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“Nous déposerons le dossier de constitution de réseau en fin d’année”

Publié le 4 février 2015

Par Frédéric Richard
8 min de lecture
Au départ une simple association, aujourd’hui une coopérative et demain un réseau. C’est le cheminement logique pour Antoine Avazeri, fondateur d’A3S, qui ne sait pas manier la langue de bois. Il n’élude aucun sujet et présente des opinions pour le moins tranchées sur le métier !
Antoine Avazeri, fondateur de la coopérative A3S.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Pouvez-vous revenir brièvement sur l’histoire de la coopérative A3S ?
ANTOINE AVAZERI.
Nous étions, au départ, un groupement de professionnels de la réparation, et pratiquions le contrôle technique pour les ventes de VO depuis 1986. Les visites n’étaient pas encore réglementées, et basées sur une norme Afnor. Puis, comme de nombreux professionnels à l’époque, nous avons participé à l’établissement du livre blanc sur lequel s’est basé le contrôle technique obligatoire, dès 1992. Les petits artisans que nous étions ont vu les grands acteurs de l’assurance ou du contrôle réglementaire se positionner et franchiser l’activité. Alors, pour nous fédérer, comme nous ne pouvions à l’époque couvrir les 90 départements et ainsi devenir un réseau proprement dit, nous nous sommes constitués en association, l’Anstar, et c’est comme ça que nous avons débuté l’activité CT, avec une vingtaine d’adhérents. Progressivement, nous avons été rejoints par d’autres professionnels et, en 1997, nous avons ressenti le besoin de créer une coopérative, pour nous structurer et disposer d’un statut un peu plus officiel, avoir des Kbis, etc., comme l’administration nous le demandait. C’est à ce moment qu’est né Autosecuritas, qui regroupe aujourd’hui 343 centres VL-PL.

JA. Quelle est la mission de la coopérative aujourd’hui ?
AA.
Tout d’abord, bien que présentant les mêmes prérogatives et qualité de services que les opérateurs réseaux, nous restons totalement maîtres de notre destin. Certes, la coopérative est une société, une SA en l’occurrence, mais à gestion démocratique. C’est-à-dire que c’est une assemblée générale qui nomme les membres du conseil d’administration, chargés ensuite de gérer la structure.

L’originalité réside également dans le fait que les 343 centres sont actionnaires de la coopérative. Ils ne sont ni adhérents ni franchisés. Enfin, la coopérative a obligation de ne servir que ses actionnaires en termes de services et produits exigés par la réglementation, la veille réglementaire, les audits, la formation, le système qualité. Autosecuritas dispose aussi de son propre logiciel de contrôle. Nous sommes donc une petite organisation, mais qui travaille aujourd’hui à la même hauteur que les grands réseaux.

JA. Mais alors, pourquoi ne pas être un réseau ?
AA.
Nous ne sommes pas du tout anti-réseau, c’est juste qu’au départ, nous ne pouvions pas en constituer un, car notre maillage ne couvrait pas suffisamment le territoire ! Sinon, nous l’aurions fait depuis longtemps. Aujourd’hui, la coopérative Autosecuritas couvre bien 90 départements en France, et nous sommes donc en train de constituer le dossier auprès de l’administration pour devenir un réseau à part entière, au même titre que les opérateurs en place.

Mais je précise que nous n’entrerons jamais dans un système de réseau comme Dekra ou Securitest. La forme juridique ne changera en rien, nous constituons un réseau en coopérative. Un réseau qui appartiendra donc à des professionnels. Tout en proposant une liasse et des prestations bien moins onéreuses que les réseaux actuels. Enfin, nous ne forcerons personne à rester dans la coopérative au moment du passage en réseau.

JA. Quelle est désormais la feuille de route pour mettre en place cette initiative ?
AA.
Désormais, nous sommes prêts à déposer notre dossier à l’administration. Nous organisons pour l’heure des réunions régionales pour consulter nos sociétaires et essayer de convaincre un maximum de sociétaires de rattacher leurs centres au futur réseau. Mais également pour réaffirmer que ceux qui ne s’inscriront pas dans la démarche pourront tout de même rester dans la coopérative.
Nous avons demandé un rendez-vous avec Cathy Bieth (N.D.L.R. : en charge du CT au Ministère de l’Ecologie), car nous souhaitons de légers aménagements dans notre agrément et nous voulons éviter que l’administration ferme des centres pour cela. Puis, à l’issue de notre assemblée générale du mois de juin, nous déposerons le dossier avant la fin de l’année, pour obtenir le sésame en 2015.

JA. Concrètement, que vous apportera le réseau que ne vous donne déjà la coopérative ?
AA.
Dans un premier temps, cela va un peu soulager l’administration. En effet, les non-rattachés augmentent d’année en année. La démarche réseau montre que nous sommes capables de surveiller nous-mêmes nos centres. Par ailleurs, cela va nous permettre de mieux parler avec les pouvoirs publics, qui nous tolèrent aujourd’hui dans les discussions. Globalement, vis-à-vis de la réglementation, nous ne sommes que des indépendants, donc avec personne qui ne parle en notre nom. Nous pèserons ainsi un peu plus sur le marché et dans les discussions, avec une plus grande représentation à l’avenir, nous l’espérons.

JA. A ce sujet, envisagez-vous justement de rejoindre un syndicat, pour vous faire entendre ?
AA.
Je suis partagé sur la question, comme le sont les deux syndicats de la profession qui s’affrontent aujourd’hui. En toute franchise, je trouve dommage qu’aujourd’hui, en France, un syndicat ait besoin d’une opposition pour exister. Toutefois, je constate que le CNPA défend des commerces de réparation et de services de l’Auto, de la même manière que le contrôle technique, alors que les intérêts sont contradictoires. Par exemple, comment être sûr que la future mesure de la pollution pour les ventes de VO sera bien défendue pour les seuls centres de CT, alors que les opérateurs de la réparation veulent pouvoir la faire chez eux, et qu’ils représentent bien plus d’adhérents au CNPA, face à une petite profession, divisée qui plus est. J’ai conscience de l’importance d’adhérer à un syndicat, mais pour l’instant, c’est joker pour nous !

JA. Quelle est votre vision du marché ?
AA.
Je pense, bien sûr, qu’il y a beaucoup trop de centres. Mais je n’ai pas de solution pour arrêter la prolifération. Les opérateurs réseau ne veulent pas vraiment l’arrêter. Je rappelle que ce ne sont pas les non-rattachés qui ont creusé le fossé. Nous ne sommes que 800, quand les réseaux exploitent plus de 5 000 centres ! Je refuse que l’on me dise d’arrêter d’ouvrir des centres, alors que les réseaux ne le font pas eux-mêmes ! C’était avant qu’il fallait se poser la question, j’aurais aimé avoir ce débat il y a cinq ou six ans.

Ainsi, la rentabilité des centres en place se réduit comme peau de chagrin. Le bénéfice n’est plus celui des années 90, et la situation va perdurer, car plus le monde de la réparation devient complexe, plus les affaires disparaissent, et les professionnels se tournent logiquement vers le contrôle technique, pensant que c’est un eldorado ! C’est tout l’intérêt d’un chef d’entreprise de rejoindre un système comme le nôtre, afin de réduire ses frais de gestion.

JA. Quelle est votre vision du métier aujourd’hui ?
AA.
A la genèse, je considérais le CT comme une profession noble, utile pour la sécurité routière. Aujourd’hui, je considère que je me suis fait avoir, et je ne pense plus que le contrôle technique tel qu’il est pratiqué constitue une arme pour la sécurité routière. J’aimerais que ce débat soit ouvert. Le CT réduit-il les morts sur la route ? Et sinon, que faire pour y parvenir ? Je vous garantis qu’il y a des choses à faire ! Devenir un réseau va nous permettre d’énoncer des idées et peut-être qu’elles seront un peu plus portées.

JA. Par exemple ?
AA.
Je pense qu’il y a trop de points soumis à contre-visite, et cela fait augmenter les visites de complaisance, à cause de contrôleurs qui veulent satisfaire leur client pour qu’il revienne deux ans plus tard. Sur le simple exemple de la signalisation, je suis convaincu que si l’on signale comme il faut à un client que ses lampes sont défectueuses, cela suffit amplement à lui faire prendre conscience qu’il doit les remplacer.

De même, l’OTC LAN va coûter cher aux centres, et je pense que les plus petits vont souffrir pour passer cette norme. Là encore, même avec la meilleure machine, si un être humain veut détourner, il le fera. C’est l’être humain qu’il faut changer. Preuve en est avec les récentes contraintes auxquelles nous avons été soumis pour les réglophares. Un sol parfaitement plat, un rail au sol…, tout ça pour fiabiliser le contrôle, ça me fait rigoler ! Il suffit d’appuyer un doigt sur l’optique pour faire baisser le faisceau et leurrer la machine !

JA. Que pensez-vous d’autoriser les centres à pratiquer d’autres activités ou à pratiquer des ventes complémentaires ?
AA.
Tant qu’il s’agit d’une activité permettant d’augmenter la sécurité ou la performance environnementale, je trouve cela pertinent. Par exemple, pour les contrôles de pollution, c’est important. Bien entendu, j’aimerais que ce soit les centres de contrôle technique qui s’en chargent. Mais si je me mets face à la réalité, je pense que, pour un client, aller en centre de CT, faire contrôler son véhicule, puis repartir, faire réparer et revenir faire contrôler, cela me paraît compliqué. Alors que s’il fait tout au même endroit, cela semble plus simple. Au risque de faire bondir des collègues, peu importe l’endroit où le client se rend, l’important est que son véhicule ne pollue pas !

Quant à vendre autre chose dans les centres, je préférerais que l’on donne les moyens aux centres de vivre de leur seule activité réglementaire, plutôt que de les autoriser à vendre des sandwichs pour compenser la baisse de leur business !
 

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