Capteurs embarqués : qui MEMS me suive !
Dotés de structures infiniment plus fines qu’un cheveu humain (4 microns), ces capteurs détectent les composantes de leur environnement pour une transmission sur le CAN du véhicule, ou via Internet. A ce titre, ils constituent une technologie clé pour le monde interconnecté et occupent une place capitale dans la révolution digitale actuelle, par leur taille, leur faible consommation électrique et leurs possibilités.
Les MEMS sont nés dans les années 70 aux Etats-Unis. En 1982, Kurt Petersen publie un article intitulé “Silicon as a mechanical material”, décrivant des propriétés du silicium qui permettent de réaliser des systèmes autres que purement électroniques. C’est cet article fondateur qui va provoquer le déclic. Kurt Petersen crée l’entreprise NovaSensor, qui devient vite pionnière dans le domaine des MEMS. Jusqu’au milieu des années 90, les MEMS entrent dans des applications de niche (aéronautique…). La première révolution des MEMS intervient avec leur implantation dans les airbags des voitures, qui nécessitent de petits accéléromètres, précis et surtout pas chers. Or, les MEMS sont les seuls, à l’époque, à pouvoir remplir ces critères. Au milieu des années 2000, on commence à intégrer des accéléromètres MEMS dans les téléphones portables, pour passer du mode portrait au mode paysage. En 2007, des produits d’entertainement sont touchés, notamment la manette Wii Mote chez Nintendo. Le milliard de pièces produites est atteint.
Les deux plus grands acteurs des MEMS au monde sont européens. L’Allemand Bosch et le Franco-Italien STMicroeletronics (fusion de Thomson Semiconducteurs et de SGS Microelettronica en 1987) se partagent donc, à peu de chose près, ce marché à la portée gigantesque.
Bosch a créé son premier MEMS en 1995 pour le calcul du lacet dans son ESP. Afin de se donner une idée de la progression du secteur, quelques chiffres édifiants : “Entre 1995 et 2008, Bosch a produit un milliard de MEMS. Il n’a ensuite fallu que trois ans pour fabriquer le second milliard et, désormais, un milliard d’unités sortent de l’usine Bosch de Reutlingen chaque année”, détaille Franck Cazenave, responsable du marketing de l’innovation chez Bosch France.
Challenger en embuscade
Chez STMicroelectronics, la démarche fut totalement inverse. La société travaille également sur les MEMS depuis les années 90, mais son plus grand fait d’armes reste la manette Nintendo de la Wii, qui intégrait dès 2003 un MEMS STMicro pour détecter les mouvements du joueur. Issue de l’électronique grand public, l’entreprise a donc basculé vers l’automobile après avoir eu la certitude de maîtriser son sujet. Ce n’est qu’en 2011 que le Franco-Italien s’est lancé dans la bataille avec ses accéléromètres MEMS, et en 2012 avec des gyroscopes. Au départ, il ne s’agissait que d’entrer dans des fonctions de confort comme la télématique ou l’infotainement. Et désormais, STMicro dispose d’une place de choix, notamment grâce à sa dernière IMU (Inertial Measurement Unit) 6 axes, un combo-MEMS qui intègre à la fois un gyroscope 3 axes et un accéléromètre 3 axes. Une mini-centrale inertielle donc, qui permet par exemple de situer précisément une voiture dans son environnement en cas de perte de signal GPS. Ce qui peut se révéler déterminant dans le concept de véhicule autonome…
“Nous sommes à notre tour entrés dans la sécurité passive fin 2013, en proposant nos services pour la fonction airbag des constructeurs. Enfin, il y a six mois, nous avons gagné cet important contrat avec un fournisseur de rang 1, pour intégrer notre Combo-MEMS 6 axes, dans sa fonction ESC”, rappelle Anton Hofmeister, directeur général de la division Custom MEMS de STMicroelectronics.
Véritables organes sensoriels
Les MEMS sont constitués de deux éléments fondamentaux. Le capteur lui-même, qui reçoit les données pour lesquelles il a été conçu, et une unité de contrôle numérique, qui analyse lesdites données. Les MEMS sont capables de mesurer l’accélération, le lacet, le champ magnétique, la pression atmosphérique, le son, la température, l’humidité de l’air… Et la grande tendance consiste même à cumuler plusieurs fonctions au sein de ces merveilles nanométriques !
L’une des références en la matière au plan mondial, c’est le Leti (laboratoire d’électronique et de technologies de l’information) du CEA, qui a pour mission de faire le lien entre la recherche fondamentale (CNRS ou autre) et l’industrie (équipementier notamment), en faisant du développement très appliqué, à la demande des équipementiers par exemple. “Près de 1 800 personnes travaillent au centre de recherche grenoblois du Leti, dont 200 chercheurs sur les seuls MEMS. Le Leti constitue à ce titre l’un des plus gros pôles du genre au monde”, explique Jean-Philippe Polizzi, responsable programme pour l’activité MEMS du CEA Leti. Les combo-MEMS, les capteurs 6 axes et même 9 axes (intégrant un magnétomètre en plus) sont aujourd’hui presque de l’histoire ancienne pour le Leti ! Le laboratoire s’attache désormais à des concepts encore plus avancés, sympathiquement baptisés “M&Nems”, qui combinent les technologies de MEMS et de NEMS (Nano Electro Mechanical Systems). Des puces trop complexes pour être détaillées ici, mais retenez qu’il est question de réduire encore la taille du composant (facteur 2), tout en ajoutant des fonctions supplémentaires (microphone, pression).
De son côté, Bosch a également présenté une première mondiale lors du salon CES 2015. Il s’agit d’un capteur d’environnement capable de mesurer à la fois la pression atmosphérique, l’humidité, la température et la qualité de l’air, dans un boîtier unique, mesurant 3 X 3 mm ! Le MEMS vit ses heures de gloire !
------------
FOCUS - Du smartphone à la conduite autonome
Tous les smartphones intègrent désormais un MEMS accéléromètre et un MEMS gyroscope. Mais, au départ, ces gyroscopes embarqués, conçus pour des fonctions ludiques, souffraient de dérives importantes, qui interdisaient leur utilisation pour des applications plus critiques, telles que la navigation inertielle. Puis, peu à peu, même les smartphones, au gré de l’imagination des développeurs d’applications, ont eu besoin de précision. C’est ainsi qu’il a fallu faire progresser ces petites merveilles de technologies. Ils sont même devenus si pointus que les Américains les utilisent pour naviguer dans les gigantesques centres commerciaux, où les signaux GPS ne passent pas. De là à imaginer une déclinaison automobile de ces technologies, il n’y a qu’un pas, que vient d’ailleurs de franchir Valeo en dotant sa voiture autonome d’une centrale inertielle pour assurer la redondance de ses capteurs optiques.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.