisterait à réaliser 50 % de notre chiffre d'affaires à travers des points de vente que nous détiendrons en propre. En revanche, il y a des zones stratégiques qui doivent absolument être couvertes. Si nous n'avons pas de d'investisseurs indépendants qui souhaitent s'y installer, nous intervenons alors directement comme opérateurs. C'est une stratégie opportuniste.
JA. Quel est votre sentiment par rapport au multimarquisme ?
DC. Un distributeur est libre de prendre une autre marque. En revanche, nous voulons que le client qui choisit d'entrer dans un point de vente d'une de nos marques, entre dans l'univers de cette marque, que ce soit Skoda, Seat, VW ou Audi. Après, que le distributeur qui a créé cet environnement en crée d'autres à côté, cela ne nous gène pas du tout.
JA. Quelle va être la place des véhicules hybrides dans vos marques ?
DC. Notre but n'est pas de concevoir un véhicule hybride mais d'obtenir une réduction d'émission de CO2 à travers des méthodes qui s'appliqueront à l'ensemble du parc existant ou des nouveaux véhicules. Nous travaillons donc en collaboration avec les pétroliers sur des carburants alternatifs (essence/éthanol) qui peuvent être admis par les véhicules d'aujourd'hui. Les moteurs TDCI prouvent que l'on peut réduire la consommation à travers l'utilisation de carburants alternatifs tout en gardant un certain plaisir de conduite.
JA. Pendant la période estivale, il a été souvent question de fusions, qu'en pensez-vous ?
DC. Je ne crois pas que des fusions de type DaimlerChrysler soient encore à envisager aujourd'hui. Qu'il reste quelques petites marques qui aient besoin de se rattacher à de grands groupes, pourquoi pas, mais quel est l'intérêt d'acheter un petit constructeur russe, par exemple, dont l'outil de production est totalement obsolète ? De notre côté, nous n'avons rien en vue.
Propos recueillis par
Hervé Daigueperce
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