Christian Klingler rencontre le jury de l’Homme de l’Année
La tentation du low cost ?
“C’est une possibilité que nous étudions effectivement au sein du groupe. Actuellement, notre portefeuille de produits Volkswagen propose une entrée de gamme au niveau de la up! et nous menons donc une réflexion sur l’opportunité de développer une entrée de gamme encore plus accessible. Si ce choix est entériné, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle, il passerait très vraisemblablement par une autre marque que Volkswagen. Et cette marque s’adresserait principalement aux marchés émergents, Chine et Inde en tête.”
La rumeur Ducati et l’éventualité d’intensifier la diversification vers le deux-roues ?
“Volkswagen est un groupe de mobilité dans l’acception globale du terme. Nous pouvons donc couvrir le spectre des gros camions jusqu’aux deux-roues. Il n’y a là aucune incohérence.”
L’ancrage dans les marques et les produits
“A la direction du groupe, nous restons profondément attentifs au produit en tant que tel. Du développement technique à la commercialisation, c’est bien le produit qui est la clé de voûte de toute réussite. Nous consacrons donc environ 25 % de notre temps au produit.”
Le débat des surcapacités industrielles
“Tel qu’il est conduit actuellement, le débat sur les surcapacités n’est pas forcément le bon à mes yeux. Et je regrette aussi que des acteurs de notre industrie cherchent à transférer les responsabilités vers Bruxelles. Par exemple, Sergio Marchionne dit ce qu’il veut, mais il ne faut pas faire l’amalgame avec la voix de l’Acea. Le véritable débat, le véritable enjeu, c’est celui de la compétitivité de nos groupes. La compétitivité n’est pas uniquement européenne, elle est mondiale. Dès lors, on peut en revanche s’interroger sur la pertinence du traité signé par l’Europe avec la Corée du Sud… La seule chose que nous pouvons demander à Bruxelles est donc de fixer un cadre qui favorise la compétitivité.
Bref, lorsque vous êtes compétitif, les questions ne se posent pas de la même manière. Au sein du groupe Volkswagen, nous continuons à investir en Europe, d’autant que nous n’avons pas de problème de surcapacités dans cette zone. Nous créons aussi des emplois dans cette région. Et au-delà de l’importance de la responsabilité sociale de notre groupe, nous ne fermerons pas nos usines en Europe pour des raisons économiques à long terme. Regardez le poids de l’automobile dans le PIB de certains pays européens, comme l’Allemagne ou l’Espagne par exemple. Réduire notre implantation industrielle en Europe reviendrait à long terme à tuer notre richesse et nos marchés.”
Des normes européennes trop exigeantes sur l’environnement ?
“A partir du moment où les normes ont été entérinées, c’est à nous de nous adapter, point à la ligne. Il faut arrêter de parler dans le vide et de se plaindre. Il y a un temps pour la négociation et un temps pour l’action.”
Les taux de la Banque centrale européenne, un atout durable ?
“La situation actuelle est plutôt favorable, c’est un fait. Et on peut penser que la stratégie de la Banque centrale européenne devrait rester stable dans les années à venir, vu la crise qui sévit actuellement dans la zone Europe.”
Vers une baisse des prix de Volkswagen en France ?
“Je crois en fait qu’il y a beaucoup d’extrapolations sur le sujet… Aux Etats-Unis, il y a quelque temps, on nous avait déjà dit que nous étions fous avec le positionnement de la Jetta. Or, elle s’écoule très bien et les ventes sont rentables. Bref, je n’ai pas à me plaindre du pricing de la marque en France ! Et d’une manière générale, si vous regardez nos résultats financiers, vous pouvez vous douter que nous ne bradons pas vraiment nos véhicules…”
La spirale infernale de la guerre des prix en Europe
“Je pense qu’il faut relativiser. En effet, ce débat a toujours existé et, à chaque fois, certains disent que c’est le bout du bout. Regardez en arrière et vous constaterez que c’était le même débat il y a vingt ans, trente ans. J’insiste aussi sur le fait qu’au-delà du prix, c’est la proposition client dans son ensemble qui fait la différence. Le recours aux remises n’intervient qu’en cas de problème, voilà tout.”
Le test up!
“C’est effectivement un véritable test pour nous. Mais nous restons confiants car la proposition client est riche et cohérente. Elle a été bien travaillée.”
Les difficultés de Seat
“Il y a eu des erreurs commises dans le passé, reconnaissons-le, avec la notion d’esprit paella ou je ne sais quoi par exemple. De plus, il y a eu trop de revirements de positionnement, alors qu’il est important de stabiliser une marque, d’inscrire son identité dans la durée. En effet, le client doit tout de suite comprendre à quoi correspondent une marque et son territoire pour y adhérer. Nous nous efforçons désormais de travailler dans ce sens pour Seat. Toutefois, il faut aussi admettre que Seat n’a pas eu de chance ces dernières années car la crise a frappé durement les marchés du sud de l’Europe, qui sont précisément les marchés clés de la marque… Aujourd’hui, nous ouvrons d’ailleurs de nouveaux marchés à la marque et nous avons fait un effort important sur son offre produits. Il y a donc de réelles perspectives qui ont été données à la marque Seat.”
Marché chinois : mesures coercitives et croissance ralentie ?
“Il est tout de même nécessaire d’avoir bonne mémoire. La croissance en Chine a été considérable ces dernières années, notamment en 2009. Que celle-ci diminue n’est dès lors pas si étonnant, d’autant qu’elle reste forte, au niveau de ce que pouvait connaître l’Europe dans les années 50 !
Par ailleurs, le fait que les autorités chinoises incitent les fonctionnaires à opter pour des modèles chinois a sans doute été surmédiatisé. D’une part, rapporté au marché chinois dans son ensemble, il ne s’agit pas de volumes considérables. D’autre part, avec nos coentreprises dans le pays, on peut estimer que nous sommes moitié chinois en Chine. En outre, cela nous ramène encore au produit et à sa force. Un automobiliste qui a goûté à une Audi ou à une Volkswagen sera-t-il forcément ravi de rouler dans une berline chinoise ? Quel sera son arbitrage pour un achat privé ? Nous ne sommes pas particulièrement inquiets.
L’essentiel, c’est que le développement de nos marques a été fort en Chine, avec une bonne implantation industrielle locale, et nous allons poursuivre dans cette voie. D’ici deux ans, nous aurons une capacité de production de 3 millions de véhicules en Chine et notre plan d’investissement sur ce marché porte sur 10 milliards d’euros pour les cinq ans à venir. A court et moyen terme, nous avons donc tout mis en œuvre pour être au rendez-vous de la croissance.”
Bientôt un concurrent chinois ?
“Un jour ou l’autre, nous aurons des concurrents chinois à l’échelle mondiale, c’est une évidence. Actuellement, ce n’est pas le cas, mais il faut garder à l’esprit qu’il y a encore une centaine de constructeurs chinois et que le processus de concentration est en cours. En revanche, je ne m’avancerai pas à vous dire à quelle date nous aurons des concurrents chinois. Mais nous en aurons, c’est certain. Pensez aux constructeurs japonais et coréens.”
Du retard en Inde ?
“Au préalable, il faut bien comprendre que la segmentation du marché indien est très spécifique. Le segment haut de gamme est infime et le milieu de gamme réduit. Le marché est très majoritairement constitué de tout petits véhicules, dont des trois-roues. Dès lors, les constructeurs indiens, spécialistes de ce type de véhicules, trustent encore largement le marché. En revanche, cela ne saurait signifier que nous sommes en retard. Au contraire, nous sommes même bien placés ! Nous figurons ainsi dans le peloton de tête des constructeurs “étrangers” avec Hyundai, Kia et Toyota.”
La Phaeton, un regret ?
“Pas du tout, nous n’avons aucun regret par rapport au modèle Phaeton en tant que tel. Il nous est d’ailleurs très utile en Chine ou en Corée, par exemple. Si regret il doit y avoir, il se situe au niveau du lancement marketing du produit.”
A propos du véhicule électrique
“Nous croyons à cette solution et nos premiers véhicules électriques gagneront d’ailleurs très prochainement le marché. Cependant, il s’agit d’une solution alternative parmi d’autres et nous sommes convaincus qu’un constructeur automobile devra être capable, à l’avenir, de proposer un bouquet de solutions énergétiques différentes. En outre, j’insiste sur le fait que le véhicule électrique dépasse largement le seul cadre du véhicule et qu’il implique les infrastructures dans toute leur complexité. Enfin, il faut garder la tête froide et rester lucide : le véhicule électrique n’est pas toujours vertueux au plan de l’environnement car ses performances dans ce domaine dépendent beaucoup de la technique utilisée pour produire de l’électricité.”
Un après-Fukushima
“Par rapport à la réflexion sur le véhicule électrique, je suis aussi persuadé qu’il y a un avant et un après Fukushima. Il y a tout de même des questions qu’on ne peut pas prendre à la légère. Même si ce n’est pas prégnant en France pour des raisons spécifiques, cette réflexion fondamentale est très vive dans d’autres pays actuellement.”
Volkswagen et la question du débauchage ?
“Notre groupe est dans une phase de croissance et nous recrutons. Nous cherchons logiquement à recruter les meilleurs éléments. Mais je ne suis pas certain que nous débauchions vraiment… Il y a peut-être aussi des gens qui souhaitent partir dans les autres groupes…”
Autoportrait en manager
“C’est toujours difficile de se décrire soi-même ! Je pense que je suis un manager qui écoute beaucoup avant de décider. C’est un processus qu’il faut savoir bien synchroniser dans le temps, car il ne faut pas non plus être trop lent. Par ailleurs, même si cela peut apparaître contradictoire de prime abord, j’essaie de déléguer au maximum tout en observant tout ce qui se passe et en gardant la maîtrise globale. C’est le juste équilibre entre délégation et contrôle. De surcroît, je suis un manager direct et calme, même si quand je deviens trop calme, certains me disent que ce n’est pas forcément bon signe ! En fait, l’essentiel est d’être toujours orienté sur ses objectifs et de rester focalisé sur l’amélioration permanente.”
Notion d’équipe et question d’état d’esprit
“Au-delà du ou des dirigeants d’un groupe, l’essentiel réside dans les équipes. C’est un travail collectif avec une volonté commune qui anime les équipes. Cette dimension humaine est la plus importante. Avoir les bonnes équipes ne garantit pas toujours le succès, mais cela reste la condition préalable à tout succès. La réussite actuelle de notre groupe est la réussite de toutes ses équipes. Une réussite partagée.
Je tiens vraiment à insister sur la volonté des équipes et j’aime le parallèle avec ce qu’explique l’alpiniste Reinhold Messner, qui a gravi plusieurs 8 000 mètres sans oxygène. Quand on lui demande comment il arrive à rassembler ses dernières forces pour la fin d’une ascension, il répond en parlant de la volonté, de ce qu’il y a dans la tête. Pas un mot sur le corps ni les muscles ! Il ne parle que de conviction, de volonté. Je crois que c’est aussi cet état d’esprit qui fait la petite différence à la fin.”
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ZOOM - Discours de Martin Winterkorn, président du directoire de Volkswagen AG
Paris est incontestablement une capitale de l’automobile. Pas seulement en automne, lors du Mondial de l’Automobile, mais aussi parce que les Parisiens aiment évidemment les belles voitures malgré les contraintes de circulation dans une grande ville.
C’est un honneur exceptionnel de voir mon collègue du directoire de Volkswagen, Christian Klingler, aujourd’hui honoré du prix de l’Homme de l’Année. Je l’aurais d’ailleurs élu moi aussi sans aucun doute. Je l’aurais élu car Christian Klingler est le meilleur spécialiste du commerce de notre secteur. Parce qu’il a mis en place une équipe capable de révéler les défis sans cesse croissants de l’industrie automobile. Parce qu’il sait, intuitivement et précisément, comment gérer des marques fortes et comment les renforcer toujours davantage. Et, enfin, parce qu’il nous garantit une organisation tournée vers les clients et leur satisfaction, aussi bien pour les clients particuliers que les grands comptes.
Que veulent vraiment nos clients ? Afin de répondre à cette question cruciale, Christian Klingler “persécute” ses collègues et son équipe, sans cesse, parfois même la nuit. Pour résumer, il est un passionné de l’automobile et donc, tout simplement, un excellent ambassadeur du premier des constructeurs européens.
Partout où nous évoluons en Europe, il connaît les secrets et les spécificités du marché et, presque toujours, il est même capable de s’exprimer dans la langue du pays. Sans compter sa langue maternelle, l’autrichien, il maîtrise à ma connaissance, tenez-vous bien, six langues. Cela représente parfaitement notre groupe qui est également une petite Europe, multilingue. Nous réunissons 11 marques, originaires de 7 Etats de l’Union européenne, qui coopèrent étroitement en bon partenariat. De Bugatti ici en France, jusqu’à Lamborghini en Italie. De Seat en Espagne jusqu’à Skoda en République tchèque. De Bentley en Grande-Bretagne jusqu’à Volkswagen, Audi, Man et Porsche en Allemagne, en passant par Scania en Suède. Cette coopération internationale, basée sur la confiance, constitue la base du succès du groupe Volkswagen, mais aussi un atout déterminant pour nous imposer durablement dans la compétition mondiale.
Mesdames et Messieurs, ce même impératif s’applique également à l’Europe dans son ensemble. Naturellement, la crise de l’endettement est préoccupante et difficile pour nous tous. L’économie européenne en souffre, comme l’industrie automobile. Néanmoins, je suis fermement convaincu que si les pays de l’Union européenne resserrent les rangs, sauvegardent la force et la compétitivité de l’industrie manufacturière, l’Europe aura un avenir prometteur à tout point de vue. L’amitié franco-allemande est et reste le moteur de cette réussite. Et Volkswagen contribuera au bon fonctionnement de ce moteur.
Cet engagement s’exprime au travers des 300 000 véhicules que l’ensemble de nos marques ont vendus l’année dernière en France. Cet engagement s’exprime également par la création de 2 000 nouveaux emplois cette année grâce au groupe et à ses concessionnaires. Il s’exprime aussi par un investissement de 400 millions d’euros qui sera réalisé en France d’ici à 2016. Enfin, cet engagement s’exprime surtout en la personne de notre responsable vente et marketing, Christian Klingler.
En effet, depuis son arrivée à Wolfsburg, ce n’est pas seulement le marché automobile français qui est prioritaire sur l’agenda, mais aussi l’art de vivre à la française, de préférence avec un excellent grand cru. Vous voyez donc, Mesdames et Messieurs, que Christian Klingler connaît la France bien au-delà de son univers automobile. Vous avez donc parfaitement choisi le lauréat de cette soirée. Et dans cet esprit, félicitations.
Merci beaucoup.
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FOCUS - Les membres du Jury
• Astagneau Denis, France Inter
• Barbe Stéphane, L’Equipe
• Bazizin Luc, France 2
• Bellu Serge, Automobiles Classiques
• Bolle Héloïse, Challenges
• Botella Jean, Capital
• Boulanger Pascal, TF1/LCI
• Bourroux Christophe, RTL
• Calvez Laurent, France 3
• Chapatte Dominique, M6
• Chevalier Jacques, free lance
• David Christian, L’Expansion
• David Marc, free lance
• Fillon Laure, AFP
• Fréour Cédric, Les Echos
• Frost Laurence, Thomson Reuters
• Gallard Philippe, free lance
• Gay Bertrand, AutostratInternational
• Genet Jean-Pierre, L’Argus
• Genet Philippe, La Revue du Vin de France
• Grenapin Stanislas, Europe 1 / M6
• Le Goff-Bernis Héloïse, Auto Infos
• Jouany Félicien, free lance
• Lagarde Jean-Pierre, free lance
• Macchia Jean-Rémy, France Info
• Marmet Jérôme, Investir/JDF
• Meunier Stéphane, L’Automobile Magazine
• Normand Jean-Michel, Le Monde/Le Monde 2
• Pennec Pascal, Auto Plus
• Péretié Olivier, Le Nouvel Observateur
• Robert Lionel, free lance
• Roubaudi Renaud, free lance
• Roy Frédéric, CB News
• Roy Jean-Luc, Motors TV
• Verdevoye Alain-Gabriel, La Tribune
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