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La distribution automobile craint une baisse des prix des véhicules d'occasion

Publié le 27 avril 2020

Par Catherine Leroy
5 min de lecture
Alors que l'Argus de l'automobile annonce une suspension de la cote durant la période de confinement, les professionnels craignent plutôt une déstabilisation des prix des véhicules d'occasion récents, dont l'offre se trouvera en concurrence frontale avec ceux des véhicules neufs.
Au-delà de la décision du gel de la cote Argus, les professionnels de l'automobile craignent une nouvelle concurrence entre le prix des véhicules neufs et celui des occasions récentes, entraînant une baisse des prix après la reprise de l'activité.

 

Depuis quelques jours, les demandes se faisaient pressantes auprès des acteurs de la cotation automobile pour suspendre les valeurs entre le 15 mars et la reprise de l’activité. L’Argus de l’automobile a annoncé, ce 27 avril 2020, avoir décidé de geler la cote Argus pendant la durée du confinement et donc sur une période qui court depuis le 16 mars jusqu’au 11 mai, date à laquelle la reprise du commerce automobile devrait avoir lieu.

 

"C’est une décision importante", explique Eric Cerceau, consultant de la Vroom Team, qui, dès le 20 avril 2020, s’était fait le porte-voix de cette demande sur les réseaux sociaux. "Le véhicule d’occasion perd de l’argent dès qu’il patiente sur un parc. On estime qu’un véhicule stocké perd en moyenne 18 euros par jour de valeur, dont la moitié est imputable à la cote. Si l’on considère une période d’arrêt du commerce entre mi-mars et mi-mai, nous arrivons à une perte de valeur atteignant 1 600 euros par voiture ; dont environ 720 euros à mettre au compte de la décote. Si l’on multiplie par le nombre de véhicules en stock, la perte se chiffre en centaine de millions d’euros." L’Argus a estimé que ce gel de la cote permettait une "non-dévaluation" de l’ordre de 180 millions d’euros.

 

Dans un rapport publié il y a peu, Autobiz, de son côté, a calculé que l’arrêt complet des 7 plus grands marchés d’Europe de l’Ouest pendant deux mois, équivalait à un effet de dépréciation des stocks de près d’un milliard d’euros. "En attendant de voir l’impact du coronavirus se matérialiser sur l’économie, le principe de précaution consisterait à se baser sur les enseignements de la crise de 2012 pour projeter les effets de la situation actuelle sur les valeurs résiduelles des véhicules d’occasion. A l’époque, les taux de dépréciation annuelle des VO, tous produits confondus, étaient passés d’un niveau de 12% à 17 % en Europe. Et il avait fallu trois ans, jusqu’à la fin de 2014, pour que les dépréciations retrouvent un niveau plus classique (de l’ordre de 68 % contre 57%). Cette période de trois ans pourrait s’avérer à nouveau le délai nécessaire pour que l’offre et la demande s’accordent sur les marchés européens", explique Autobiz dans une note adressée aux professionnels le 20 avril 2020.

 

Concurrence entre VO récents et VN

 

"Face aux problèmes de trésorerie, deux scenarios se dessinent chez les concessionnaires. Dans le premier, ils font une cession massive d'actif, notamment en pratiquant des rabais sur les VO. Dans le second, le gel des prix limite la dépréciation et permet une forme de préservation", soutenait récemment Guillaume de Boudemange, directeur des opérations commerciales de Kia France.

 

Reste à savoir de quels véhicules d’occasion parle-t-on ? Pour les professionnels du secteur, les modèles plus âgés ne devraient pas être touchés par une baisse de leur valeur. Historiquement, ces véhicules sont fortement recherchés et l’impact de la crise devrait être faible. "La notion de cote est relative", avance Franck Molina, directeur de l’activité VO du groupe Amplitude. "Cela sert toujours de référence mais les professionnels travaillent énormément sur les prix d’annonces, de marché qui se basent toujours sur un point d’équilibre entre l’offre et la demande et les mesures d’aides accordées lors des reprises des véhicules."

 

Le VO âgé devrait échapper à la crise qui se profile, mais les modèles plus récents seront, quant à eux, très fortement impactés. L’histoire se répète et, comme après la crise financière de 2008-2009, la proximité entre modèles neufs et VO récents va pénaliser ces derniers. "Je suis bien plus inquiets par la reprise de la production par les constructeurs que par la dépréciation des VO stockés", avance ce professionnel de la distribution. "A ce jour, nous avons des stocks VO à 45 jours de moyenne. Il va sans dire que nous allons au-devant d'une guerre des prix à la reprise, reprend un autre. De plus, les constructeurs auront beaucoup de VO récents à pousser. Ils vont être bradés pendant les 4 ou 5 mois à venir."

 

Quels niveaux de remises sur le neuf ?

 

L’incertitude réside donc dans les mesures d’aides qui seront apportées dans le plan de relance qui devrait être annoncé par le gouvernement. Mais à ce jour, personne ne peut prédire, quels véhicules bénéficieront d’une prime ou d’un bonus amplifié. Seul indice : le soutien ne devrait concerner que des véhicules vertueux en matière d’émission de CO2 avec peut-être un élargissement aux derniers moteurs Euro 6. Enfin, seconde inconnue : le niveau de remises accordées par les constructeurs sur les modèles neufs pour relancer l’activité industrielle.

 

"Les loueurs de courte durée ont annulé certains de leurs achats de véhicules neufs. Les constructeurs vont de voir déstocker massivement ces produits dont les prix seront remisés", affirme ce marchand, qui prévoit donc un ajustement à la baisse des prix. 

 

Ainsi, même si les professionnels tentent de conserver les niveaux de prix, la nécessité de les réviser à la baisse devrait très rapidement se faire sentir, quand les affaires reprendront. 

 

Catherine Leroy et Gredy Raffin

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