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"En France, l’emploi ne dépend plus de choix industriels"

Publié le 7 octobre 2011

Par Alexandre Guillet
6 min de lecture
Sous l’épée de Damoclès de la finance mondiale, un peu plus bas dans l’atmosphère économique, Faurecia évolue à un rythme de croissance soutenu. Avec des perspectives très positives sur ses différents métiers et sur plusieurs marchés, Amérique du Nord et Chine en tête. Seule ombre au tableau, social en l’occurrence, “il y a une véritable interrogation concernant la France”.
Afin d’étoffer son portefeuille de clients, Yann Delabrière fait clairement de Hyundai et Nissan ses cibles prioritaires.

Après avoir annoncé des résultats en forte croissance au 1er semestre (+ 20 % à l’échelle mondiale avec une impulsion notable en Amérique du Nord) et relevé ses prévisions annuelles, Faurecia confirme ses nouveaux objectifs, malgré l’incertitude qui pèse sur les places financières. “Nous sommes prudents, il ne faut jamais insulter l’avenir, mais comme les constructeurs n’ont pas retouché leurs plans de production, il n’y a aucune raison de réajuster nos prévisions”, explique Yann Delabrière, P-dg de Faurecia. Selon lui, le risque d’un retournement brutal du marché n’est pas le scénario le plus convaincant : “Dans l’ensemble, les marchés automobiles maintiennent leurs objectifs de production et il se trouve même certains constructeurs pour revoir à la hausse leurs capacités, comme Audi par exemple. Par ailleurs, les économistes tablent sur une stabilité de l’activité en Europe et sur une croissance en Amérique du Nord et sur les marchés émergents, dont la Chine. Alors, certes, les marchés financiers se montrent très circonspects et font lourdement chuter les valeurs automobiles, mais ce n’est pas le seul angle de vue à prendre en compte.”


Des industriels mieux armés qu’en 2008

S’il reconnaît une inquiétude générale liée à la lourde incertitude qui pèse sur la solidité de la finance mondiale et à la situation dramatique de certains de ses acteurs majeurs, il estime aussi que le contexte actuel n’est pas comparable à celui de 2008. D’une part, l’économie réelle était en 2008 en haut d’un cycle de croissance et s’est retournée d’un seul coup, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les achats différés se feront donc bien un jour ou l’autre, “surtout que l’automobile n’est pas un luxe, mais bel et bien une utilité, notamment aux Etats-Unis”. D’autre part, en 2008, l’industrie avait fait preuve d’aveuglement, au niveau de la production comme des stocks. Mais entre septembre 2008 et le printemps 2009, les stocks ont baissé de 2,5 millions de véhicules aux Etats-Unis et de 1,5 million en Europe, ce qui a abouti à une situation plus saine, de “normale” pour les Français à “favorable” pour les Allemands ou pour un constructeur comme Ford (28 jours de stock seulement pour la Focus par exemple !). En outre, la situation financière globale des constructeurs et leur capacité à proposer du crédit sont bien meilleures qu’en 2008.

A la conquête de l’Ouest et du Milieu

Dès lors, Faurecia, tout en se préparant à beaucoup de flexibilité, se focalise sur l’orchestration de ses leviers de croissance. Le marché américain s’érige comme une priorité, d’autant que le groupe s’y est implanté assez récemment et bénéficie donc d’un avantage concurrentiel en termes de coûts car il a pu se localiser dans le sud du pays et au Mexique. Le développement programmé passe par les clients européens, surtout les Allemands, mais aussi les constructeurs américains au premier rang desquels figure Ford avec sa politique de véhicules mondiaux (Fiesta, Focus, future Mondeo).

Hyundai et Nissan représentent par ailleurs les nouvelles cibles “clients” prioritaires, ce qui est aussi le cas en Chine où le groupe espère en outre renforcer ses contrats avec des constructeurs domestiques. Avec Geely, l’affaire est entendue et 7 usines seront ouvertes dans le cadre de cet accord. Yann Delabrière ne s’interdit pas de négocier avec d’autres constructeurs, comme FAW ou Changan, même s’il est conscient qu’il “faut être prudent, pour miser sur le bon cheval”, la récente déroute de BYD ayant semble-t-il marqué les esprits. Actuellement, Faurecia réalise 100 % de son chiffre d’affaires avec les JV internationales, dont 40 % avec les deux JV de Volkswagen.

Le ralentissement de la croissance en Chine n’inquiète pas outre mesure le président de Faurecia : “La croissance globale a été freinée par les constructeurs de petits modèles, ceux qu’on ne connaît pas entre guillemets, mais les grandes marques internationales demeurent en progression. Les autorités chinoises ont confirmé que le marché automobile devrait croître à 1,5 point du PIB, ce qui fait tout de même 15 %. En outre, la valeur du marché augmente toujours.”

Pas d’acquisition dans un avenir proche

La croissance du groupe est aussi dynamisée par ses récentes acquisitions qui ont eu un immédiat effet accélérateur. Pour Yann Delabrière, “l’heure est désormais à la reconstitution des ressources et à la consolidation, et il n’y a pas d’acquisitions majeures à l’horizon dans un avenir proche”. Cela concerne notamment l’unité “intérieurs”, qui a permis de dégager une marge de 5 % au 1er semestre. “Nous n’irons pas beaucoup plus loin que 5 à 6 % de marge, et nous devons donc viser plus d’intégration de composants à forte valeur ajoutée pour progresser encore”, explique Yann Delabrière. L’ambition porte aussi sur l’activité “siège” où Faurecia entend rester leader face à Johnson Controls et ses récentes acquisitions : “Vous savez, finalement, seulement trois concurrents sur un marché, ça me convient !” Les équipes de l’équipementier travaillent sur l’armature des sièges, pierre angulaire de la sécurité et de la réduction de masse, et suivent le processus d’ampliation des plates-formes des constructeurs : “Dans cette logique, pour une gamme, les constructeurs n’utilisent que deux structures de siège.”

L’interrogation française…

Malgré toutes ces nouvelles engageantes pour la croissance future du groupe, la négociation d’un pacte social de maintien de l’emploi en France et en Europe n’est pas envisagée. Mettant en avant la variable de la fluctuation de l’activité, Yann Delabrière juge que “ce ne serait pas raisonnable”. Et rappelle, un brin byzantin, que “la France ne représente que 15 % de l’activité du groupe, deux fois moins que l’Allemagne par exemple”… A ses yeux, “l’emploi ne dépend plus de choix industriels, mais de la production des clients, c’est l’ère du juste à temps”. Dans ce contexte, et comme l’a aussi laissé entendre Philippe Varin, “il y a une véritable interrogation concernant la France”. En revanche, Faurecia entend augmenter à nouveau ses budgets de R&D, qui avaient été sérieusement élagués pendant la crise : “Il convient de distinguer le R, la recherche fondamentale, que nous remettons au cœur de notre stratégie de sortie de crise pour accompagner les grandes mutations du secteur, du D, qui concerne le développement de produits pour nos clients. Dans ce périmètre, nous pouvons leur en refacturer une partie.”

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