Élection présidentielle : les candidats face à la filière automobile
(Mis à jour le 14 mars 2022 à 21h00) Par Catherine Leroy et Jean-Baptiste Kapela
Huit candidats et représentants de candidat ont défilé tout au long de la journée organisée par la filière automobile et de ses organisations syndicales : Mobilians, la PFA, la Fiev et la Csiam. Une journée qui résonnait comme une répétition générale de la soirée politique qui se déroulera ce lundi 14 mars sur TF1. Pas de débats, y compris pour le secteur automobile qui pèse plus d'un million de salariés en France en comprenant l'industrie et les services mais aussi plus de 40 millions d'automobilistes en France. La parole a été donnée aux représentants des huit partis politiques représentatifs du paysage politique français.
Un constat de taille : seuls Anne Hidalgo, candidate du Parti socialiste, et Jean Lassalle de Résistons, s'étaient déplacés en personne lors de cette journée. Les autres ont choisi de déléguer, avec plus ou moins de bonheur et de connaissance du secteur, cette prise de parole.
Au-delà des annonces des uns et des autres, un mot d'ordre a retenu l'attention du public : la sobriété énergétique ! Histoire que les Français s'habituent à dépenser moins, dans un contexte hyper inflationniste.
Bruno Le Maire propose une "clause de revoyure" en 2028 pour le paquet Climat de Bruxelles
Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a démarré cette journée, pour le programme mobilité du parti LREM. Très bon connaisseur des sujets industriels et automobiles en particulier, le ministre de l’Économie a tenu à faire passer ses messages industriels.
"Nous pouvons dire que nous avons apporté plusieurs fois des preuves d'amour à l'automobile, a t-il déclaré en préambule. Mais elle le mérite, car l'automobile fait partie du patrimoine industriel et reste un facteur de déplacement et de mobilité."
Ce dernier a notamment annoncé pour l'industriel vouloir poursuivre la baisse déjà amorcée des impôts de production, mais sans chiffrer davantage sa volonté. Ce dernier a également affirmé sa volonté d'investir dans les industries de pointe, citant également l'exemple de Tesla dont la valorisation boursière s'explique essentiellement par la création d'un software dédié.
Les échéances règlementaires européennes, dont certaines doivent aboutir à des décisions pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne, ont également été évoquées par le ministre qui "défend bec et ongles une position d'équilibre", notamment sur la volonté de Bruxelles d'interdire les moteurs thermiques e 2035. "Peu de gens croient à la neutralité technologique car c'est une folie. La seule option viable est que l'hybride, hybride rechargeable mais aussi l'hydrogène restent des options."
Sur ce sujet, Bruno Le Maire souhaite une clause de "revoyure", en 2028 et veut laisser le choix de la technologique aux industriels. "Si nous imposons la technologie, nous allons droit dans le mur. Faisons confiance aux industriels et laissons-leur la liberté de définir la technologique", a-t-il déclaré.
Pour autant, face à la crise des matières premières, qui s'est accentuée avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, ce dernier estime que la seule solution à long terme est de se désengager de la dépendance des énergies fossiles. Bruno Le Maire a d'ailleurs indiqué, que sous le prochain mandat, si le candidat Macron est réélu, le bonus pour les véhicules électriques serait maintenu au-delà du 1er juillet 2022.
La hausse des prix du carburant et l'aide de 15 centimes par litre, annoncée ce week-end par le Premier ministre, a suscité également quelques remarques. Notamment sur son faible impact sur le budget des ménages. La mesure permet selon Bruno Le Maire de préserver les finances publiques. "Le coût pour l’État atteindra 2 milliards d'euros ne doit pas enlever de capacité d'investissement", a-t-il indiqué. Ce dernier a mis en garde contre les solutions de plafonnement proposées par d'autres candidats qui "vont ruiner les finances ou mettre les pompes à sec car les pétroliers vendront le carburant à des pays plus offrants."
Sébastien Pilard, représentant d'Eric Zemmour, refuse de détruire un outil industriel
Député LR des Pays-de-la-Loire, Sébastien Pilard qui a rejoint le parti Reconquête! il y a quelques semaines, s'est vu confier la lourde tâche d'expliquer le programme d'Eric Zemmour en matière de mobilité. "La réindustrialisation de la France est le cheval de bataille d'Eric Zemmour qui souhaite refaire de la France une terre d'industrie alors que la France est devenue aujourd'hui la championne du déficit commercial."
Pour enrayer ce mouvement, le candidat souhaite baisser les impôts de production de 30 milliards d'euros et créer des zones franches industrielles. "Nous refusons de détruire un appareil industriel puissant au profit de la solution unique de l'électrique et nous voulons repousser l'échéance de 2035 pour la fin de vente des voitures thermiques."
Côté consommation, le candidat Reconquête! propose de desserrer l'étau sur les automobilistes en supprimant le permis à points et en stoppant l'extension des ZFE, qui "sous couvert de lutte contre la pollution fixent en réalité un péage". Il propose également de supprimer le permis à point, de revenir aux 50 km/h en ville et aux 90 km/h sur les routes nationales. Enfin, oubliant sans doute qu'il s'adressait à un parterre de professionnels de l'automobile, Sébastien Pilard a annoncé l'allongement du délai de contrôle technique de deux à trois ans, après la première visite à quatre ans d'âge du véhicule.
Enfin, côté carburant, ce dernier demande une déconnexion entre le prix du baril de brut et celui du carburant en plafonnant le prix à 1,80 €.
Anne Hidalgo affirme : "On roule mieux à Paris"
Questionnée sur son ressenti concernant l’automobile, Anne Hidalgo rappelle qu’elle ne diabolise pas la voiture, affirmant de surcroît s’être rendue à l'événement en Renault Zoé. Satisfaite de son travail sur la mobilité en tant que maire de Paris, elle déclare au sujet de son bilan : "on roule mieux à Paris." Une remarque qui a laissé échapper quelques sourires. Au début de son intervention, la candidate socialiste a précisé que "la transformation de la mobilité fait partie des grands enjeux et il faut être pragmatique". Elle souligne notamment l’importance des ambitions de l’Union européenne ainsi que du paquet "Fit for 55" : "Il faut se fixer des objectifs et tout faire pour y arriver. L’immobilisme ne marchera pas."
La mobilité fait donc partie des quatre piliers de ses "grandes odyssées", au côté de la santé, l’énergie ainsi que le numérique. Une filière qu’il faut "optimiser pour prendre le leadership", explique-t-elle. Pour y parvenir, elle souhaite une réorientation d’une grande partie du plan de relance européen avec un accompagnement pour les véhicules électriques et le rétrofit. Anne Hidalgo espère ainsi une "mutation du secteur automobile pour accompagner la société vers les nouvelles mobilités".
La voiture électrique prend une place centrale dans son programme. La prétendante à l’Élysée propose une aide pour l’achat de VE ou de véhicule mixte électrique et hydrogène. Par ailleurs, pour aider les foyers les plus modestes, la candidate promet un “leasing social”. Ce dernier se fera en partenariat avec les constructeurs et les loueurs pour rendre accessible les VE.
Concernant l’usage du véhicule thermique, Anne Hidalgo veut conserver le malus automobile. Mais face à la hausse du prix des carburants, elle souhaite prendre des mesures immédiates à ce sujet. Ainsi, elle compte mettre en place une TVA à 5,5 % sur les prix de l’essence et un plafonnement de ce dernier.
Karima Delli, représentante EELV, priorise le train, la marche à pied et le vélo
Le candidat Europe écologie les Verts (EELV) Yannick Jadot a choisi Karima Delli pour le représenter devant les professionnels de la filière. La députée européenne à rappeler que “la mobilité est accélérateur de la précarité", insistant fortement pour quitter le thermique. Car selon la représentante d’Europe écologie les verts : “l’avenir c’est l’intermodalité et le ferroviaire. Nous devons sortir du thermique d’ici à 2030 et augmenter le Forfait Mobilité Durable à hauteur de 1000 euros”. Une sorte de Pass Liberté Climat, qui permet d'accéder à tous les modes de transport sans distinction.
La représentante d'EELV a cependant très vite oublié son rôle dans l'élection présidentielle pour reprendre sa casquette de présidente de la commission Transport au parlement européen. Cette dernière considère qu'il vaut mieux travailler le mix énergétique en incluant l'hydrogène. "60 % des start-up en Europe travaillent dans la mobilité et beaucoup d'entre elles travaillent sur le rétrofit, qui crée de l'emploi. Nous devons lancer ce marché du rétrofit en France", a-t-elle expliqué.
Xavier Bertrand, parti LR : "On ne peut pas faire l'impasse sur l'hybride"
Le président des Hauts-de-France ne s'est pas fait prier pour représenter la candidate Valérie Pécresse (LR) devant les professionnels de l'automobile. Amoureux de l'automobile, Xavier Bertrand est notamment à l'origine de l'implantation de trois gigafactories dans sa région (ACC, Verkor, Electricity) grâce à la baisse des impôts de production et des aides de sa région.
"L'enjeu de l'électrique ne doit pas faire oublier que la crise ukrainienne change la donne et il est impossible aujourd'hui de faire l'impasse sur l'hybride dans la future réglementation européenne", a -t-il précisé. La souveraineté industrielle est l'un des enjeux du parti LR tout comme l'indépendance de la France et du secteur face aux problématiques des matières premières. "La question de l'amont est essentielle et nous devons accepter cette transition énergétique mais il ne fait pas considérer non plus l'automobiliste comme une vache à lait. N'oublions la crise des Gilets jaunes, qui avec les ZFE, pourrait revenir mais puissance 10", a déclaré Xavier Bertrand. Ce dernier souhaite également mettre en place un prêt à taux zéro pour acquérir un véhicule électrique, qui aujourd'hui n'est pas abordable aux classes moyennes.
Proche des métiers des services de l'automobile, le représentant de Valérie Pécresse, n'a pas non plus oublié les métiers de la réparation et de la distribution. A ce titre, ce dernier souhaite mieux reconnaître le poids de ces métiers dans l'économie.
Jean-Philippe Tanguy, représentant RN, laisse une petite place au thermique
La candidate du Rassemblement National, Marine Le Pen, a choisi Jean-Philippe Tanguy, conseiller régional de la Somme. En préambule, ce dernier a fait part de son "amour" pour l'automobile. "Pendant de nombreuse année, la voiture a été pénalisée par les différents gouvernements. Nous entendons aussi des propos diabolisant à son sujet. Nous ne le partageons pas cette défiance."
Ainsi, dans l'optique de "conserver l'amour de la liberté", la candidate RN prévoit d'abandonner les ZFE, jugées trop contraignantes. "Il faut inciter et non contraindre", précise le représentant de la candidate. D'autre part, concernant la hausse des prix du carburant, au cœur des préoccupations actuelles, comme pour Anne Hidalgo, Marine Le Pen souhaite faire passer la TVA de 20 % à 5,5 %.
Jean-Philippe Tanguy précise la position de sa candidate en matière d'industrialisation. Sur ce point, l'heure est à la relocalisation pour la candidate RN. Cette dernière souhaite ainsi supprimer les cotisations foncières des entreprises "afin qu'elles reprennent pied en France" précise le représentant de la candidate.
Si une place pour le thermique est laissé dans l'avenir de l'automobile selon Marine Le Pen, Jean-Philippe Tanguy précise que sa candidate prend compte des enjeux environnementaux. "Ce n'est pas parce que nous sommes souverainistes que nous ne croyons pas en l'écologie. L'UE prend tout à l'envers, il faut que ça parte des nations avant tout" affirme le représentant RN. La prétendante à l'Elysée place ses espoirs dans le mix énergétique, en particulier dans l'hybride et l'hydrogène, avec une volonté de les rendre moins cher.
Jean Lassalle : "On est plus atteint par la bêtise que par la pollution"
Avec sa verve habituelle, le candidat du parti Résistons a réjoui le public de la filière automobile par ses anecdotes, souvent drôles mais aussi ses tirades sur la grandeur de la France et de son industrie dans les années 70. Jean Lassalle a eu son permis en 1973, mais à cette époque il n'y avait pas de route dans son village !
Difficile de parler de programme dans ce cas, puisque Jean Lassalle veut surtout aider à retrouver du bon sens dans l'industrie. Suppression du permis à points, retour aux 90 km/h, baisse des impôts de production, aides à la reconversion des entreprises mais aussi des salariés, les propositions restent très floues mais convergent vers la volonté de préserver un tissu industriel de PME et des compétences des salariés. Avec un phrase choc de conclusion : "En ce moment, on est sans doute plus atteint par la bêtise que par la pollution".
Jacques Baudrier, représentant PCF ne veut pas enterrer la voiture particulière
Du côté du Parti Communiste, l’adjoint à la mairie de Paris, Jacques Baudrier, porte la parole de Fabien Roussel. Là aussi, l’enjeu est de décarboner. Cependant, contrairement à d’autres candidats à gauche de l’échiquier politique, le candidat PCF compte laisser la voiture de côté et lui laisser une place centrale qu’il juge comme “un droit fondamental". “Un média avait cité plusieurs dizaines de nos mesures phares. Trois d'entre elles concernaient la mobilité, dont deux directement l’automobile” précise le représentant du Parti Communiste.
Parmi elles, la gratuité des transports en commun, le permis de conduire gratuit pour les moins de 25 ans et une optimisation des ZFE. En effet, concernant ces dernières, Jacques Baudrier explique : “Nous sommes favorable aux ZFE, mais il faut aider les Français. En particulier les plus modestes qui ne sont pas en capacité de s’acheter un modèle électrique. Le système de prime à la conversion est insuffisant et les aides sont trop faibles". Ainsi le candidat communiste souhaite instaurer une nouvelle prime à la conversion.
Jacques Baudrier a aussi indiqué que le candidat PCF compte se caler sur les résultats du rapport du GIEC et allouer 5% du PIB à l’écologie, soit 65 milliards d’euros. Dont 25 milliards spécialement pour les transports avec des aides aux infrastructures ferroviaires et 100 millions d’euros pour l’amélioration et l’expansion des voies cyclables. “Nous sommes le pays du Tour de France et nous sommes quasiment les derniers en termes de piste cyclable”, ironise Jacques Baudrier.
Eric Coquerel, représentant France Insoumise : veut diminuer l'usage de la voiture individuelle
Après avoir rappelé les chiffres du nombre de décès qui seraient provoqués par le secteur automobile, Eric Coquerel, représentant du candidat France Insoumise Jean-Luc Mélenchon précise : “il faut diminuer l'usage de la voiture individuelle". Il spécifie que ce modèle a “fait son temps” et qu’il ne fait “qu'éloigner les Français de leur travail”.
Ainsi, pour l’élu de Seine-Saint-Denis (93), “il faut stopper les ZFE, qui favorisent un séparatisme social. Une famille de banlieue qui n’a pas les moyens de s’acheter une voiture neuve voit son accès au centre ville qui devient limité avec ces dispositifs”. Pour réduire l’usage de la voiture, le candidat FI veut développer le covoiturage, l’autopartage et les transports publics qui devront être zéro émission.
Pour le transport de marchandises, Jean-Luc Mélenchon compte améliorer le réseau ferroviaire. Au niveau industriel, le candidat France Insoumise souhaite mettre en place un plan de relocalisation. Concernant les prix du carburant, le représentant France Insoumise explique qu’un plafond sera instauré à hauteur de 1,40 euro.
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