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Constructeurs

Entretien avec Audrey Vastroux, ingénieur d’essais moteur chez Renault F1 Team : "J'ai toujours été attirée par l'automobile"

Publié le 21 juillet 2006

Par Marc David
9 min de lecture
Ingénieur d'essais moteur au sein du Renault F1 Team à Viry-Châtillon, Audrey Vastroux vit de l'intérieur le début de l'ère du V8. Tout aussi impliquée et passionnée que ses collègues masculins, elle apporte également sa contribution précieuse aux succès rencontrés sur la piste par l'écurie...
Ingénieur d'essais moteur au sein du Renault F1 Team à Viry-Châtillon, Audrey Vastroux vit de l'intérieur le début de l'ère du V8. Tout aussi impliquée et passionnée que ses collègues masculins, elle apporte également sa contribution précieuse aux succès rencontrés sur la piste par l'écurie...

...championne du monde.


Journal de l'Automobile. Comment avez-vous eu l'opportunité d'intégrer la structure de Renault F1 à Viry ?
Audrey Vastroux. Cette intégration n'est pas fortuite puisqu'elle fait suite à une candidature de ma part. Le côté développement et conception m'a toujours passionné et de ce fait, mon objectif était de travailler dans le sport automobile. Disons que j'ai toujours été attirée par l'automobile… De plus, je suis fille unique, et mon père, également passionné d'automobile, m'a emmenée sur les circuits quand j'étais plus jeune. De mémoire, j'ai vu ma première course sur le circuit du Castellet lorsque j'avais une dizaine d'années. Il ne s'agissait pas encore de F1, mais de F3. Le meeting comportait également le Supertourisme.


JA. Votre parcours fait état d'un passage chez PSA. Auriez-vous pu intégrer à long terme le département moteur (VL) d'un grand constructeur ?
AV. J'en avais l'opportunité après mon apprentissage chez PSA mais, compte tenu de ma passion pour le sport automobile, il est clair que je voulais me rapprocher le plus possible de ce secteur. En outre, mon activité au sein de Renault F1 est totalement différente de celle que j'exerçais en conception chez PSA.


JA. Justement, pour ce qui est de Renault F1, comment a été vécue votre arrivée, et en quoi consiste exactement votre métier ?
AV. J'ai été très bien accueillie et j'ai été très rapidement intégrée à l'équipe (qui compte une dizaine de personnes, NDLR). Je me sens très bien avec les autres techniciens et ingénieurs, vraiment, je n'ai aucun souci tant sur le plan relationnel que sur celui de l'écoute. Certes, il faut prendre ses marques, faire ses preuves, mais c'est partout pareil, quel que soit le métier exercé. Pour ce qui est de mon travail, je suis ingénieur d'essais sur V8 et de ce fait, mon rôle consiste à essayer toutes les solutions destinées à améliorer les performances et la fiabilité du moteur, cette dernière impliquant évidemment des tests d'endurance. En fait, un ingénieur d'essais doit être capable de réaliser tout type de test au banc moteur. La répartition du travail se fait suivant les aspirations et surtout l'expérience de chacun.


JA. Qu'est-ce qui vous plaît dans ce travail ?
AV. Plusieurs choses. Il y a déjà l'aspect concret. Voir le moteur physiquement, travailler dessus. Il faut savoir que dans la grande série, un ingénieur n'a que très peu d'occasions de voir le produit fini et de travailler dessus directement. Généralement, il est très éloigné du moteur, d'autant plus qu'au




CURRICULUM VITAE

  • Nom : Vastroux
  • Prénom : Audrey
  • Age : 25 ans

    Après avoir obtenu son BAC Scientifique à Marseille en 1999, Audrey Vastroux choisit la voie des Maths Sup et des Maths Spé (toujours à Marseille) avant d'intégrer en 2001 l'Ecole Polytechnique de Palaiseau dans l'Essonne. Après son service militaire (une expérience très enrichissante selon elle !), puis deux années de formation scientifique généraliste et une année de spécialisation (Pétroles et Moteurs), elle obtient son diplôme d'ingénieur en 2004. Puis elle entre en apprentissage chez PSA dans la foulée pour asseoir ses connaissances dans le domaine de la conception moteur. En janvier 2006, elle intègre le département Essais Moteur de Renault F1.

  • niveau du développement, les tests sont réalisés très tard. Il y a aussi l'aspect technologique qui va de pair avec un moteur de Formule 1. On apprend beaucoup de choses, les idées se concrétisent très vite avec des évolutions qui arrivent régulièrement… Pour un ingénieur, c'est très enrichissant de ce point de vue. Il y a énormément de paramètres à gérer sur un moteur de F1 et cela engendre aussi tout un travail de synthèse et d'analyse des résultats qui tombent du banc. En outre, il y a aussi toute la partie interaction avec les différents techniciens dont l'ingénieur d'essais doit organiser les interactions. Il ne s'agit pas d'un travail individualiste, mais d'un véritable travail d'équipe.


    JA. En référence à tout cela, avez-vous un domaine de prédilection ?
    AV. Difficile à dire, dans la mesure où tous les aspects techniques sont très différents, et complémentaires. Je pense que les essais de combustion et d'aérodynamique représentent une partie sur laquelle l'apport de l'ingénieur d'essais est différente que sur des essais de fiabilité où l'on suit le moteur dans son cycle d'endurance. Maintenant, les deux sont nécessaires et un ingénieur doit savoir les faire tous deux. Cela met en jeu différentes facettes, également. La performance nécessite surtout un travail de dépouillement et de synthèse quand le suivi de cycles d'endurance est une interaction de tous les instants avec le moteur.


    JA. Avez-vous des contraintes fortes, notamment en termes de respect des délais ?
    AV. Nous avons un planning à respecter pour apporter des réponses à différentes solutions en termes de fiabilité ou d'amélioration de la performance du moteur, et ce afin d'atteindre les jalons qui sont fixés par les chefs de projets. Comme on le sait, le banc est "le juge de paix" de chaque solution et de chaque décision prise. Cela implique forcément de tenir des délais assez serrés. En matière de prises de décision et de réactivité, la chaîne est très raccourcie au niveau de la F1. Généralement, le moteur tourne au banc environ six mois avant son arrivée en piste. Par comparaison, le développement d'un moteur de série chez un grand constructeur s'effectue sur trois ans en moyenne.


    JA. Le fait d'avoir intégré une structure championne du monde vous met-il plus de pression ?
    AV. Je pense plutôt que c'est un peu plus facile, dans la mesure où les gens sont assez sereins. Ils ont régulièrement atteint les objectifs fixés jusqu'à l'obtention du double titre l'année dernière. Ils ont donc les méthodes de travail et les ressources nécessaires pour travailler dans le bon sens et le plus efficacement possible. Certes, le V8 représentait un nouveau challenge, différent de celui du V10, mais lorsque je suis arrivée en janvier, l'équipe connaissait déjà le potentiel de notre moteur, le RS26. Une fois le baptême de piste effectué, tout le monde sentait que les choses allaient bien se passer et de ce fait, je n'ai pas connu de stress particulier ou de problèmes issus d'une crise ! Cela dit, une fois qu'une équipe est au sommet, le challenge consiste à y rester. D'où une certaine pression visant à maintenir le niveau de performances de la voiture, face à des équipes concurrentes qui progressent également.


    JA. Avez-vous eu l'occasion d'assister à un Grand Prix ? Qu'est-ce qui vous interpelle le plus ?
    AV. J'ai vu mon premier Grand Prix de F1 dans le cadre du GP de France à Magny-Cours, en 1997, soit la dernière année de collaboration entre Williams et Renault qui s'est achevée sur le titre de Jacques Villeneuve. Bien sûr, j'en ai vu d'autres depuis. L'aspect le plus marquant lorsque l'on voit une Formule 1 rouler pour la première fois, c'est le bruit. Certes, cela fait un peu "cliché", mais c'est réel. Après, bien sûr, il y a l'accélération des voitures, leur vitesse, même si ce n'est pas toujours évident de s'en rendre compte lorsque l'on est sur le bord du circuit.


    JA. Cette corrélation avec la piste est-elle importante pour vous ?
    AV. Je pense qu'elle est primordiale. On travaille pour que la voiture brille sur la piste et la voir évoluer dans ces conditions est forcément motivant. Il y a aussi "l'envers du décor", c'est-à-dire le travail sur le terrain de toute l'équipe de techniciens. C'est en quelque sorte le rêve qui devient réalité. Quand j'étais petite fille, c'était exactement ce que je voulais, passer de l'autre côté du rideau, voir la voiture dans les stands et la voir démarrer avec le pilote à son volant ; qui plus est un champion du monde, en ce qui concerne Alonso. Un moment inoubliable !


    JA. Justement, au vu de votre expérience, quel regard avez-vous sur la F1 d'aujourd'hui ?
    AV. D'un point de vue technologique, les règlements font que nous avons changé de cylindrée et aussi de nombre de cylindres, mais je pense que le V8 se positionne à la pointe de la technologie, au moins autant que le V10. Cela ne change pas grand-chose… Certaines contraintes ont fait qu'il a fallu trouver de nouvelles solutions. Par exemple, les vibrations, différentes de celles du V10, ont entraîné des contraintes auxquelles on ne s'attendait peut-être pas. Nous avons trouvé des solutions et aujourd'hui, le V8 Renault est "dompté", dans la mesure où il ne vibre pas plus que le V10. De même, les trompettes variables ont disparu et il a fallu travailler différemment sur le moteur, en amenant de la puissance par d'autres "artifices". C'est à nous de les trouver. Encore une fois, le V8 est vraiment "un monstre de technologie" et c'est assez fascinant de le faire tourner aussi vite (aujourd'hui, les meilleurs moteurs du plateau tournent au moins à 19 000 tr/mn, NDLR) et quand même aussi longtemps car n'oublions pas qu'il doit effectuer deux Grands Prix d'affilée.


    JA. Justement, sur le plan de la puissance, regrettez-vous de ne pas avoir connu l'ère des turbos ?
    AV. Au niveau d'un ingénieur, je pense que cela ne change pas grand-chose. Construire un moteur fiable et puissant sans turbo est aussi un défi, même s'il est différent d'un point de vue technologique, de la non-possibilité de s'appuyer sur un élément "extérieur" en matière de recherche de puissance. En même temps, construire et développer un moteur turbo représente aussi des contraintes, notamment au niveau de toute la partie thermique. Globalement, donc, le défi est réel dans les deux cas. Maintenant, pour ce qui est des regrets éventuels, je ne pense pas qu'il faille regretter cette époque dans la mesure où la F1 d'aujourd'hui est bien plus sécurisante pour les pilotes. Forcément un bien !


    Propos recueillis
    par Marc David


     





    ZOOM

  • Etes-vous passionnée d'automobile ?
    Oui. Je m'intéresse à bon nombre de disciplines sur circuits, auto et moto, mais également au WRC.
  • L'automobile : hasard ou choix ?
    Choix.
  • Quel autre secteur vous plairait-il ?
    L'aéronautique, pour ses technologies élaborées, et l'emploi des matériaux à l'extrême.
  • Votre voiture ?
    Une Fiat Punto… pour le moment !
  • L'avantage d'être une femme ?
    Le fait d'être peu nombreuses dans ce milieu crée un contact différent. En fait, je pense que les techniciens et ingénieurs n'ont aucun souci à travailler avec des femmes. L'entente est parfaite.
  • L'inconvénient d'être une femme ?
    Il n'y en a pas vraiment.
  • Jupe ou pantalon ?
    Les deux.
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