Carlos Ghosn lâche ses vérités
Carlos Ghosn a retrouvé sa liberté de parole. Il en a fait plein usage à l’occasion de sa première conférence de presse au Liban, quelques jours après sa fuite rocambolesque du Japon, "la décision la plus difficile à prendre de sa vie". Pendant plus de deux heures, l’ex-dirigeant de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est revenu sur ses conditions de détention, sur les faits qui lui sont reprochés et sur sa vision de l’affaire l’ayant privé de liberté pendant près de 400 jours, que ce soit en détention ou en résidence surveillée, période pendant laquelle lui ont été retirés "ma famille, mes amis et Renault-Nissan-Mitsubishi".
"Je ne suis pas là pour expliquer comment j’ai quitté le Japon, mais pour expliquer pourquoi je l’ai quitté, a précisé Carlos Ghosn en préambule. Je ressentais un profond désespoir, je me suis battu pour plaider mon innocence, j’ai essayé de m’expliquer mais on m’en a empêché. Je peux à présent parler librement et répondre à toutes les questions". Il a ensuite tenu à aborder un point essentiel : sa culpabilité. En l’occurrence, il affirme que toutes les accusations portées à son encontre sont montées de toutes pièces, "orchestrées pour détruire ma réputation", à la fois par le procureur japonais et par les dirigeants "sans scrupules" de Nissan, Hiroto Saikawa en tête.
Pas de verdict avant 5 ans
Dénonçant un système judiciaire japonais hostile et inhumain où 99,4 % des accusés sont condamnés, Carlos Ghosn a notamment parlé d’un procès politique dont "le verdict n’aurait sans doute pas été délivré sous 5 ans". Le fait que Nissan ait voulu sa chute tient au fait, selon lui, que la performance de la marque soit sur le déclin depuis 2017. "Il fallait trouver un coupable par rapport à cette situation alors que j’avais décidé de prendre mes distances avec les opérations de Nissan en octobre 2016 pour prendre la présidence du conseil d’administration de Mitsubishi afin de redresser l’entreprise. C’était donc à Hiroto Saikawa de trouver une solution", a rappelé celui qui est resté 17 ans à la tête de Nissan.
Un autre élément qui a selon lui déclenché les hostilités a été l’équilibre des forces au sein de l’Alliance, largement en faveur de Renault qui détient 44 % de son partenaire contre seulement 15 % pour Nissan dans Renault, qui plus est sans droit de vote. "La seule solution était de se débarrasser de moi, je peux vous donner tous les noms au sein de Nissan et du gouvernement japonais qui ont œuvré en ce sens", a-t-il lancé.
Preuves à l'appui
Il s’est ensuite attelé à démonter un à un les 4 chefs d’accusations dont il est l’objet, documents à l’appui. Concernant les soupçons de minoration de sa rémunération, Carlos Ghosn rappelle que la somme en question n’a jamais été versée, que son montant n’a jamais été fixé et qu’il ne pouvait donc la déclarer. Ensuite, sur le dossier du château de Versailles, il a tenu à préciser que Renault était mécène et, qu’à ce titre, la marque avait financé la restauration d’un salon à hauteur d’un million d’euros. "Suite à cela, Catherine Pégard m’avait proposé gracieusement une salle pour une soirée, c’était en quelque sorte un geste commercial", précise Carlos Ghosn. Il est également revenu sur les fameuses résidences mises à sa disposition, notamment au Brésil et au Liban, et sur d’autres volets de son dossier judiciaire en présentant à chaque fois des éléments de preuves ou des précisions utiles.
Finalement, l’ex-grand patron de l’Alliance voit cette affaire comme un grand gâchis, "la valorisation de Nissan depuis mon arrestation a baissé de plus de 10 milliards de dollars. Ils ont perdu plus de 40 millions de dollars par jour pendant cette période (...). C'est pas mieux pour Renault, parce que la valorisation de Renault a baissé, depuis mon arrestation, de plus de cinq milliards d'euros, ce qui signifie 20 millions d'euros par jour". Depuis novembre 2018, l'action Renault a en effet perdu environ 34 % de sa valeur et celle de Nissan environ 38 %.
Il s’est enfin défendu d’avoir démissionné de Renault, "je me suis seulement mis en retrait à l’époque car j’étais en prison, je ferais donc valoir mes droits", et il regrette que les négociations entamées en 2017 avec FCA n’aient pas abouties. A ce propos, il se demande encore "comment on peut perdre cette occasion unique d’être acteur leader de l’industrie ?". Déplorant que l’Alliance ne fonctionne plus, "une mascarade d’Alliance", il se dit finalement, qu’avec le recul, il aurait dû accepter la proposition qui lui avait été faite en 2009 de devenir le grand patron de General Motors. Mais on ne refait pas l’histoire.
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