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Contrôle technique : Une amorce d’embellie, un répit pour préparer l’avenir

Publié le 4 février 2015

Par Frédéric Richard
13 min de lecture
Le marché du contrôle technique en France a terminé l’année 2014 sur une note positive saluée par tous les acteurs, sur fond d’optimisme modéré, puisque les grands défis du secteur restent, en grande partie, sans réponse.
Bernard Desbouvry : “La définition du CT est trop étroite et l’administration trop restrictive. Relever des kilométrages pour les compagnies d’assurances ou faire des cartes grises dans les centres ne pose pas de problème !”

Nul bilan ne saurait s’affranchir de chiffres. Et cette année, pour une fois, l’Utac-OTC, chargé de collecter les données pour le compte du ministère, a donné un sourire (contenu) à une profession souvent malmenée ces dernières années, dont la profitabilité se dégrade.

L’année 2014 a particulièrement bien commencé, avec certains mois du premier semestre enregistrant jusqu’à 8 % de progression. Une euphorie due aux reports de visites résultant principalement des effets de la dernière prime à la casse. Puis l’embellie s’est un peu ternie. De telle sorte que le volume global de contrôles sur l’année a augmenté de 3,8 %, pour s’établir à 24 141 592 visites, soit 885 458 de plus qu’en 2013. L’année reste donc plutôt bonne pour le secteur, l’ensemble des acteurs ayant profité de cette manne supplémentaire. On rappelle que, d’ordinaire, le secteur nous avait plutôt habitués à une progression endémique de l’ordre de 2 %.

Mais ces résultats cachent cependant des fortunes diverses. En termes de parts de marché, tous les opérateurs réseaux reculent, à l’exception d’Autosur. Dekra se positionne toujours en haut de l’échelle, mais le réseau, désormais dirigé par Karine Bonnet, perd un peu de terrain et passe très légèrement sous la barre symbolique des 25 %. Quasi stable, Sécuritest abandonne toutefois 0,1 point à la concurrence, pour afficher 17,61 % de parts de marché sur l’année. Des parts de marché qui s’effritent aussi chez Autovision, qui représente désormais 16,34 % des visites en France, contre 16,47 % fin 2013. Vient ensuite Autosur, qui progresse de 0,5 % et réalise donc un exercice satisfaisant, selon son patron Bernard Desbouvry. C’est Autosécurité, l’autre réseau du groupe SGS (avec Sécuritest), qui ferme la marche des opérateurs réseau, avec 15,18 %, là encore en légère baisse.

Enfin, les centres non rattachés à un réseau marquent la plus forte prise de parts de marché, passant de 9,87 % à 10,66 %.

Prolifération plus contenue

Attachons-nous maintenant au nombre de centres qui, corrélé à la pénétration, nous donnera une information bien plus intéressante, à savoir l’activité moyenne des centres, celle qui détermine la véritable santé des acteurs, ainsi que le moral du terrain. A fin novembre 2014, 6 241 centres quadrillaient l’Hexagone, soit 78 de plus que fin 2013. Une inflation plus raisonnée que lors des derniers exercices, tournant plutôt autour de 160 centres supplémentaires sur le territoire. Pour une fois, le nombre de sites a donc augmenté moins vite que le marché, rendant globalement les centres plus profitables. Dekra disposait, à fin novembre, de 1 571 centres (+ 19), Sécuritest 1 039 centres (+ 18), Autovision 1 020 centres (- 5), Autosécurité 934 centres (- 5) et, enfin, Autosur 916 centres (+ 19). Les non rattachés représentent désormais 761 centres, et augmentent leurs rangs de 32 points de vente, ce qui explique leur importante prise de parts de marché.

En associant les parts de marché de chacun au nombre de points de vente, on détermine les contrôles moyens par site, et là, la donne change quelque peu. Par exemple, on s’aperçoit que, si les affiliés Sécuritest se montrent assez stables dans leur activité, tous les autres acteurs ont vu leurs centres progresser en termes de nombre de visites annuelles, la palme revenant aux indépendants, qui voient leur volume annuel moyen augmenter de 230 contrôles. Chez les acteurs traditionnels, on retiendra la performance des franchisés Autovision, qui voient leur activité gonfler de 130 contrôles annuels. Comme nous l’évoquions plus haut, les centres non rattachés progressent, leur moyenne passant à 3 380 visites annuelles par site, contre 3 147 l’an dernier.

Face à ces bons résultats de la filière, Bernard Desbouvry, président de Secta-Autosur, précise toutefois qu’il faut raison garder, puisque “l’équilibre reste très fragile. Sur des petites entreprises, de petites variations de volumes font vite basculer à la perte. Il faudrait donc que cette tendance haussière se poursuive”.

Toujours trop de centres, mais une tendance à l’amélioration

L’année 2014 restera donc historique, le premier millésime durant lequel le marché se sera moins alourdi en centres que l’année précédente.
Mais cette relative bonne nouvelle cache en fait une réalité toute aussi historique, et moins glorieuse. Les dépôts de bilan par manque d’activité, épisodiques l’an dernier, se sont multipliés. Certes, pas à grande échelle, mais tous les réseaux ont été touchés. Chez Dekra, Karine Bonnet, responsable des réseaux, affirme avoir enregistré peu de casse, tout en confiant : “Ceux qui ont disparu sont principalement les jeunes centres, qui ne sont pas toujours parvenus à trouver leur clientèle.” Par ailleurs, les banques ont aussi beaucoup plus de mal à financer cette activité, qui ne faisait pourtant pas débat quelques années en arrière. Un autre phénomène qui démontre la fragilité actuelle de la profession. Les optimistes y voient un marché mature, qui, enfin, se régule. Mais soyons clairs, selon tous les observateurs, le territoire accueille entre 500 et 1 000 centres en trop. “Même si la progression des centres ralentit, aucune chance de voir le solde diminuer ! Simplement parce que le marché progresse, même si c’est très peu, tout comme le parc roulant. Et il vieillit, ce qui constitue un indicateur encore plus important pour le contrôle technique. Près de 50 % des contrôles se font sur des véhicules de plus de 10 ans”, rappelle Eric Sarfati, président d’Autosécurité.

Enjeux et problématiques

Un réseau a besoin de croissance, mais, comme globalement, les opérateurs réseaux limitent les ouvertures à leur enseigne, tous cherchent d’autres voies, surtout quand le terrain fait ses calculs et aboutit à une progression moins importante que le marché, voire une baisse d’activité. Il l’impute alors directement à sa tête de réseau, dont l’une des missions consiste justement à ramener du trafic ! Désormais, la bataille se joue, dans un premier temps, sur le maintien des parts de marché, puis sur la conquête. Ce qui induit pour beaucoup la fourniture d’outils marketing efficaces pour leurs affiliés. Mais il faut rester prudent quand on parle de faire augmenter l’activité dans un centre. Le contrôle technique, comme la réparation d’ailleurs, se caractérise par un indéniable effet de seuil. Un contrôleur seul peut pratiquer un maximum de 3 000 contrôles par an, soit 14 par jour sur 250 jours. Donc, si l’on propose à ce même centre mono-contrôleur 10 % de clientèle en plus, cela ne le fait pas spécialement rêver, puisqu’il ne peut matériellement pas le supporter. Et il ne peut pas embaucher une personne supplémentaire pour 300 contrôles. Bien entendu, c’est plus facile quand un point de vente possède deux contrôleurs et réalise 5 000 à 6 000 visites techniques périodiques par an. Il peut alors monter à 8 000 visites annuelles, sans problème. “Maintenant, ce contrôleur qui ne peut absorber une charge supplémentaire doit se poser la question de passer le cap et peut-être de monter un second centre. Sinon, il prend le risque que ces 300 + 300 + 300 contrôles partent ailleurs et finissent par représenter la capacité d’un nouveau centre, concurrent du sien !”, prévient Hervé de Labriffe, directeur du réseau Autovision.

Se montrer plus commerçant

Le marché a changé, les contrôleurs et gérants de centres doivent se montrer plus professionnels face au parcours client. Bref, le contrôle technique présente désormais les mêmes problématiques que dans la vente de VN en concession. A ceci près qu’il apparaît délicat de se différencier sur la prestation, réglementairement identique partout. Hervé de Labriffe présente un avis tranché sur la question : “Je pense que toute la profession est encore décalée par rapport à la rapidité du business actuel. Nous avons une image vieillotte, parfois même sale… Et ajoutons que, de surcroît, la désirabilité de notre activité est, et sera toujours, nulle.” Ainsi, avant de digresser sur de grandes théories destinées à grignoter des PDM, s’attacher aux basiques constituerait déjà un premier pas vers la différenciation. Un constat partagé chez Dekra, qui a rajeuni beaucoup de ses centres, mais que Karine Bonnet tempère toutefois. “Les investissements nécessaires à ces chantiers, pourtant basiques, ajoutés à des coûts pour mise en conformité réglementaire ou autres, risquent de peser lourdement sur certains acteurs. Le système OTC LAN, qui sera opérationnel en juillet 2016 pour les centres VL, induira des coûts parfois importants, pour rendre compatibles les matériels avec cette norme de communication”, prévient-elle. Et, si les opérateurs réseaux anticipent ces évolutions, tout en militant pour un report de la mise en application, les centres non rattachés doivent faire face aux mêmes frais de structure et de mise en conformité. Mais ils ne disposent pas de toute l’artillerie marketing pour compenser ces charges par un apport de clientèle supplémentaire. Leur arme principale, la baisse des prix, est forcément limitée par le seuil de survie de l’entreprise. “Je pense qu’une sélection naturelle s’opérera, au détriment des plus faibles, dans les réseaux, mais surtout chez les indépendants”, analyse Karine Bonnet.

Recherche de cohérence

Si chacun s’accorde à reconnaître la pertinence de l’OTC LAN, le secteur demande que son déploiement sur le terrain fasse montre d’une certaine cohérence de la part des pouvoirs publics. “En 2018, la France devra proposer sa transposition de la nouvelle directive européenne qui modifie pas mal de choses dans le contrôle technique. Pourquoi ne pas attendre cette date et tout faire d’un coup, et ainsi s’assurer que des investissements aujourd’hui ne se révèlent pas obsolètes peu de temps après ?”, regrette Bernard Desbouvry.

Parmi les autres points d’achoppement avec l’administration, il y a, bien entendu, la loi sur la transition énergétique (LTE), dont l’un des volets porte sur l’obligation de réaliser un contrôle de pollution complémentaire pour les véhicules Diesel lors d’une vente en occasion. Alors que la question doit être statuée dans les semaines qui viennent, les réseaux de contrôle technique, soutenus par leurs syndicats, militent encore pour que cette nouvelle opération se fasse dans les centres de CT, et uniquement chez eux. Le problème, c’est que cette prestation ne sera pas réglementaire, au même titre que la visite technique obligatoire. A ce titre, sur le papier, il est question que les pouvoirs publics l’ouvrent à d’autres prestataires. Le groupe Mobivia (Norauto) notamment, s’est déjà positionné, a équipé et formé ses centres-autos sur le sujet ! Pour les opérateurs du contrôle technique, c’en est trop ! “Il faut maintenir la séparation des pouvoirs, martèle Eric Sarfati. De même, la prestation serait moins impactante pour les ménages si réalisée dans les centres de CT, et si l’on cale sa fréquence sur la périodicité avec la visite obligatoire. Car même si nous devons investir dans du nouveau matériel, le surcoût au global restera faible, de l’ordre de quelques euros. Alors que dans un centre-auto, il s’agira d’une prestation à part entière, et je ne les vois pas la facturer 5 euros !”, conclut-il.

On le voit, le métier évolue et survivront ceux qui sauront créer un modèle différenciant, plus accueillant sans doute, pour redorer leur image. Mais cela ne suffira pas. La diversification (établissement des cartes grises, ventes de complément) peut permettre aux centres de passer plus agréablement les jours de vaches maigres, tandis que l’accompagnement, la force des réseaux et de leur nom, se révélera sans doute crucial. Enfin, gageons que les contrôleurs, souvent issus du monde de la réparation, qui sauront prendre le virage du commerce et de la gestion d’entreprise moderne composeront le paysage du contrôle technique de demain.

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FOCUS - Comparateurs et opérations promotionnelles, dangereux ou salvateurs ?

Depuis quelques années, des initiatives destinées à aider le consommateur dans le choix de son contrôle technique au meilleur prix ont vu le jour. Basés sur des modèles Internet basiques, ces comparateurs se sont donné pour mission de recenser les tarifs pratiqués par les centres de tout le pays. Ils les affichent ensuite selon la zone choisie par l’internaute, afin qu’il puisse choisir confortablement le plus avantageux, sans passer plusieurs coups de fil. Pour les centres qui le désirent (et qui paient), les sites en question permettent également de commercialiser des créneaux à tarifs préférentiels, afin de remplir leur planning.

Mais ces modèles innovants bouleversent quelque peu un secteur d’activité d’ordinaire très conservateur, et suscitent beaucoup de questionnements au sein des réseaux. On peut même dire qu’ils inquiètent ! Car ils mettent en lumière les disparités tarifaires existant entre les centres et sont pointés du doigt par les opérateurs réseau comme catalyseurs de la guerre des prix. “Je pense que les comparateurs sont destructeurs de valeur. Certains d’entre eux ont cherché à nouer des partenariats avec nous, mais nous avons jugé que ce n’était pas dans l’intérêt des affiliés. Ces concepts mettent l’accent sur le prix, et nous ne voulons pas dégrader la prestation, la galvauder, en montrant des tarifs de plus en plus bas, qui ne reflètent pas la valeur de la prestation”, estime Eric Sarfati, président d’Autosécurité.

Pourtant, des sites comme Simplauto (voir page 42) répondent bien à un besoin des consommateurs modernes. C’est simplement lié à la démocratisation de l’Internet, qui donne accès à une foule d’informations dans beaucoup de secteurs d’activité. Pour preuve, Simplauto enregistre un million de visiteurs uniques par mois, seulement deux ans après sa mise en ligne ! Malgré cela, Dekra, lui aussi, reste des plus sceptiques face à ces initiatives : “Les prix affichés par Simplauto sont des tarifs avant remise et ne reflètent pas la réalité du terrain.” Il est exact qu’après plusieurs essais, nous avons isolé quelques incohérences. Par exemple, un centre peut être affiché à 69 euros sur le site Simplauto tandis que, sur le site de son réseau, son plus haut tarif ne dépasse pas 50 euros. Manifestement, les véritables promotions de ce centre ne sont pas prises en compte sur Simplauto. Ainsi, comment connaître l’ampleur de ces erreurs ? Le fondateur de Simplauto affirme que, dans la majeure partie des cas, les centres qui baissent leurs tarifs ou pratiquent ce genre de remises appellent eux-mêmes, afin de faire modifier le tarif affiché sur le site…

Et Bernard Desbouvry de mettre, une nouvelle fois, en garde : “Un centre doit se montrer prudent quand il décide de jouer sur les prix. On l’a vu avec les opérations Groupon. Plusieurs centres s’y sont essayés et ont finalement perdu de l’argent. Non seulement cela ne fidélise pas la clientèle, mais, de plus, quand on sait que tel centre pratique ces promotions ponctuelles, on attend qu’elles reviennent afin d’en profiter !”

Eric Sarfati, président d’Autosécurité, conclut en tentant d’expliquer les raisons qui poussent certains centres à sauter le pas : “Qu’il s’agisse des comparateurs ou bien d’opérations Groupon, cela revient à acheter des parts de marché, si l’on veut se faire connaître, au moyen d’une remise. Mais il ne s’agit jamais de business pérenne ni surtout de rentabilité.”
 

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